C’est le 4 décembre 2020 que Mulan doit être proposé au public français, sur Disney+, le service de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) du géant du divertissement américain. Mais à cette date, où en sera la controverse à l’encontre du film, accusé d’avoir été tourné en partie au Xinjiang, une province dans laquelle des exactions contre la minorité ethnique ouïghoure ?
Car depuis la sortie internationale de Mulan sur la plateforme de SVOD — le long-métrage en prises de vues réelles, adaptation du film d’animation de Disney sorti en 1998 –, de plus en plus de voix se font entendre pour appeler au boycott. L’élément déclencheur de cette campagne anti-Mulan ? La présence dans le générique de fin de divers noms relatifs au Xinjiang, alors même qu’une répression étatique est en cours.
« Le film Mulan remercie tout particulièrement le département de propagande du comité de la région autonome Xinjiang du parti communiste chinois dans les crédits. Vous savez, l’endroit où un génocide culturel se déroule. Ils ont beaucoup filmé dans le Xinjiang, que les sous-titres présentent comme la Chine du nord-ouest », signale la romancière Jeannette Ng, avec une capture d’écran pour appuyer ses dires.
Il est évidemment courant pour des productions cinématographiques de remercier dans les génériques toutes les localités et les autorités qui ont permis ou facilité le tournage d’un film. C’est vrai en Occident, comme en Orient — y compris en Chine. Mais la dégradation très importante des droits de l’Homme dans cette région de l’Empire du Milieu donne une teinte particulière à ces « remerciements ».
Car il faut bien se rendre compte de ce qu’il se passe dans cette province située à l’extrême ouest du pays : sont documentés depuis plusieurs années, via la presse et des lanceurs d’alerte, des internements arbitraires dans des camps de travail, des stérilisations forcées des femmes, des mesures de surveillance étatique, des mariages sous la contrainte entre des femmes ouïghoures et des hommes de l’ethnie majoritaire chinoise (hans), un contrôle des naissances ou une limitation des déplacements.
C’est ce décalage entre la réalité à laquelle est confrontée la minorité ouïghoure et la très grande discrétion de la multinationale Disney à ce sujet qui aujourd’hui n’est plus admis. D’autant que cela s’ajoute à de nombreux autres griefs formulés contre Beijing : politique du fait accompli en mer de Chine méridionale, mise en coupe réglée de Hong Kong et du Tibet, mise au pas de la Mongolie intérieure, sans parler des pressions contre la diaspora étrangère ou même contre des journalistes ou des chancelleries occidentales.
Ce sont toutefois spécifiquement les exactions commises par Pékin au Xinjiang qui ont mis le feu aux poudres, puisque c’est ici que Disney s’est installé pour une partie de ses plans — la région offre il est vrai des paysages exceptionnels, faits de déserts et de montagnes, et avec peu d’urbanisation. Idéal pour un film se plongeant dans l’histoire antique de la Chine, puisque Mulan s’inspire d’une légende locale.
Une autre Mulan, Hongkongaise
Le film de Disney avait déjà été frappé par une polémique l’année dernière, alors que Hong Kong entrait en ébullition contre la tentative de Beijing de reprendre en main la péninsule, en tout cas bien avant ce que prévoient les termes de la déclaration sino-britannique commune. en théorie, la zone doit pouvoir continuer à jouir d’une certaine autonomie jusqu’en 2047, dans le cadre de la politique d’un pays, deux systèmes.
Sauf que lors des manifestations s’opposant au projet de loi sur l’extradition, vers la Chine, des opposants politiques, l’actrice sino-américaine Liu Yifei, choisie par Disney pour prêter ses traits à Mulan, a pris fait et cause pour la police hongkongaise. Sur Weibo, l’équivalent local de Twitter, elle a déclaré en 2019 : « Je soutiens la police de Hong Kong. Vous pouvez tous m’attaquer maintenant. Quelle honte pour Hong Kong ».
Or pour beaucoup, cette sortie a disqualifié Liu Yifei en Mulan, un personnage que l’on décrit plutôt comme rebelle, combatif et allant à l’encontre des règles — Mulan décide de se travestir en homme pour pouvoir intégrer l’armée et aller guerroyer –, et non pas tant comme une zélote du pouvoir en place. En tout cas, aux yeux des partisans des défiés pro-démocratie à Hong Kong.
Cette affaire s’était quelque peu aplanie avec le temps, avant d’être relancée au cours du mois d’août 2020 avec l’arrestation de l’une des figures du mouvement démocratique à Hong Kong. Car en effet, celle qui a été arrêtée est une femme, Agnes Chow, et les circonstances l’ont propulsée comme la Mulan des Hongkongais, qui se bat contre l’envahisseur. En l’occurrence, la Chine.
L’une des grandes questions est de savoir si les appels au boycott qui résonnent à Hong Kong et dans la diaspora asiatique seront entendus et suivis en Occident, dont le quotidien immédiat est avant tout rythmé par l’épidémie de coronavirus, ou si Disney parviendra à traverser cette polémique sans trop de dégâts. En Chine, le film doit sortir en salles le 11 septembre. Le public suivra-t-il et compensera-t-il les éventuels effets d’un boycott en Occident ? Cela reste à voir.
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