Notre critique de la docu-série Les mondes extraterrestres, disponible sur Netflix depuis le 2 décembre.

C’est l’histoire d’une docu-série qui avait tout pour elle sur le papier. Les mondes extraterrestres (Alien worlds), disponible depuis le 2 décembre 2020 sur Netflix, se présentait comme une œuvre documentaire hybride entre science et science-fiction, dépeignant à quoi pourrait ressembler la vie sur des exoplanètes — des planètes se situant dans d’autres systèmes solaires. Cette docu-série est pourtant bien un échec. Face à la belle promesse, la déception n’en est que plus grande envers ce résultat paresseux où, paradoxalement, il manque tant l’aspect scientifique que l’aspect science-fictif.

Chaque épisode se concentre sur une exoplanète — Janus, Atlas, Terra ou encore Eden. La docu-série nous emmène sur place puis, après nous avoir brièvement décrit quelques aspects exotiques de ce monde, nous revoilà sur Terre pour des explications dédiées à notre propre planète. Les épisodes fonctionnent ainsi en aller-retour entre quelques caractéristiques d’une exoplanète et ce qu’il se passe en comparaison sur Terre. L’idée est loin d’être bête. Oui, pour imaginer la vie ailleurs, il faut partir de ce que l’on connaît ; et il faut même comprendre les mécanismes profonds de la vie, afin de les réagencer, les reconfigurer, les pousser plus loin. Il est par ailleurs toujours bon de montrer à quel point la nature est belle, complexe et précieuse sur notre propre Terre.

Cette méthode aurait eu un vrai potentiel, donc, si elle avait été accompagnée de suffisamment de matière sur laquelle transmettre des connaissances et de plus d’inventivité pour projeter des mondes lointains. Mais Les mondes extraterrestres manque globalement d’intelligence en restant bloquée dans un entre-deux, sans nous apprendre réellement quoi que ce soit sur la Terre ; ni nous faire véritablement voyager ailleurs à l’appui de la SF.

Trop de paresse dans la vulgarisation scientifique

L’aspect scientifique de la docu-série est cruellement faible. Le plus flagrant est un manque d’ambition dans le niveau de connaissances transmises. C’est tout juste si la narratrice n’est pas en train de nous apprendre qu’un oiseau utilise ses ailes pour voler, le tout sur une musique spectaculaire suggérant que tout notre monde se trouve bouleversé par cette information. Nous caricaturons ici un peu, mais il s’agit clairement de l’effet rendu de bout en bout : la vulgarisation scientifique ne fait aucun éclat dans Les mondes extraterrestres et vous n’apprendrez rien de bien nouveau sur le monde.

Plus problématique encore, la narratrice se répète sans cesse, reformulant la même idée de 10 façons différentes au sein de chaque épisode, ce à quoi s’ajoutent certaines séquences tout bonnement inutiles. Il y a clairement une sensation de remplissage, comme si les auteurs et autrices derrière les textes ne savaient pas vraiment quoi nous dire. Répéter une même idée, sur fond de musique orchestrale impressionnante, apparaît comme un palliatif à ce vide.

Extrait de la docu-série Les mondes extraterrestres. // Source : Netflix

Extrait de la docu-série Les mondes extraterrestres.

Source : Netflix

Le manque de science relève même d’un manque d’esprit scientifique, car la façon de présenter les choses est très incomplète. Là encore, même ressenti : paresse d’écriture. La description des mondes extraterrestres et leurs équivalents sur Terre repose presque systématiquement sur les rapports de prédation. La narration s’appuie souvent sur l’interaction entre seulement deux êtres : l’un est le prédateur, l’autre la proie. Si ce rapport est effectivement présent dans la nature, il est incontestable que nos connaissances contemporaines montrent qu’un écosystème est infiniment plus complexe que cela. Les mondes extraterrestres se borne pourtant à cette relation la trop grande majorité du temps, et passe totalement à côté de la notion d’écosystème.

Face à des séries documentaires comme Notre Planète, La Terre la Nuit ou Cosmos, ces faiblesses dans la capacité à transmettre une vision riche et complète du monde sont plus que décevantes, et auraient été évitables avec une approche plus rigoureuse… ou peut-être ayant un peu plus confiance en l’intelligence du public. Car l’émerveillement scientifique fonctionne aussi lorsqu’on rend les gens « complices » et non quand on aplatit les explications.

Heureusement, de temps à autre, Les mondes extraterrestres nous offre des séquences d’interview avec des scientifiques dont les explications et l’enthousiasme viennent raviver notre intérêt. Ces moments sont trop brefs pour rattraper le reste.

L’imaginaire scientifique est plus grand que dans cette docu-série

La partie science-fictive souffre des mêmes manques que la partie scientifique. Depuis des décennies, la SF a été capable d’imaginer brillamment des mondes lointains « habités ». Certaines séries TV, comme Star Trek, ou même l’humoristique The Orville, sont réalisées en présence de consultants scientifiques qui travaillent main dans la main avec les scénaristes pour s’éloigner de la réalité en se reposant malgré tout sur la science : ce procédé d’extrapolation permet d’imaginer des possibles et des ailleurs relativement crédibles. Des docu-séries ont même combiné des récits SF avec de la transmission de connaissances, comme le docu-fiction Mars (également disponible sur Netflix en France).

Les extraterrestres de cette docu-série sont très « terriens ». Une vision trop anthropocentrée de ce qu'est la vie. // Source : Netflix

Les extraterrestres de cette docu-série sont très « terriens ». Une vision trop anthropocentrée de ce qu'est la vie.

Source : Netflix

Pourtant, les exoplanètes présentées dans Les mondes extraterrestres sont d’une pauvreté confondante, à tel point qu’ils manquent tout bonnement de crédibilité. La série pioche un aspect connu sur Terre, l’insère dans un shaker pour le modifier légèrement, puis en ressort une vague exoplanète.

Car il n’y a pas seulement un manque d’imagination, mais aussi un manque de développement, comme si ces mondes n’étaient que survolés. Le nombre de séquences variées est très limité : on voit souvent la même chose en boucle, sous des angles différents. Il en résulte des mondes d’ailleurs très ternes et vides dans leur représentation. Et ironiquement, sans le moindre souffle de vie.

Plus largement, l’approche paresseuse génère une vision trop anthropocentrée de ce qu’est la vie, dont la science comme la SF se sont émancipées il y a bien longtemps.

D’autres œuvres mélangent très bien science et imaginaire

L’échec de la docu-série Les mondes extraterrestres repose dans son incapacité à faire honneur aussi bien à la vulgarisation scientifique qu’à la science-fiction. Un ouvrage comme Exoplanètes, où des descriptions scientifiques d’exoplanètes de David Fossé rejoignent le coup de pinceau de l’illustrateur de SF Manchu, était pourtant une réussite sur un sujet similaire. Certaines façons d’envisager la vie extraterrestre dans certaines séries, films et ouvrages de SF sont de bien plus haut niveau — Star Trek et d’autres. C’est aussi le cas des séries National Geographic, comme Mars pour la conquête spatiale ou la première saison de Genius pour une part de l’Histoire de sciences.

Les mondes extraterrestres passe également après Cosmos : Possible Worlds, la dernière saison en date de cette célèbre série documentaire, dont le point d’orgue est justement de s’intéresser aux « autres mondes » et à d’autres formes de vie. D’ailleurs, l’un des épisodes, A la recherche d’une forme de vie intelligente, nous fait croire au début que nous allons découvrir des vies sur d’autres planètes, avant de revenir sur notre planète nous montrer des aspects fascinants de la vie sur Terre — des arbres aux abeilles. Comme quoi, c’était faisable.

Le verdict

Source : Netflix
4/10

Les mondes extraterrestres

Pour une docu-série qui se présentait comme la fusion de la science et de la science-fiction, Les mondes extraterrestres ne fait honneur à aucun de ces deux nobles domaines. En cause, une paresse dans l'écriture, un manque d'ambition dans les connaissances scientifiques transmises, une vision terne et incomplète de la nature. À cela, s'ajoute un imaginaire scientifique plus faible que n'importe quelle bonne fiction SF.
Source : Montage Numerama

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