C’est dans une laconique publication sur Instagram que Michel Ancel, le créateur de Rayman, a fait part d’une annonce qui chamboule le monde du jeu vidéo français. « Aujourd’hui est un jour particulier pour moi », peut-on lire à côté de sa vidéo. « Après plus de 30 ans, j’ai décidé d’arrêter de travailler sur les jeux vidéo et de me consacrer à ma deuxième passion : les animaux sauvages ! Mon nouveau projet se passe dans le monde réel, et prend la forme d’un sanctuaire dédié à l’éducation, aux amoureux de la nature … et aux animaux sauvages ».
La nouvelle ne manque pas de surprendre. En interne pourtant, des employés ont confié à Numerama, ces dernières semaines, que l’homme s’était déjà grandement détaché de son travail quotidien, et était très peu présent dans les bureaux montpelliérains.
« Beaucoup d’entre vous veulent savoir ce qu’il va arriver à Wild et BGE2 [Beyong Good and Evil 2, ndlr]. Ne vous inquiétez pas, depuis quelques mois les équipes sont autonomes et les projets avancent super bien. Beaucoup de très belles choses vont bientôt arriver. »
« Que le renard soit avec vous », conclut-il, en faisant allusion à la formule phare de Star Wars et au renard présent dans sa vidéo.
« Garder la vision de Michel »
La nouvelle ne manque pas de surprendre. Michel Ancel était encore récemment impliqué dans la production de Beyond Good and Evil 2, le deuxième opus de la saga culte. Attendu depuis des années par les fans, la date de sortie a été plusieurs fois repoussée. Pour l’instant, aucune date n’a encore officiellement été annoncée, le site d’Ubisoft fait juste mention d’une sortie « prochaine ». Il semblerait donc que la fin de la production du jeu, tout comme sa future adaptation par Netflix, se feront sans sa supervision ou ses conseils.
L’équipe de production et le senior producer de Beyond Good and Evil 2 ont également publié un message où il fait notamment part de sa volonté de « respecter la vision de Michel Ancel ». Le message permet également d’informer les fans de nouvelles avancées dans la production du jeu, notamment le fait qu’ils auraient récemment « franchi une importante étape », sans toutefois donner plus de précision. Leur nouvel objectif, explique le senior producer, est de « présenter le jeu en action dans le courant de l’année prochaine ».
Ubisoft a publié un bref communiqué dans lequel ils précisent que Michel Ancel aurait « choisi de quitter l’entreprise du jeu vidéo après une carrière exceptionnelle de plus de 30 ans », pour se consacrer à un « projet personnel » de « protection de la vie sauvage ». « Nous remercions Michel pour la formidable vision créative qu’il a apporté chez Ubisoft tout au long de sa carrière, et nous lui souhaitons tout le meilleur pour cette nouvelle page de sa vie professionnelle ».
Wild, l’autre projet phare de Michel Ancel, est également attendu depuis quelques années par les fan. Après une première bande annonce et une présentation à la GamesCon de 2014, il n’y a pas eu beaucoup plus de nouvelles depuis. Wild n’est cependant pas un jeu développé par Ubisoft, mais pas un autre studio fondé par Michel Ancel, Wild Sheep Studio. Le studio n’a pas encore réagi à l’annonce du départ de son créateur.
Le « Père de Rayman » mentionné dans une enquête de Libération
Michel Ancel n’est pas n’importe qui. Le créateur de Rayman, l’une des licences les plus reconnaissables du jeu vidéo, fait partie d’Ubisoft depuis les tous débuts du groupe et est particulièrement proche de son PDG, Yves Guillemot.
La proximité des deux hommes et le traitement spécial auquel il aurait eu droit au sein de l’entreprise lui ont d’ailleurs récemment été reprochés : dans son enquête sur le harcèlement sexuel et sexiste chez Ubisoft, Libération relatait un épisode où le PDG aurait expliqué que « Michel Ancel a un statut équivalent à d’autres stars du milieu » ce qui justifierait le fait que « c’est aux représentants du personnel comme aux ressources humaines de trouver des moyens pour protéger les gens qui travaillent avec lui ».
Ubisoft est en pleine reconstruction de son organigramme depuis quelques mois, après la publication de plusieurs enquêtes de Libération et Numerama à l’été 2020 qui mettaient directement en cause certains cadres dirigeants, accusés de perpétuer une atmosphère toxique, de proférer des insultes sexistes voire d’avoir commis des actes de harcèlement et de tentatives d’agressions sexuelles. Des cadres comme le directeur créatif Serge Hascoët ou son bras droit Tommy François ont démissionné. Plus récemment, le directeur du studio Nadeo, qui appartient à Ubisoft depuis 2009, a aussi été mis en cause dans une enquête de Numerama du 10 septembre 2020, accusé par de nombreux ex-employés de perpétuer une atmosphère très pesante en interne.
Le départ de Michel Ancel n’est officiellement pas relié, selon toute communication externe d’Ubisoft, à ces récents événements. En interne toutefois, certains employés nous ont confié y voir une manière de partir la tête haute alors que son nom avait commencé à être prononcé dans la presse.
Mise à jour du 18 septembre 2020 à 18h : Le syndicat Solidaires, branche Informatique et Jeu Vidéo, a appelé dans un tweet à ce que « justice soit faite », rappelant les révélations de Libération. « Le départ de Mr Ancel ne lave pas le groupe Ubisoft de ses responsabilités. Ce dernier doit pouvoir répondre de ses actes devant un tribunal ».
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