Si vous avez grandi avec Dragon Ball et que vous suivez toujours les aventures de Sangoku et ses amis, vous n’ignorez sans doute pas le vent de panique qui s’est abattu sur Twitter depuis quelques heures. En effet, comme en témoignent de très nombreux messages publiés sur le réseau social, des avertissements en pagaille sont adressés aux internautes pour violation de copyright.
L’offensive a débuté aux alentours du 8 janvier 2021, d’après les signalements faits sur Twitter avec le mot-clé Shūeisha, qui est une maison d’édition japonaise possédant les droits de publication sur Dragon Ball. Actuellement, l’éditeur publie dans le magazine V Jump une nouvelle série sur Dragon Ball, appelée Dragon Ball Super. Parue à partir de 2015, elle est en train de connaître un nouvel arc narratif.
Écrit et dessiné par Akira Toriyama à partir de 1984, le manga Dragon Ball s’était achevé en 1995 avec Dragon Ball Z. Inutile de revenir sur le succès planétaire de l’œuvre et sur la pléthore de produits dérivés qu’elle a engendrée — ni d’ailleurs sur la parenthèse pas très bien assumée de Dragon Ball GT, à laquelle l’auteur n’a que très peu participé, hormis des croquis de personnages et de scènes.
C’est en 2015 qu’Akira Toriyama revient vraiment aux affaires, en écrivant la suite officielle de Dragon Ball Z, qui ignore les évènements de GT. Mais cette fois, l’auteur ne s’occupe que du scénario. Le dessin est confié à Toyotarō, qui a la difficile tâche de se rapprocher au plus près du style du maître. 14 volumes ont été d’ores et déjà publiés, avec plusieurs arcs, dont le dernier s’est achevé fin 2020 avec Moro.
Or, c’est visiblement cette transition vers une nouvelle histoire qui semble avoir poussé Shūeisha à prendre la propriété intellectuelle pour entamer une vague de sanctions sur Twitter. « Si vous vous réveillez ce matin, vous êtes dans un monde ou la Shūeisha a décidé dans la nuit de striker tout les comptes utilisant Dragon Ball (fan art, GIF, extrait vidéo, etc.) dans un tweet », commente Prof Isekai sur Twitter.
Et la répression frappe sans distinction les simples fans comme les artistes officiels qui travaillent pour la compagnie. C’est ce que relève Zenrot-to, en évoquant le cas de fenyo_n : « Le copyright de Shūeisha a frappé un artiste qui dessine littéralement pour la société ». Le dessinateur a expliqué avoir eu son compte verrouillé, qu’il a pu régler le problème, mais qu’il n’est peut-être pas tiré d’affaire.
Les conséquences du DMCA
L’internaute RoseScape déclare avoir eu un verrouillage de compte pour avoir publié une image animée (GIF) sur Twitter. Au regard des captures d’écran qu’elle a partagées dans la foulée, on apprend que c’est sous l’empire d’une loi américaine, le DMCA (acronyme pour Digital Millennium Copyright Act), que la sanction a été prise, avec la neutralisation du GIF litigieux.
Adopté en 1998, le DMCA est considéré comme l’équivalent en France de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Le texte offre un cadre juridique pour les ayants droit afin de signaler une infraction au droit d’auteur qu’ils repèrent sur le net. L’hébergeur du service, ici Twitter, doit alors réagir en vitesse et retirer le ou les contenus litigieux, afin de ne pas être tenu pour responsable.
C’est par exemple sous le coup du DMCA que Twitch a averti en masse des internautes diffusant des parties de jeux vidéo. Le DMCA peut aussi servir pour des réclamations plus ciblées, par exemple quand Linkin Park a fait retirer une vidéo relayée par Donald Trump sur Twitter, quand Nintendo a cherché à enlever le remake d’un niveau de Super Mario 64, ou Disney avec une photo d’une figurine de Star Wars.
Dans l’avertissement reçu par RoseScape, Twitter explique avoir verrouillé son compte à la suite de la réception d’une notification DMCA pour un contenu publié sur le compte. « En vertu de la DMCA, les ayants droit peuvent notifier à Twitter qu’un utilisateur a enfreint leurs droits d’auteur. Dès réception d’un avis DMCA valide, Twitter supprimera le matériel identifié », lit-on.
Cette fois, RoseScape s’en tire bien. Mais le réseau social prévient qu’une suspension du compte peut être prononcée si des notifications répétées lui sont adressées à son propos. L’internaute a évidemment flairé le danger : « Cela prend du temps, mais je vais juste revenir sur mes médias ici et supprimer les tweets. Ils ne sont pas en train de jouer », écrit-elle dans un autre tweet.
Comme le montre une autre capture d’écran de ce tweet de RoseScape, Twitter donne accès à une procédure pour déverrouiller son compte, en se soumettant à une consultation de la politique de Twitter en matière de droits d’auteur. À cette occasion, on découvre que c’est bien l’œuvre Dragon Ball Super qui justifie cette offensive. Les précédentes séries de Dragon Ball ne paraissent pas concernées, en tout cas pas dans ces proportions.
L’affaire repose toutefois la question de l’équilibre des droits entre le public et les ayants droit dans le système juridique américain. Si le DMCA contient des outils pour protéger les intérêts des titulaires de droits, la loi américaine est censée avoir une certaine souplesse grâce au principe du fair use, c’est-à-dire un usage équitable, permettant une utilisation modérée d’une œuvre, sans avoir besoin d’une autorisation.
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