Vous vous en souvenez peut-être encore aujourd’hui. Il y a une dizaine d’années, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) s’était lancée dans une campagne publicitaire pour mettre en avant le label PUR (Promotion des Usages Responsables). Des spots télévisés avaient été tournés et des affiches produites.
Déjà à l’époque, l’intention affichée était de véhiculer « un message positif explicatif » dans cette première campagne de publicitaire — la Haute Autorité n’avait alors que quelques mois d’existence. L’opération avait été déclinée sur tous les supports (TV, radio, affichages, web, presse écrite…), afin essentiellement de faire la promotion du label PUR, apposé par les sites et services donnant un accès légal à la culture.
Pratiquement une décennie plus tard, l’autorité administrative indépendante lance ce 10 décembre une nouvelle campagne de communication, menée conjointement avec le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée). Ici aussi, dit la Haute Autorité, il s’agit de « privilégier une communication positive », en soulignant que l’expérience et la qualité sont supérieures sur les plateformes légales.
« On a tous de bonnes raisons d’arrêter de pirater »
Intitulée « On a tous de bonnes raisons d’arrêter de pirater », la campagne s’appuie sur un site web dédié, mais surtout sur trois clips qui mettent en scène Anis Rhali, Riadh et Lola Dubini qui, chacun leur tour, évoquent un désagrément que toute personne ayant déjà piraté des contenus culturels a forcément rencontré. Publiés sur YouTube, les clips sont visibles ci-dessous :
Ainsi, Anis Rhali mentionne ces fois où l’on croit télécharger un film ou une série en français, alors qu’il s’agit de la version québécoise, où chaque nom ou mot anglais est prononcé avec un accent impeccable — loin des standards du doublage en VFF. Un souci qui n’existe pas en se rendant sur les plateformes légales. En tout cas, sur les plateformes légales françaises (et non québécoises).
Pour Riadh, alors qu’il veut se regarder une version piratée de Kickboxer, avec Jean-Claude Van Damme, l’expérience tourne court. Son plaisir de voir les deux combattants à l’écran s’envoyer des coups bien sentis est gâché par des lags récurrents — en clair, le site pirate n’offre pas assez de bande passante pour offrir une expérience de visionnage suffisante. Et de se dire, que finalement, il aurait dû prendre un abonnement.
Quant à Lola Dubini, c’est le scénario d’un extrait musical piraté qui est mis en scène. Sauf que là encore, ça tourne mal : la piste son déraille, comme la vidéo la montrant dans le studio. La séquence fait place à un écran noir annonçant le téléchargement d’un virus (car, c’est bien connu, les logiciels malveillants font savoir quand ils arrivent), en écho avec les mauvais fichiers qu’on pouvait attraper sur KaZaA ou eMule.
Les désagréments des sites pirates
Au-delà de ces trois spots, des affiches additionnelles sont produites, présentant certains des désagréments courants que l’on rencontre sur les sites pirates : mauvaise qualité du son ou de l’image d’un film (parce qu’il a été capturé en CAM dans un cinéma), bande passante insuffisante fournie par le streaming illégal, récupération malheureuse d’un virus ou encore des encarts publicitaires envahissant l’écran.
Toutes ces critiques à l’égard des sites pirates sont justifiées, même si les sites illicites n’ont pas tous ces défauts. Du temps où les anciens réseaux d’échange en P2P étaient populaires, les fichiers téléchargés sur le PC ne collaient pas toujours avec les noms affichés dans la recherche. Et pour qui veut voir un match de foot piraté en streaming pirate, il faut parfois batailler avec les pop-ups.
Mais il serait exagéré de dire que l’offre légale est impeccable. On a déjà vu des plateformes licites se rater, comme Disney+ qui a proposé un temps Les Simpsons au mauvais format. Ou RMC Sport ne pas réussir à proposer une diffusion fluide d’un match de foot. Et que dire de la multiplication des sites légaux, qui fragmente l’offre légale ? Rien que dans la SVOD, l’offre est pléthorique. Et tous les films ne sont pas proposés, parce que la chronologie des médias françaises donne une faible priorité à la diffusion de la culture sur le web.
Il est toutefois à noter que la communication anti piratage choisie par le CNC et la Hadopi est moins anxiogène et déplacée que ce que l’on a pu apercevoir par le passé, en France ou à l’étranger. Les deux partenaires disent avoir « souhaité prendre le parti de l’expérience des utilisateurs et tourner en dérision les principaux inconvénients attribués à la consommation illégale de contenus ».
Reste une question : comment cette nouvelle opération sera-t-elle accueillie ? Du temps du label PUR, les critiques avaient fleuri, par exemple du côté du Parti Pirate, qui avait même appelé à son retrait. Dix ans plus tard, l’approche apparaît moins clivante, et vise « valoriser l’expérience de qualité proposée par les plateformes légales », en misant sur une « campagne en prise avec les usages. »
La Hadopi et le CNC invitent à aller jeter un œil à leur moteur de recherche d’offre légale (celui de la Hadopi, celui du CNC). Il reste à voir si les internautes suivront.
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