Ils s’appellent Just Cause, Red Dead Redemption, Assassin’s Creed, Watch Dogs, Horizon Zero Dawn… Ils ont tous en commun cette volonté de placer le joueur au centre d’une carte de plus en plus grande, lui promettant une liberté d’action totale et une durée de vie qui se calcule en dizaines d’heures. Pourtant, malgré cette belle promesse, ces productions ne laissent pas forcément un souvenir impérissable dans l’esprit des joueuses et des joueurs. Derrière l’argument du gigantisme et de la générosité se cachent souvent des jeux bugués (au moins à la sortie) et un gameplay médiocre. Lancé le 10 décembre dernier, Cyberpunk 2077 ne déroge pas à cette règle, contrairement à The Witcher 3: Wild Hunt — précédent blockbuster développé par CD Projekt Red.
Dans le genre de plus en plus peuplé des jeux en monde ouvert, il y a donc des bons et de mauvais élèves. Concrètement, un jeu en monde ouvert n’est jamais aussi réussi que quand il possède une vraie orientation au-delà de la richesse vantée. On pense à The Legend of Zelda: Breath of the Wild et son approche organique mettant de côté le superflu pour se concentrer sur l’aventure en elle-même. On pense, aussi, à Death Stranding, chef-d’œuvre d’autodérision qui prend au premier degré le concept de quêtes FedEx (des quêtes qui se ressemblent et forcent les allers/retours). On pense, enfin, à The Witcher 3: Wild Hunt, qui est parvenu à se sortir de l’un des pièges posés par le genre : trouver une place pour laisser la narration s’exprimer.
Ce qui cloche avec les jeux en monde ouvert
N’oublions pas qu’Assassin’s Creed s’est longtemps appuyé sur un épisode tous les ans. L’éditeur Ubisoft est tombé dans une spirale négative et, à force de tourner en rond, a fini par se remettre en question. Les deux ans qui séparent Assassin’s Creed Syndicate et Assassin’s Creed Origins ont fait un bien fou à la saga.
En ouvrant la carte de Cyberpunk 2077 pour la première fois, vous allez probablement vous sentir assommés par l’accumulation de logos, de raccourcis, d’indicateurs, d’informations, de quêtes qui s’ajoutent alors que vous n’avez rien demandé… Même son de cloche avec celle d’Assassin’s Creed Odyssey, qui étire ses environnements sur un nombre incalculable d’îles à visiter, jusqu’à l’écœurement.
Les studios ont tendance à trop remplir, souvent en copiant/collant sans réelle cohérence, pour annoncer fièrement que leur jeu propose le contenu le plus conséquent jamais imaginé. Mais ils passent à côté de l’essentiel : il faut raconter une histoire pour captiver le joueur plutôt que lui imposer dix fois la même base à conquérir (le maître en matière de répétition étant Just Cause 4).
Trop souvent, on passe son temps à faire la même chose : on arrive dans une zone, on la révèle en grimpant au sommet d’une tour et on découvre une somme d’objectifs qui se déclinent dans les décors suivants. Très vite, c’est un sentiment de répétition qui naît, plutôt que celui de vivre une vraie épopée. Illustration parfaite, récente qui plus est : malgré le voyage envoûtant qu’il propose, le récent Ghost of Tsushima s’appuie sur une intrigue trop simpliste pour marquer les esprits et se perd dans des objectifs de conquête.
The Legend of Zelda: Breath of the Wild ne tombe pas dans cette facilité en optant pour une liberté réelle, jamais balisée par des jalons invisibles à franchir (lire : des niveaux à passer). On connaît le but dès le départ : se rendre dans le château d’Hyrule pour combattre le grand méchant. La construction appartient au joueur, qui peut se rendre au lieu final comme il l’entend et avec le cheminement qu’il souhaite. Cela offre un vrai souffle à l’exploration, là où certains mondes ouverts — les Assassin’s Creed par exemple — n’encouragent pas les joueurs à se rendre dans les régions où le niveau des ennemis serait trop élevé.
Cette mécanique tue la notion de liberté et impose un chemin tout tracé dans une structure normalement pensée pour s’en débarrasser. Pire, à force de mettre le joueur en face d’objectifs toujours plus nombreux, il finit par s’y perdre totalement et à ne plus jamais retrouver le fil. Ce fut notre cas dans Assassin’s Creed Odyssey, qui multiplie les arcs scénaristiques et dilue beaucoup trop la narration. À mesure que les heures défilent, on finit par lâcher l’affaire.
Les studios ont tendance à trop remplir
Il y a aussi la question du gameplay dans les jeux en monde ouvert. Ils ne sont pas toujours irréprochables sur ce critère crucial. On garde encore en mémoire de douloureux souvenirs de Red Dead Redemption 2, lequel confond réalisme — quand cela l’arrange — et plaisir de jeu. Le cheval de The Witcher 3: Wild Hunt, qui a pourtant nos faveurs ? Une source intarissable de mèmes en raison des soucis qu’il pose lors des balades.
Les combats dans les derniers Assassin’s Creed ? Ils manquent encore d’équilibre pour être pleinement satisfaisants. Quant aux véhicules dans Cyberpunk 2077, ils proposent une conduite chaotique, avec un comportement aléatoire et un freinage impossible à doser qui transforment les virées dans Night City en cauchemars. Même GTA V, considéré comme un mètre étalon, est loin d’être une référence sur les phases de tir, avares en sensations et irréalistes (tirer avec un pistolet ou un fusil à pompe aboutit au même résultat). Trop souvent, les développeurs oublient de soigner les détails sous couvert de variété. Par conséquent, le joueur doit composer avec une prise en main au mieux approximative. Un jeu vidéo peut tout à la fois être un monde ouvert pertinent, dans la structure et la construction, et un mauvais jeu de tir, un mauvais jeu de course ou encore un mauvais jeu d’action.
On a beaucoup entendu parler des bugs de Cyberpunk 2077 depuis la publication des premiers tests, bugs que nous avons constatés — et déplorés — dans notre verdict. Les joueurs n’ont pas hésité à créer un hashtag #Cyberbug2077 pour s’en moquer sur Twitter. Récemment, on en a vus aussi dans des titres comme Watch Dogs Legion ou Assassin’s Creed Valhalla, certains pouvant empêcher de compléter une quête. Ils font malheureusement partie de l’expérience, du moins pendant les premières semaines qui suivent la sortie. Mécaniquement, plus le jeu est grand, plus les bugs sont susceptibles d’être nombreux devant l’impossibilité de tout vérifier dans les temps. Voilà pourquoi des mises à jour sont déployées par la suite pour rectifier le tir.
Pour ne pas essuyer les plâtres, il est souvent conseillé de se plonger dans un jeu en monde ouvert plusieurs mois après, une fois qu’il a reçu suffisamment de patchs pour devenir décent — comme ce fut le cas avec Days Gone. Ces bugs prouvent que les studios ont les yeux plus gros que le ventre, préférant sortir leurs jeux le plus tôt possible. Ces dernières années, les joueurs ont aussi découvert le phénomène du downgrade. Il consiste à montrer un jeu plus beau qu’il ne l’est vraiment. Watch Dogs fut le premier exemple criant, il a été imité bien plus tard par The Witcher 3: Wild Hunt.
Contenu générique, gameplay souvent bâclé, narration trop diluée, bugs trop nombreux au lancement… mais alors, doit-on tout condamner par défaut un jeu en monde ouvert ?
En réalité, il y a suffisamment d’exemples réussis, parfois avec brio, pour garder espoir. Néanmoins, les développeurs seraient bien inspirés de revoir leurs ambitions à la baisse pour privilégier la qualité à la quantité. Des titres comme God of War, Sekiro: Shadows Die Twice ou encore Immortals Fenyx Rising s’appuient sur des environnements plus petits et mieux maîtrisés. D’autres, à l’instar de The Last of Us Part II ou Gears 5 ne proposent que quelques portions en monde ouvert, permettant aux joueurs de s’éparpiller — un peu — avant de raccrocher les branches quand l’intrigue le demande. Les solutions pour améliorer le genre ne manquent pas, mais ce n’est pas parce qu’un jeu réunit 1 000 quêtes à terminer qu’il est forcément un meilleur divertissement qu’un jeu qui n’en a que 10.
Et rien ne sert en 2020 de gonfler artificiellement la durée de durée de vie d’un titre : il paraît que les joueurs ne finissent pas leurs jeux.
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