Cet article contient des spoilers.
Zack Snyder’s Justice League commence par un immense cri de douleur, celui de Superman, laissé pour mort à la fin de Batman v Superman : L’Aube de la Justice. Il est difficile de ne pas y voir un écho avec ce qu’a vécu Zack Snyder avec la première version de Justice League, qu’il a dû abandonner après un drame familial — pour l’immonde résultat que l’on connaît (la piqûre de rappel se trouve ici). C’était sans compter le soutien des fans, qui réclamaient depuis des années la vraie version de Justice League, et l’appui de HBO Max, plateforme de SVOD qui a besoin d’une vitrine pour attirer des abonnés sur un marché très concurrentiel. Un mariage de raison, plutôt que vraiment raisonné.
Toujours est-il qu’il ne fallait pas remplacer un échec par un autre échec, sans quoi Warner Bros. et DC Comics se seraient couverts de ridicule, une bonne fois pour toutes. Un risque assumé jusqu’au bout par Zack Snyder, qui transforme la bouillie de Joss Whedon en une œuvre crève-cœur aboutie et très personnelle. Un projet cathartique pour essuyer les derniers regrets et boucler une boucle amorcée avec Man of Steel — à une époque où les espoirs de concurrencer Marvel étaient encore bien réels.
En quatre heures qui ne sont jamais assommantes (c’était à craindre), le cinéaste étale ses obsessions et impose sa patte à un genre qui vit plus volontiers au rythme des nouveautés souvent trop ressemblantes et lisses de Disney. Loin d’être la perfection absolue, puisqu’il reste un film à l’image de son auteur, Zack Snyder’s Justice League s’éloigne des carcans, se nourrit de ses errements et mérite sa place dans un océan de gâchis où même Aquaman se noierait.
Imparfait, Zack Snyder’s Justice League reste un film ébouriffant
Zack Snyder’s Justice League est disponible à l’achat sur les plateformes de SVOD (iTunes, Canal VOD…), depuis le 18 mars. On pourra le louer à partir du 31 mars.
On ne saura jamais vraiment si Zack Snyder’s Justice League est réussi parce que Justice League est très mauvais. Mais on peut quand même affirmer une chose : ce nouveau montage, qui se permet de doubler la durée, lave tous les affronts de son aîné. Plus de cohérence, plus d’explications, plus de continuité, plus de nuance, plus de moments de grâce, (beaucoup) plus de place laissée à l’émotion, moins d’humour gênant, moins d’ellipses incompréhensibles… Justice League était un rafistolage sans queue ni tête. La Snyder Cut est une rédemption miraculeuse, portée par un récit quasi similaire (grosso modo, une bande de héros qui doivent se réunir pour arrêter un méchant qui veut tout détruire) mais qui peut enfin respirer, s’affirmer et aller au bout de ses idées, sans tirer sur la longueur pour autant.
Une rédemption miraculeuse
Étonnamment, et contrairement à ce que les bandes-annonces suggéraient, Zack Snyder lâche l’orientation divine et le ton opératique qui pouvaient exaspérer dans Batman v Superman : L’Aube de la Justice pour se recentrer sur la notion de groupe. Ses pions sont moins des Dieux que l’on regarde les yeux ébahis que des personnages partageant un mal-être profond, ce besoin de trouver chez l’autre un réconfort, une amitié ou une épaule pour avancer. Zack Snyder’s Justice League devient alors la réunion inévitable d’individus profondément seuls, des freaks qui ont déjà trop perdu et doivent faire front commun face à un ennemi lui-aussi en quête de rédemption (Steppenwolf gagne en épaisseur, en plus d’un look plus impressionnant).
Zack Snyder’s Justice League insiste vraiment sur la notion d’unité et l’importance de se retrouver quand des drames se sont passés et/ou se profilent. Ces leviers sont finalement très basiques, sauf que Zack Snyder y met assez de poésie, souvent visuelle, pour que l’on puisse adhérer à sa vision qui se nourrit de ses deux films précédents.
En supprimant des scènes pour en ajouter tant d’autres, Zack Snyder fait honneur à Justice League. Il y a nécessairement des grands gagnants dans ce tissu narratif beaucoup plus dense, tellement dense qu’il mériterait d’être découpé en deux longs métrages pour aller encore plus loin. Cyborg, interprété par Ray Fisher, en est le symbole. Ridiculement sous-exploité dans la première version, réduit à de la figuration moquée par des animations cheap, ce Frankenstein moderne devient ici un élément central, un point de bascule qui lui octroie une vraie place. À l’exception de Superman, dont la renaissance est toujours aussi bâclée, malgré les ressorts émotionnels, l’ensemble du casting bénéficie de ce surplus d’exposition. Si bien que les séquences d’action ne privilégient jamais un héros plutôt qu’un autre, confiant un rôle spécifique à chacun pour les besoins chorégraphiques.
Mise en scène exagérée
Bien évidemment, un film de Zack Snyder ne serait rien sans les excès de zèle du réalisateur, tout à la fois capable de faire un 300 féminin grâce aux Amazones et de tomber dans les ralentis m’as-tu vu au moment de mettre en exergue un moment futile (l’effet clip). On en revient à ses obsessions, qui mêlent combats vertigineux, goûts artistiques douteux, immense penchant pour l’emphase et… format 4/3 (les super-héros seraient plus verticaux qu’horizontaux…).
La mise en scène exagérée offre nécessairement un souffle épique à Zack Snyder’s Justice League mais trahit un budget encore trop juste pour transformer des idées en réalité (malgré les rallonges budgétaires accordées par les producteurs). Il n’empêche, on ne pourra reprocher à Zack Snyder sa science du cadre, la manière qu’il a de souligner des actes forts et la puissante énergie insufflée aux (nombreux) affrontements cédant volontiers à la violence graphique. Il reste un esthète et un geek et de l’image, parfois à outrance.
Zack Snyder s’est tout de même permis de placer quelques pistes pour ouvrir sur d’autres films, au cas où un éventuel succès donnerait des idées à Warner Bros. Il va sans dire que la démarche est un peu forcée et mégalo. On n’y croit plus beaucoup et il vaut mieux ne plus rien attendre de l’équivalent du Marvel Cinematic Universe chez DC Comics.
Après tout, cette Snyder Cut reste une monstruosité cinématographique née d’une catastrophe industrielle sans réel précédent. Une anomalie qui peut remercier un incroyable concours de circonstances, favorables comme défavorables, jusqu’au pardon. Au moins a-t-elle offert à Zack Snyder un moyen de redorer le blason de son immense projet, doublé de l’opportunité de faire son deuil — professionnellement comme personnellement. À défaut d’un empire, Warner Bros. tient enfin un joyau qu’il peut être fier de brandir.
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