Un collectif pour la défense des droits des musulmans demande à Microsoft, Sony et Valve de limiter la diffusion du jeu de guerre Six Days in Fallujah, qui s’appuie sur une bataille sanglante qui a causé la mort de 800 civils irakiens, et permet d’y jouer uniquement du point de vue des soldats américains.

CAIR, un collectif pour la défense des droits des musulmans a publié un communiqué, ce 7 avril 2021, pour demander que le jeu vidéo de guerre Six Days in Fallujah ne soit pas disponible sur les plateformes de streaming, ni vendu en dématérialisé.

« Nous demandons à Microsoft, Sony et Valve d’empêcher à leur plateforme d’héberger Six Days in Fallujah, un simulateur de meurtre d’Arabes qui normalise la violence contre les musulmans aux États-Unis et à travers le monde », a asséné Huzaifa Shahbaz, qui est le coordinateur de l’organisation CAIR (qui signifie Council on American-Islamic relations).

L’une des batailles les plus sanglantes pour les Irakiens

Six Days in Fallujah est un jeu vidéo de tir, dont le but principal est de reproduire l’une des batailles les plus sanglantes de la guerre d’Irak, et de le faire uniquement du point de vue des troupes américaines. Les événements sont tout simplement horribles : la Croix Rouge rapporte que 800 civils irakiens ont été tués en une semaine, et les États-Unis ont même confirmé avoir utilisé des munitions au phosphore blanc, extrêmement toxique, et qui pourrait avoir touché de nombreux civils. L’utilisation du phosphore blanc est considérée comme un crime de guerre par l’ONU depuis 1983.

« Nous voulons juste proposer une expérience divertissante. »

C’est pour cette raison que le jeu vidéo avait été abandonné par l’éditeur Konami à la fin des années 2000 — le studio Atomic Games qui le développait a depuis mis la clé sous la porte. Mais Six Days in Fallujah a été ressuscité et Peter Tamte, à la tête du studio Victura, semble persuadé qu’il s’agisse d’une bonne idée. « Nous n’essayons pas de faire un essai politique pour affirmer si, oui ou non, la guerre était une bonne idée », a-t-il assuré au média spécialisé Polygon le 15 février dernier. « Nous ne faisons pas un commentaire social. Nous ne sommes pas pro-guerre (…). Nous voulons juste proposer une expérience divertissante. »

Puis un mois plus tard, Victura a légèrement changé de discours, forcé de constater que son positionnement ne convainquait pas grand monde : « Nous comprenons que les événements recréés dans Six Days in Fallujah sont inséparables de la dimension politique », a concédé le studio dans un tweet. « Les segments documentés s’articuleront autour de sujets sensibles, ce qui inclut des événements et des décisions politiques ayant conduit à la bataille de Falloujah puis à ses conséquences  », a assuré Victura.

Le jeu vidéo ne devait même pas, au départ, faire mention de l’utilisation du phosphore blanc par l’armée américaine. À l’époque, Peter Tamte assurait : « J’ai deux problèmes avec l’inclusion de la bombe au phosphore blanc. La première est qu’elle n’a jamais été mentionnée dans les histoires que m’ont racontées les gens, je n’ai donc aucun témoignage factuel et authentique auquel me référer. C’est le plus important. La deuxième est que je ne veux pas intégrer des choses sensationnelles qui distrairaient les joueurs de l’expérience. » Finalement, cette partie est censée avoir été ajoutée dans un segment documentaire supplémentaire — mais, heureusement, l’arme ne deviendra pas « utilisable » par les joueuses et joueurs.

Six Days in Fallujah // Source : YouTube/ SixDaysGame

Six Days in Fallujah

Source : YouTube/ SixDaysGame

« L’industrie du jeu vidéo doit arrêter de déshumaniser les musulmans »

Ces modifications restent toutefois légères, lorsque l’on sait que c’est le principe même de ce jeu vidéo « jouable » du point de vue américain uniquement, et son postulat de vouloir recréer à tout prix une scène de guerre aussi sordide, qui est critiqué.

« L’industrie du jeu vidéo doit arrêter de déshumaniser les musulmans », continue Huzaifa Shahbaz dans le communiqué de CAIR. « Les jeux vidéo comme Six Days in Fallujah ne servent qu’à glorifier la violence qui a enlevé la vie à des centaines de civils irakiens, à justifier la guerre en Irak e à renforcer un sentiment antimusulman, à une époque où l’islamophobie continue d’être une menace pour des vies humaines. »

L’écart avec le discours de Peter Tamte, qui parlait de vouloir « juste proposer une expérience divertissante », est évidemment criant.

Le jeu devait sortir en février 2021, mais a été repoussé à « plus tard dans l’année », sans date de sortie plus précise. Si le jeu sortait bien en version physique, l’organisation CAIR espère que les entreprises comme Sony, Microsoft ou Valve décideront, à minima, de ne pas le mettre en vente sur le PlayStation Store ou l’Xbox Marketplace, ainsi que sur Steam. Cela permettrait au jeu d’exister, ainsi qu’aux joueurs qui le souhaitent, de se le procurer, tout en limitant la portée d’un jeu de plus en plus critiqué.

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