Forcément moins surprenante que l’excellente série Wandavision, qui a su développer une intrigue fascinante tout en jouant avec les codes des sitcoms sur près de cinquante ans de télévision américaine, la nouvelle fiction de Marvel Studios et Disney, Falcon et le Soldat de l’Hiver, n’en demeure pas moins intéressante à découvrir, bien qu’elle se soit livrée dans une forme et un scénario beaucoup plus classiques.
Elle développe des problématiques contemporaines qui font écho à l’actualité plus ou moins récente (avec, par exemple, une séquence qui évoque le décès de George Floyd et le mouvement Black Lives Matter), mais aussi à des points de scénario qui étaient peu développés dans les films. On pense en particulier aux conséquences de la fin de « l’Éclipse » (The Blip, en VO), une fois les actions de Thanos annulées.
Cela dit, le dernier épisode diffusé en date de Falcon et le Soldat de l’Hiver sur Disney+ (l’épisode 4, Le monde nous regarde), le 9 avril dernier, a développé une thématique pour le moins inattendue, et pas forcément évidente à déceler de prime abord. Avant toutefois d’aller plus loin dans le commentaire, il convient de faire un rappel d’usage : si vous n’êtes pas à jour, vous vous ferez spoiler en lisant la suite.
L’après Avengers: Endgame
Cette mise en garde faite, vous n’êtes donc normalement pas sans savoir que Steve Rogers, aka Captain America, n’est plus censé être de ce monde. Son histoire s’est achevée avec la fin d’Avengers : Endgame. Après la période de deuil, l’Amérique a toutefois jugé bon d’avoir un nouveau symbole. Et c’est à nouveau dans l’armée que les USA sont allés chercher leur champion, en sélectionnant John Walker.
Sauf que John Walker n’est pas Steve Rogers. C’est une lapalissade que de le dire, mais le premier n’est pas un super-soldat. Ils n’ont pas non plus le même background, ni le même physique. Steve Rogers ne rentrait pas dans les critères militaires pour s’engager à l’armée, alors que John Walker est un sportif accompli et un excellent soldat, dont les actions ont d’ailleurs été récompensées à plusieurs reprises.
Plus exactement, il n’était pas un super-soldat. Les péripéties de l’épisode 4 — le fait de se prendre une raclée par les trois guerrières du Wakanda, sa discussion avec son partenaire, Lemar Hoskins, aka Battlestar, sur le comportement qu’il tiendrait si on lui proposait de prendre une dose de sérum de super-soldat, ou encore son passé militaire visiblement plus sombre qu’il ne veut bien le dire — l’ont amené à prendre une dose.
Cette scène n’est pas directement visible à l’écran, mais la série montre clairement qu’il subtilise un flacon dans le feu de l’action et, par la suite, ses capacités athlétiques sont décuplées : il tord une épaisse une épaisse barre de métal à mains nues, il projette si fort le bouclier qu’il l’encadre dans des murs, et est capable de se réceptionner après des sauts de grande hauteur, sans se fracasser les rotules.
Or, c’est là que la série prend un tour bien plus intéressant.
Et si… Captain America devenait le bad guy ?
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Le décès de Lemar dans le feu de l’action, la pression médiatique et politique qui s’exerce sur ses épaules en tant que nouveau visage de l’Amérique triomphante et idéale, un possible syndrome post-traumatique issu de ses actions militaires troubles, la comparaison inévitable avec l’ancien Captain America, et les choix scénaristiques retenus pour John Walker, permettent d’en faire un anti-Captain America.
En somme, Falcon et le Soldat de l’Hiver offre au public une occasion unique d’imaginer ce que ce cela donne d’avoir un super-soldat qui n’est pas aussi bienveillant, gentil et stable qu’un Steve Rogers. Il faut quand même avoir en tête de quelle façon l’épisode 4 se finit : John massacre son opposant au sol, alors qu’il n’est pas directement responsable de la mort de Lemar, et qu’il est, de toute évidence, en train de se rendre.
Toute la fin s’avère être un développement spectaculaire et constitue un vrai virage pour la série : le regard fou de John, son visage ensanglanté et caché derrière son masque (c’est plutôt symbolique : l’homme s’efface derrière la fonction), la caméra qui présente Captain America en contre-plongée, menaçant, et, surtout, le coup du bouclier ensanglanté. L’image est très forte : c’est une tache sur l’Amérique.
Par contraste, cela montre à quel point Steve Rogers n’était pas un type lambda, mais qu’il avait des valeurs dont il ne s’est jamais détourné, et un caractère qui se mariait heureusement très bien bien avec les capacités et les missions qu’on lui a confiées. C’est quand même sa droiture morale qui a contribué, par exemple, à Civil War, en refusant de signer des accords plaçant Avengers sous tutelle politique.
La surprise est d’autant plus grande que John Walker, dans les comics, n’est pas forcément dépeint comme un super-vilain. Il est censé être l’U.S. Agent, un super-héros, tout comme Battlestar. Bien sûr, les scénaristes ont la liberté de ne pas suivre ce qui est développé dans les bandes dessinées pour surprendre le public. C’est un retournement qui peut aussi viser les fans qui connaissent déjà tout par cœur.
En poussant la réflexion un peu plus loin, cette séquence dans Falcon et le Soldat de l’Hiver nous donne, d’une certaine façon, un avant-goût de la future série What if, en imaginant ce qu’il se passerait si Captain America a une fragilité psychologique, ou bien vrille totalement à la moindre épreuve — on le voit avec le décès de Lemar, qui le pousse à la plus froide des vengeances, à une exécution sommaire, en pleine rue.
Si l’on vous parle de What if, c’est parce que Disney a commandé une série animée, qui sera la toute première du Marvel Cinematic Universe. Son concept est fascinant : il s’agit de montrer des réalités alternatives. Par exemple : et si Captain America n’avait jamais existé, parce que le sérum a plutôt été injecté à Peggy Carter, devenue Captain Britain ? Ou si Captain America était devenu un zombie ?
Cette approche existe déjà dans les comics : on trouve plusieurs récits de ce type depuis plusieurs dizaines d’années chez Marvel. Cela concerne aussi bien Captain America (et s’il n’avait pas été congelé ? Et s’il avait été élu président ?) que d’autres héros (et si Spider-Man avait rejoint les Quatre Fantastiques ? Et si Docteur Strange était en fait un disciple de Dormammu ? Et s’il n’y avait jamais eu d’Avengers ? Etc.).
Il reste désormais à savoir ce que les scénaristes vont proposer avec ce Captain America qui prend une sale direction. Va-t-il être ramené du côté du Bien, rendre le bouclier et devenir l’U.S. Agent ? Ou va-t-on continuer à poursuivre dans cette voie très intéressante d’un super héros qui tourne mal ? Réponse dans deux épisodes, avec les épisodes 5 et 6, qui seront diffusés les 16 et 23 avril.
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