Watch Dogs: Legion avait tout pour être l’épisode de la réconciliation. Il prouve à l’arrivée que cette saga ne sera jamais l’égal d’Assassin’s Creed.

La saga Watch Dogs est décidément une drôle d’affaire chez Ubisoft. Le premier épisode, qui était une alternative intéressante dans le genre GTA-like, s’est pris un retour de boomerang en plein visage à cause de sa première bande-annonce trop prometteuse qui n’avait rien à voir graphiquement avec le jeu définitif. Plombé par son ambiance un peu trop décalée, Watch Dogs 2 n’a pas suffisamment élevé l’expérience de base pour devenir un incontournable — comme avait su l’être Assassin’s Creed 2 à son époque. Il incombait alors à Watch Dogs: Legion de sauver l’honneur. Malheureusement, ce ne sera pas pour cette fois.

Ubisoft nourrissait pourtant de grandes ambitions derrière Watch Dogs: Legion, repoussé de plusieurs mois après le fiasco Ghost Recon Breakpoint. Hélas, si les bases restent intéressantes, matérialisées par la possibilité de hacker tout et n’importe quoi, la proposition finale manque cruellement de consistance pour amuser davantage que quelques heures, malgré la possibilité d’incarner n’importe qui, une key feature qui a peiné à exprimer son plein potentiel.

Watch Dogs: Legion // Source : Ubisoft

Watch Dogs: Legion

Source : Ubisoft

Watch Dogs, ce n’est toujours pas ça

Pourquoi on n’a pas pu finir Watch Dogs: Legion

On n’a pas pu voir la fin de Watch Dogs: Legion en raison d’une mission occasionnant un plantage de la Xbox One X au moment d’une cinématique. Après trois essais, on a conclu qu’il s’agissait d’un bug critique de la progression. Il sera très certainement corrigé pour la sortie, mais cela témoigne de la persistance de soucis techniques (dont des bugs visuels observés lors de la partie).

Il faut bien reconnaître une chose à Watch Dogs: Legion : sa reconstitution d’un Londres qui ne tombe pas dans le futurisme outrancier. Des taxis au design typique côtoient des voitures autonomes sans chauffeur (que l’on peut quand même piloter manuellement…) ; des drones emplissent constamment le ciel, comme s’ils avaient remplacé les insectes d’autrefois. À bien des égards, ce Londres virtuel s’apparente à un aperçu de ce qui nous attendra plus tard. Il y a un côté froid à peine revigoré par les graffitis, des néons et des  personnages au look exubérant (spoiler : les rues ne sont pas noires de monde), faisant écho au cyberpunk, et permettant ainsi de jeter des ponts entre ce réel vidéoludique à ce sous-genre important de la science-fiction.

Cependant, comme trop souvent, Ubisoft est autant habile dans l’art de confectionner des décors crédibles qu’il est incapable de les peupler avec des éléments intéressants. La faute à une narration décevante, qui sert une intrigue articulée autour d’une ville à libérer après des attentats attribués à DedSec (les hackers gentils de l’univers Watch Dogs). On est dans un récit de résistance comme on en a déjà vu cent fois : on profite des dérives des pouvoirs en place pour soulever un peuple opprimé — sans oublier les thèmes récurrents du genre. Et comme le concept de Watch Dogs: Legion mise sur la possibilité d’incarner quiconque, il n’y a aucun visage fort qui se détache de l’histoire. Aucun attachement qui s’opère. Première limite.

En 2016, Serge Hascoët, ex-directeur du pôle créatif central d’Ubisoft, confiait : « Je ne veux plus que le joueur subisse l’histoire créée par quelqu’un. Nous avons encore des jeux comme ça, mais je demande de plus en plus qu’on laisse le joueur écrire sa propre histoire, qu’il se fixe lui-même un objectif long terme, identifie les différentes opportunités qui s’ouvrent à lui, choisisse et ne suive pas un chemin décidé pour lui. » Watch Dogs: Legion est l’illustration parfaite de ces propos et c’est au joueur de se débrouiller pour se construire une aventure digne de ce nom.

Watch Dogs: Legion // Source : Ubisoft

Watch Dogs: Legion

Source : Ubisoft

Un concept intéressant mais…

Dans les grandes lignes, Watch Dogs: Legion prend la forme d’un jeu en monde ouvert avec un développement assumé de l’infiltration. Les différentes missions, qui s’enchaînent, demandent très souvent aux joueurs et aux joueuses de rentrer dans des bâtiments sans alerter les gardes. Pour ce faire, ils disposent d’un gadget de hacking ultra évolué, capable de pirater des caméras, des drones, et bien d’autres interfaces électroniques. C’est la principale arme disponible dans Watch Dogs: Legion et elle permet de faire beaucoup de choses à distance pour se faciliter la tâche. Par exemple, on peut très bien prendre le contrôle d’un drone pour terminer un puzzle intégré au décos. Il est par ailleurs possible de débloquer d’autres outils de l’arsenal et/ou d’améliorer ses compétences de hacking. Sur ce point, on est dans la lignée des prédécesseurs.

Il reste alors cette opportunité de pouvoir se faire une armée de PNJ croisés dans les rues, après avoir pris soin de les recruter au moyen d’une mission spécifique –car il faut les convaincre. L’idée est de bâtir une résistance polyvalente, chaque personnage ayant ses propres compétences. Seul hic, on touche vite les limites du game design. Si un ouvrier se faufilera plus facilement sur un chantier, vous n’aurez aucun mal à le faire avec n’importe qui. Votre personnage n’est pas équipé d’un drone-araignée pour avancer dans un petit espace ? Une boîte spéciale vous permettra d’en appeler un sans problème. Ubisoft a oublié d’imposer un défi en adéquation avec son idée novatrice, ce qui tue le potentiel et l’envie de passer son temps à engager de nouvelles têtes. Il y a quand même des choses à sauver, à l’image des spécialistes qui permettent de rendre les agents tombés au combat indisponibles moins longtemps (la mort permanente est une option). Cette mécanique incite à gonfler ses rangs. On peut aussi souligner les petits arcs liés à chaque PNJ s’appuyant sur un passif propre.

Watch Dogs: Legion pêche surtout dans des éléments de gameplay basiques

Watch Dogs: Legion pêche surtout dans des éléments de gameplay basiques. Le système de combat au corps-à-corps est risible et d’une mollesse effarante. Il consiste à attendre bêtement que l’ennemi frappe pour lui asséner une contre-attaque dans un timing trop permissif. Pourtant habitué à piocher dans ses autres sagas, Ubisoft aurait peut-être dû s’inspirer d’Assassin’s Creed. Même son de cloche pour les phases de tir, très pauvres en sensations grisantes. Quand on les compare à celles des deux The Division, on se dit que la marge de progression est encore énorme. Heureusement qu’on peut hacker des tourelles et se déplacer sur un drone de transport pour surplomber les toits de la ville.

En termes de contenu, on navigue dans le terrain très connu. Londres est bien évidemment divisée en quartiers tombés sous le joug d’une milice privée. Charge aux joueurs de réaliser quelques tâches annexes — répétitives — pour reprendre le contrôle des rues. Faire le ménage dans une zone donne accès à des objectifs exclusifs, avec les récompenses idoines. Du classique dans le texte.

Le verdict

Sur le papier, Watch Dogs: Legions avait tout de l’épisode qui permettait, enfin, de faire décoller une saga construite sur des déceptions et des désillusions. Malgré un concept fort et un retard qu’on aurait pu croire salutaire, ce troisième opus ne relève pas le niveau et fonce tête baissée dans la facilité. Comme Ubisoft ne sait pas quoi faire de sa licence, il accorde une liberté un peu trop grande aux joueurs.

Il ne reste à Watch Dogs: Legions que sa reproduction crédible d’un Londres nimbé dans un futurisme à portée de vue. Certains prendront peut-être du plaisir à parcourir les rues dans la peau de n’importe quel passant croisé. C’est rigolo, certes, mais insuffisant pour marquer vraiment les esprits.

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