Qu’elle fut longue, la traversée du désert de Crash, mascotte née en 1996 sur PlayStation, imaginée par Naughty Dog avant de passer sous un autre pavillon (Activision). Il y avait pourtant matière à en faire un égal de Lara Croft, ces héroïnes et héros qui résistent aux chocs des générations.
Après trois épisodes canoniques, quelques spin-off (Crash Team Racing, copie carbone des Mario Kart, en tête) et une apparition dans Skylanders, le célèbre marsupial au capital sympathie immense est revenu sur le devant de la scène avec la compilation Crash Bandicoot: N. Sane Trilogy. Comme elle s’est bien vendue (le cap des dix millions d’exemplaire a été franchi), Activision lance un nouvel épisode.
Le succès mérité de Crash Bandicoot: N. Sane Trilogy a prouvé que Crash Bandicoot n’avait rien perdu de sa popularité et qu’il mérite d’avoir une nouvelle aventure 100 % inédite. C’est l’objet de Crash Bandicoot 4: It’s About Time, développé par Toys for Bob. Le studio connaît bien le héros pour en avoir fait un guest dans la saga Skylanders et, en réalité, n’a pris aucun risque. Ce Crash Bandicoot 4: It’s About Time, disponible sur PS4 et Xbox One depuis le 2 octobre, transpire la nostalgie. « Il était temps », annonce d’emblée le sous-titre. Et on est 100 % d’accord avec la formule.
Crash Bandicoot n’a vraiment pas changé
L’époque n’est plus la même et les consoles ont changé. Ce constat ne s’applique pas à Crash, qui rempile pour un voyage dans le temps et les dimensions avec exactement les mêmes mouvements et talents. Capable de tourbillonner sur lui-même, le marsupial est surtout un as des sauts, simples comme doubles. Le tout premier niveau rappellera d’ailleurs des souvenirs à celles et ceux qui ont connu le premier Crash Bandicoot sur PlayStation : on démarre tranquillement sur une plage avant de s’enfoncer dans une forêt, non sans éviter pièges et ennemis avec doigté et timing. Les sensations reviennent vite, puis s’enchaînent les premiers ratés. On finit par comprendre que Crash Bandicoot 4: It’s About Time veut s’inscrire dans la lignée de ses prédécesseurs, respectant les qualités comme les défauts de ses glorieux ancêtres.
Les échecs s’accumulent
Toys for Bob n’a pas hésité à recycler certaines portions qui ont provoqué plus d’une crise de nerf chez les fans. Il y a les courses-poursuites avec la caméra qui se place devant le héros (pour mieux le surprendre dans sa fuite). Il y a aussi les passages à dos d’animaux, lesquels pardonnent peu les approximations dans la direction à prendre. En guise d’innovation, on a droit à l’intégration de quatre masques quantiques, disposant chacun d’un pouvoir spécifique (apparition/disparition d’éléments du décor, méga-tourbillon complexe à manier, ralentissement du temps et inversion de la gravité). Malheureusement, il n’est pas possible de passer de l’un à l’autre à l’envi. Il faut attendre les derniers niveaux pour qu’ils soient associés dans une même portion, occasionnant un pic de difficulté auquel personne n’est vraiment préparé.
Vies illimitées ou vies à récupérer ? On est tenté par la deuxième option, qui correspond à la difficulté d’époque. Mais si on fait rapidement le plein (en ramassant des pommes), les derniers niveaux peuvent faire baisser le stock à vitesse grand « v ». Vous êtes prévenus.
Les masques quantiques ont néanmoins le mérite de pimenter un peu plus la prise en main, jamais pensée pour faciliter la vie de joueurs qui auront besoin de bons réflexes. Entre les angles de caméra fixes, qui n’aident pas toujours à apprécier la perspective, et les mouvements flottants du héros, dont on devine à peine le point de chute, les échecs s’accumulent. Certains ressortiront frustrés de Crash Bandicoot 4: It’s About Time, d’autant que certains moments relèvent vraiment du défi mental. Mais c’était déjà le cas pour la trilogie initiale, dont le but n’était pas de ménager les efforts. Pour palier ce challenge que les moins de vingt ans pourraient ne pas connaître, Toys for Bob propose deux modes de jeu : le classique avec des vies à récupérer (il faut recommencer si on tombe à zéro) et un autre plus moderne et accessible (avec de simples points de passage).
Par ailleurs, Crash Bandicoot 4: It’s About Time permet d’incarner d’autres personnages que Crash. Il y a Coco, avec un design « féminin ». Il y a surtout Tawna, naguère petite amie de Crash (qui a bien changé), et les méchants Dingodile et Docteur Neo Cortex. Ils ont chacun droit à des arcs narratifs misant sur le temps pour recoller les morceaux. Ils profitent aussi de compétences propres pour varier les plaisirs, sans pour autant rendre le jeu plus accessible. Par exemple, Tawna dispose d’un grappin quand Docteur Neo Cortex, incapable d’assurer un double-saut, peut créer des plateformes et des trampolines en tirant sur les ennemis.
Beau comme un film d’animation
À défaut de dépoussiérez la formule, Toys for Bob a soigné la forme. Dans le sillage de Crash Bandicoot: N. Sane Trilogy, Crash Bandicoot 4: It’s About Time est un bonheur pour les yeux. Les développeurs usent des vertus du moteur graphique Unreal Engine 4, conçu par Epic Games. Très coloré, le rendu est d’une générosité débordante. Entre les animations du héros et le nombre incalculable de détails qui peuplent l’écran (même en arrière-plan), on en prend plein les yeux. En prime, Toys for Bob a concocté une direction artistique très variée, qui fait voyager d’une époque à l’autre et nous trimballe entre plusieurs environnements très inspirés (des marais à une ville futuriste, en passant par un château).
Cet écrin visuel permet de mieux accepter le scénario risible, basé sur des voyages dans le temps. Ce point constitue une pirouette pour diversifier les décors, et Toys for Bob ne manque pas d’en profiter. Il s’appuie aussi sur l’argument foutraque de la saga, qui a tendance à partir dans tous les sens en mélangeant tout et n’importe quoi.
Toys for Bob n’est pas avare non plus en ce qui concerne le contenu de Crash Bandicoot 4: It’s About Time. Le jeu s’appuie sur des niveaux classiques, qu’il est possible de refaire en version N.versée pour ramasser toujours plus de bonus. À cela s’ajoutent les parcours chronométrés, les tâches annexes (encore plus difficiles que l’expérience de base) et la quête du 100 % (spoiler : il ne faudra pas beaucoup mourir, ce qui nécessite patience et courage). Au regard de tout ce qu’il y a à faire, la durée de vie de Crash Bandicoot 4: It’s About Time peut aisément dépasser les dix heures. Une durée qui peut doubler pour qui voudrait résoudre tous les puzzles proposés par les environnements également truffés d’obstacles.
Le verdict
Crash Bandicoot 4: It’s About Time
Voir la ficheOn a aimé
- Très joli
- Les sensations d'avant sont préservées
- Du contenu à en revendre
On a moins aimé
- Les défauts, eux-aussi, sont préservés
- Les derniers niveaux sont vraiment infernaux
- Les masques quantiques sous-exploités
Pour le meilleur et pour le pire, Crash Bandicoot 4: It’s About Time fonctionne comme une Madeleine de Proust, celle dont on connaît la saveur avant même d’y avoir goûté. Ce n’est pas nécessairement un défaut, plus le constat que la mascotte n’a pas voulu prendre de risque après tant d’années sabbatiques.
Les fans seront ravis de retrouver les sensations d’antan, même si quelques crises de nerf sont à prévoir (surtout dans les dernières heures). Après une remasterisation réussie de la trilogie initiale, Crash Bandicoot 4: It’s About Time prouve que le marsupial en a encore sous le pied quand il faut faire chuter les joueurs. Gare au crash, donc.
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