Marvel’s Avengers, s’il est loin d’atteindre la perfection, repose sur une campagne solo plutôt bien construite. Elle reste paralysée par son intégration dans une structure où la narration a normalement moins sa place.

L’officialisation de Marvel’s Avengers ne date pas d’hier. En janvier 2017, Square Enix et Marvel annonçaient leur collaboration, alors que le monde se ruait dans les cinémas pour se délecter de chaque pièce du puzzle Marvel Cinematic Universe. L’ambition est louable : profiter de la popularité immense des super-héros pour commercialiser une adaptation pensée pour durer dans le temps. On appelle ces productions des jeux-service, misant sur un contenu évolutif pour fidéliser une communauté de fans. Dans le genre, Destiny 2 s’efforce de durer quand d’autres, à l’instar d’Anthem, ont vite été oubliés.

C’est donc peu dire que Square Enix et le studio Crystal Dynamics, en charge du développement, jouent gros. Les deux entités ont d’ailleurs rencontré des difficultés dans la communication, après une première bande-annonce critiquée en raison de la modélisation des protagonistes. Certains s’attendaient un peu trop à voir un Iron Man ressemblant trait pour trait à Robert Downey Jr., mais les développeurs ont préféré apporter leur vision — puisée dans les comics. Elle a longtemps été diluée dans une structure que l’on peinait à comprendre. Aujourd’hui, on peut au moins affirmer une chose : la campagne solo de Marvel’s Avengers est loin d’être ridicule, alors que ce n’était pas gagné d’avance.

Marvel's Avengers // Source : Square Enix

Marvel's Avengers

Source : Square Enix

Gloire à Kamala

Disponibilité

Marvel’s Avengers est disponible sur PS4, Xbox One, PC et Google Stadia. Des versions PS5 et Xbox Series X sont prévues.

Marvel’s Avengers épouse volontiers le schéma choisi par Bungie pour nourrir Destiny 2. Des missions principales, à consommer en solitaire, côtoient des objectifs qu’il est préférable d’accomplir à plusieurs (jusqu’à quatre en ligne). Cette générosité très ancrée dans l’époque est tout à la fois un avantage et un inconvénient : quelle est la place de la narration quand autant de liberté est accordée aux joueuses et joueurs dans leur manière de vivre leur propre aventure ? Cette problématique, Crystal Dynamics la contourne, d’abord, en séparant explicitement le solo du multi, puis en encourageant à vivre d’abord l’histoire.

Le fond du récit de Marvel’s Avengers n’a rien de profondément original. En résumé, les Avengers, naguère idoles du peuple, sont devenus des parias après une catastrophe dont ils sont tenus pour responsables. Certains habitants sont devenus des Inhumains, des individus dotés subitement de super-pouvoirs. Dans ce contexte apocalyptique, l’entreprise AIM compte bien tirer son épingle du jeu. Elle-même Inhumaine, la jeune Kamala Khan se met en tête de rassembler les Avengers pour empêcher les sombres desseins d’AIM.

Marvel’s Avengers prend le temps de se poser

La grande force de Marvel’s Avengers tient dans la maîtrise de Crystal Dynamics, qui n’hésite pas à se référer à ses productions passées (le reboot de Tomb Raider, au hasard) pour assurer en termes de mise en scène et de narration. Si l’avenir du jeu vidéo est tourné vers l’expérience en ligne, le présent propose un solo classique mais efficace. Marvel’s Avengers prend le temps de se poser pour empiler des cinématiques plus ou moins longues, garnies de dialogues qui creusent certains personnages. Sur ce point, Kamala Khan, alias Ms. Marvel, est la grande gagnante du casting. Méconnue du grand public, elle a droit à une vraie trajectoire ascendante jusqu’au statut si privilégié de super-héroïne.

Des combats grisants, mais brouillons

En revanche, il faut bien reconnaître que la structure inspirée de Destiny a ses limites. La campagne doit parfois se farcir des objectifs moins intéressants, parce qu’elle doit servir de tutoriel déguisé pour ce qu’il va se passer après. C’est pour cette raison que nous sommes amenés à incarner un à un les six premiers super-héros intégrés au casting : Miss Marvel, Hulk, Iron Man, Black Widow, Thor et Captain America (dans l’ordre). Ils ont la bonne idée de proposer une prise en main vraiment différenciée, quand bien même des archétypes et des redondances finiront par apparaître quand Crystal Dynamics ajoutera d’autres Avengers à la fête. Ainsi, certains sont des spécialistes du corps-à-corps quand d’autres adorent se battre à distance. Il y a une variété et une complémentarité bienvenues, qui permettent à chacun de trouver chaussure à son pied. Et il ne faut pas se fier à ses préjugés : moins puissante sur le papier qu’un Hulk, Black Widow est plus intéressante — et gratifiante — à jouer qu’il n’y paraît.

Des affrontements un peu brouillons

Crystal Dynamics est parvenu à donner naissance à un casting équilibré, ce qui n’était pas une sinécure en raison du vivier de talents imaginés par Marvel. On rappellera, à ce sujet, que Disney a atteint le même résultat dans les films Avengers, en ne misant pas uniquement sur les plus forts pour triompher face à Thanos. Pour s’assurer de cette réussite, le studio a imaginé un gameplay accessible, hérité des beat them all à tendance grande échelle (du genre où l’on tape sur tout ce qui bouge, avec du monde à l’écran). Un coup puissant, une attaque légère, une touche pour esquiver, une autre pour parer et trois pouvoirs à utilisation limitée : dans les mouvements de base, Marvel’s Avengers n’invente rien. Il se permet quand même d’ajouter une surcouche spécifique à chacun des héros. Par exemple, Black Widow peut tirer avec ses pistolets et dispose d’une jauge qui, une fois remplie (sans se faire toucher), la rend plus puissante. Hulk possède aussi cette jauge, qui lui permet de regagner de la vie quand on la vide.

En résultent malheureusement des affrontements un peu brouillons et qui deviennent répétitifs. Très souvent, on se contente de suivre les directives jusqu’à arriver à une zone à vider de troupes d’ennemis plus ou moins forts. Dans les premières heures de jeu, Marvel’s Avengers n’impose pas un challenge très relevé — même en difficile. Il faut attendre les contenus demandant une puissance plus élevée pour commencer à trembler. On ressent en tout cas la puissance des coups au sein d’un spectacle visuel souvent impressionnant — avec des sensations grisantes à la clef. La campagne solo manque de face-à-face épiques mais sait s’appuyer sur un habillage avantageux, entre les graphismes aguicheurs et les jolis effets qui appuient les super-pouvoirs. Il est simplement dommage de déplorer la présence de pépins techniques qui devront être corrigés à l’avenir (temps de chargement longs, gels d’écran, bugs visuels).

Marvel's Avengers // Source : Square Enix

Marvel's Avengers

Source : Square Enix

Par ici le loot

Si globalement satisfaisante soit-elle, la campagne solo de Marvel’s Avengers doit composer avec une complexité susceptible d’en perdre plus d’un en route. Il y a une foule de tâches à accomplir et il est nécessaire de lire et retenir pour bien tout comprendre. Parfois, vous faites avancer l’histoire. Parfois, vous aidez l’une des factions intégrées dans le jeu. Parfois, vous faites simplement évoluer votre super-héros. Pour ne rien arranger, la progression n’est pas la plus linéaire qui soit. Elle est régie par le niveau atteint en emmagasinant de l’expérience ainsi que l’équipement porté.

À la manière d’un RPG, Marvel’s Avengers encourage les allers/retours vers un inventaire à la lisibilité discutable pour choisir les meilleures pièces d’équipement. Rangées dans plusieurs niveaux de rareté, elles permettent d’accroître la puissance, qui sert d’indicateur pour savoir si, oui ou non, on pourra terminer une mission. On comprend vite le cheminement : on accomplit des choses pour être toujours plus puissant et on est toujours plus puissant pour accomplir de plus en plus de choses. Le principe même du loot-game addictif conviendra à celles et ceux qui voudront consacrer de longues heures à Marvel’s Avengers.

Bien évidemment, Marvel’s Avengers reste un jeu compliqué à juger aujourd’hui, puisqu’il ne sera plus tout à fait le même dans un an. On peut néanmoins répondre à la question suivante : peut-on se contenter de la composante solo et ne pas se perdre dans la partie multijoueur ? Le mode histoire, qui tient en haleine une douzaine d’heures, a suffisamment d’arguments pour convaincre les fans de super-héros désireux d’incarner Thor et consorts. Il s’inscrit dans une expérience qui préfère l’efficacité à la surprise, certes engoncée dans une forme parfois indigeste. Comme les Avengers, le jeu de Square Enix ne sait pas toujours où donner de la tête — le joueur avec.

Le verdict

À cause d'une communication compliquée et d'une bêta peu convaincante, Marvel's Avengers ne partait pas en terrains conquis. À l'arrivée, Crystal Dynamics est tout de même parvenu à pondre une aventure solo divertissante. Pour cela, le studio empile des idées empruntées à droite et à gauche, habillées d'une narration efficace et centrées sur une héroïne méconnue qui mérite de gagner en popularité. L'avenir dira si Marvel's Avengers est en mesure de tenir dans le temps, à grand renfort de mises à jour gonflant toujours plus le contenu. En l'état, si l'on fait fi des quelques défauts techniques et de la structure parfois complexe, l'adaptation éditée par Square Enix fait honneur aux super-héros en offrant aux joueuses et joueurs un sentiment de puissance inégalé. Il s'apparente finalement au paquet de pop-corn que l'on dévore avec gourmandise en allant voir un film du MCU : on a beau connaître la saveur depuis des années, cela n'empêche pas de passer un chouette moment.
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