Dans le domaine vidéoludique, le genre tactique n’est pas le plus représenté qui soit. Les fans de la saga XCOM guettent donc avec intérêt le moindre nouveau venu. Le 28 juillet, Focus Home Interactive a lancé Othercide sur PS4, Xbox One, Nintendo Switch et PC pour tenter de les attirer. Développé par Lightbulb Crew, il ajoute une bonne dose d’exigence et des éléments hérités des roguelite (le joueur parcourt des donjons aléatoires jusqu’à trépasser et recommencer).
Othercide se caractérise aussi par son esthétique faisant penser à Sin City, avec du noir, du blanc, du gris et quelques touches de rouge pour animer l’écran. C’est d’ailleurs cette direction artistique réussie qui donne envie de se plonger dans le jeu, jusqu’à très vite déchanter quand on découvre son gameplay beaucoup trop punitif pour captiver même les plus téméraires. Dommage, car il y a de bonnes idées malgré tout.
Un univers intrigant
Lightbulb Crew a volontairement teinté Othercide d’un mystère presque inaccessible. Voilà le joueur plongé dans un monde sombre et au bord de la rupture, rongé par un mal nommé Souffrance et dont les sbires rappellent Lovecraft. Très voire trop métaphorique, le récit, qui se dévoile en lisant le codex plutôt qu’en écoutant la narratrice, sert de socle pour envoyer une armée de Sœurs guerrières dans la bataille, guidées par une Mère qui veut mettre fin à la corruption liée à un enfant maudit.
Othercide n’a clairement pas envie de prendre le joueur par la main, même d’un point de vue narratif. Ce choix peut s’apparenter à une force pour qui aime les productions intrigantes, qui demandent à être explorées de fond en comble pour être entièrement comprises. Mais c’est aussi une faiblesse, puisque l’introduction d’Othercide constitue une barrière à l’entrée susceptible d’en laisser plus d’un de côté. Au regard du gameplay, on dira que cet obstacle est à caractère préventif.
L’introduction d’Othercide constitue une barrière à l’entrée
Comme écrit en préambule, Othercide bénéfice d’une direction artistique marquée, sous fond d’orientation gothique assumée. Techniquement, les graphismes manquent un peu de finesse, mais, au moins, il y a une patte qui attire le regard. Il est simplement dommage que les développeurs n’aient pas beaucoup poussé la variété des environnements. À contrario, Lightbulb Crew n’a pas manqué d’inspiration quand il a imaginé des boss : leur design fait froid dans le dos et impressionne sur le champ de bataille.
Lightbulb Crew a oublié de mettre au point une interface claire, qui perd parfois le joueur dans des sous-onglets peu lisibles et des raccourcis à l’évidence discutable. Pire, il arrive parfois de mal enclencher une action après s’être perdu dans le menu déroulant les possibilités autorisées.
Trop punitif pour captiver
Il faut avoir l’esprit bien éveillé pour s’acclimater au gameplay d’Othercide. Le tactical RPG place effectivement le sacrifice au cœur de l’expérience, en faisant comprendre aux joueurs qu’il s’agit souvent d’un lourd fardeau. Vous voulez soigner une de vos héroïnes ? Il faudra en sacrifier une d’un niveau au moins équivalent. Vous voulez être en mesure d’en ressusciter une autre ? Il sera nécessaire de sacrifier une âme qui n’avait rien demandé, après avoir éprouvé des difficultés à la sauver. Lightbulb Crew veut faire peser chaque décision prise de tout leur poids et, de ce point de vue là, c’est une réussite : le droit à l’erreur est quasiment absent.
Cependant, on pourra échouer dans Othercide. En réalité, il faudra échouer pour réussir ensuite. Les premières heures, pour qui s’accrochera, font comprendre qu’il est nécessaire d’enchaîner les boucles de niveaux jusqu’à être suffisamment préparé pour battre le boss retors de chaque chapitre. Au gré de vos prouesses, vous obtiendrez toujours plus de bonus à activer au début de chaque nouvelle partie (exemple : + 30 % de vie), le but étant d’en débloquer un maximum pour se faciliter la tâche. Seul hic : ils n’empêchent pas le coté répétitif des missions, qui consistent grosso modo à se débarrasser de tous les ennemis en attendant la rencontre avec le boss.
La progression est beaucoup trop alambiquée
Il y a des motifs à s’accrocher, à mesure que l’on appréhende le gameplay. Sauf que la progression est beaucoup trop alambiquée pour donner envie d’enchaîner les boucles. Le fait de devoir sacrifier des Sœurs pour soigner les autres empêche de grimper sereinement en niveaux. En outre, chaque nouvelle session entraîne la mort de toutes les guerrières de la précédente et vous ne recevrez qu’un seul jeton de résurrection pour en faire revenir une à la vie. Cette limite implique parfois de jouer pour rien et de perdre des Sœurs que l’on aura pourtant pris le temps d’entraîner. C’est très décourageant.
Othercide manque en parallèle de variété dans les classes que peuvent endosser les Sœurs. Au départ, il n’y en a que trois qui correspondent à des archétypes loin d’être originaux. Comprendre : une plus résistante que les autres et deux spécialistes des dégâts (une au corps-à-corps, une à distance). Pour ne rien arranger, les possibilités de personnalisation sont maigres. En acquérant des points d’expérience, les héroïnes gagnent des bonus statistiques et, de temps en temps, une compétence. Il est également possible d’attribuer un Souvenir à une attaque, équivalent à un boost de puissance non négligeable. En somme, il n’y a pas besoin de réfléchir beaucoup au moment de constituer une équipe, étant donné que les Sœurs finissent par se ressembler un trop.
Dans Othercide, les combats se déroulent au tour par tour, avec des environnements découpés en cases sur lesquelles les protagonistes peuvent avancer. La particularité tient dans la gestion de la jauge de temps. Concrètement, on peut économiser les points d’action d’une Sœur pour que son prochain tour ait lieu plus rapidement. Pour mieux se repérer dans cette chronologie dynamique, une frise est constamment visible. Elle indique l’ordre de passage des différentes unités, ainsi que certaines actions exécutées en différé.
Pour réussir, il vaut mieux être patient et bien coordonner ses attaques, sachant qu’on peut déclencher des combos dévastateurs en maîtrisant l’arsenal mis à disposition. Intéressantes sur le papier, ces mécaniques restent frustrantes dans le sens où les ennemis tapent beaucoup trop fort. Ils obligent presque à réaliser l’enchaînement parfait (lire : ne jamais se faire toucher) car on a vite fait de perdre une Sœur après une petite erreur d’appréciation. Il y a un côté Die&Retry sans réelle compensation dans Othercide. Trop souvent, on n’a pas cette impression d’avoir appris quelque chose lors d’une partie perdue, sinon qu’il y a un manque d’équilibre certain. Avis aux courageux.
Le verdict
Othercide
Voir la ficheOn a aimé
- Une DA inspirée
- L'univers intrigant
- Quelques bonnes idées
On a moins aimé
- Mécaniques trop punitives et décourageantes
- Missions répétitives
- Interface trop complexe
Il faut s’accrocher pour se plonger dans Othercide, qui mêle des ingrédients tirés des genres Tactical-RPG et roguelite dans une bouillie parfois indigeste. Le gameplay s’avère trop punitif pour encourager les joueurs, même téméraires, à apprécier les rares bonnes idées basées sur le sens du sacrifice. Dommage, car le potentiel était là.
Au bout de quelques heures douloureuses, on parvient malgré tout à se prendre, un peu, au jeu, qui doit beaucoup à sa direction artistique très inspirée. Il manque tout de même ce grand sentiment d’accomplissement propre aux productions exigeantes, la faute à des boucles trop répétitives.
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