Cléopâtre, reine des reines, a exigé la construction d’un nouveau palais, le plus beau de tous, digne de la grandeur de son règne. Tous les architectes du royaume œuvrent à la tâche, avec le plus grand zèle, au risque de finir dans l’estomac des crocodiles. La tentation de se laisser corrompre n’a jamais été aussi vive…
Les joueurs incarnent ces architectes, travaillant tous ensemble à la construction du palais. Tout du moins s’affairent-ils sur le même édifice, mais uniquement celui y ayant apporté la plus grande contribution sera rétribué à sa juste valeur.
Seules les fondations existent en début de partie. Au fur et à mesure, de nouveaux éléments vont s’y ajouter : murs, portes, obélisques, sphinx, trône, etc. En trois dimensions, elles viennent embellir le plateau de jeu jusqu’à former un palais complet. Chaque pièce nécessite des ouvriers et des matériaux de construction, de un à quatre, tous identiques ou tous différents.
Un tour de jeu s’articule autour d’une des deux actions possibles :
- Piocher des cartes au marché, correspondants aux ressources nécessaires à la construction,
- Ou dépenser ses cartes pour construire un ou plusieurs éléments.
Chaque élément rapporte plus ou moins de points de victoire, selon s’il demande plus ou moins de matériaux pour le construire, et en fonction des autres éléments déjà en place. Le sphinx par exemple, rapporte des bonus si d’autres sphinx ont déjà été construits.
La partie prend fin dès que cinq types de constructions parmi les six possibles ont été construits. Et le joueur le plus riche l’emporte.
Ces règles vous paraissent basiques ? C’est vrai, mais nous avons omis un détail qui a toute son importance : la corruption ! Certaines cartes de matériaux valent double, mais en contrepartie portent la marque de l’infâme dieu Sobek. Certes, elles permettent d’arriver plus vite à vos fins, mais à un coût non négligeable. À chaque fois qu’on utilise une carte corrompue, on ajoute une petite amulette dans sa pyramide : vous savez combien vous en avez, mais ignorez combien en ont les autres, à moins de tout compter… ce qu’on oublie très vite de faire.
En fin de partie, les joueurs les plus corrompus perdent des points de victoire en conséquence : plus vous avez d’amulettes de corruption, plus vous êtes impactés. Un seul point pour une amulette, trois pour deux amulettes, quinze pour cinq amulettes, etc. jusqu’à une élimination directe pour huit amulettes de corruption ou plus. Heureusement, quelques moyens existent pour se débarrasser de ces amulettes, mais ils sont peu nombreux et, forcément, très prisés.
Pourquoi jouer à Cléopâtre ?
La présente boîte est la réédition d’un jeu au titre identique, sorti chez un autre éditeur en 2006. Les auteurs ont profité de ces années d’expérience pour encore affiner leur jeu. En premier lieu, il est désormais jouable à deux. Surtout, il a été simplifié, dans le bon sens : il est plus vif, plus immédiat, les tours s’enchaînent. Des personnages spéciaux, avec des pouvoirs très importants, ont été ajoutés, et on peut s’offrir les services de l’un d’eux à chaque tour… en échange d’un peu de corruption.
Cette notion de corruption est bien entendu le principal attrait du jeu, son gros point fort. Inévitablement, on va se corrompre, qu’on le veuille ou non. Sans cela, les adversaires prennent trop d’avance pour espérer pouvoir les rattraper. Mais il faut jouer astucieusement, tourner autour, essayer de jauger à quel point les adversaires sont corrompus, et dépenser judicieusement ses ressources pour construire le bon élément au bon moment, celui qui rapporte le plus de points de victoire à l’instant T.
Le jeu a vraiment de l’allure
Outre sa mécanique, particulièrement plaisante, même si très simple, ce qui frappe d’emblée dans ce jeu est… sa boîte. En effet, rares sont celles d’une telle taille, avec presque quinze centimètres de hauteur. Ceci s’explique par la démesure du matériel : de grands obélisques, de beaux sphinx, un palais énorme, des figurines, des murs et des portes de palais hauts d’une dizaine de centimètres. Le passage par la case financement participatif se ressent. Le contrecoup de cette débauche de matériel est bien évidemment le prix. À bien y réfléchir, on aurait peut-être préféré des dimensions plus mesurées, et un prix plus accessible. Car, si Cléopâtre et la société des architectes peut s’apprécier entre joueurs connaisseurs, ses règles vraiment simples le destinent surtout à un public familial, peut-être moins enclin à dépenser autant d’argent dans un jeu. Il n’empêche, une fois en place, le jeu a vraiment de l’allure. À condition d’avoir une table assez grande pour y jouer dans les meilleures conditions.
Cléopâtre et la société des architectes est une très bonne réédition d’un jeu qui était déjà très bon il y a une quinzaine d’années. Plus simple, plus immédiat, et plus wow ! Une boîte énorme, un matériel dingue aussi beau à regarder qu’agréable à manipuler. Mais pour un jeu qui se veut avant tout familial, on aurait peut-être pu espérer qu’il reste dans une certaine mesure, sans tomber dans les excès du « toujours plus » propres aux jeux financés via Kickstarter. En tous les cas, si vous voulez vous faire plaisir avec un très beau et bon jeu, allez voir du côté du Nil, on cherche du monde pour construire le palais de la reine…
- Cléopâtre et la société des architectes est un jeu de Bruno Cathala et Ludovic Maublanc
- Illustré par Miguel Coimbra
- Édité par Lucky Duck Games
- Pour 2 à 4 joueurs à partir de 10 ans
- Pour des parties d’environ 60 minutes
- Au prix de 53,90 € chez Philibert
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