Sortir un jeu vidéo convaincant est souvent une question de timing. Biomutant, édité par THQ Nordic, en est la preuve criante. À son annonce en 2017, le titre développé par 101 Experiment avait suscité la curiosité. Lors d’une présentation à la gamescom en 2018, les développeurs affichaient des ambitions très élevées. On craignait déjà que Biomutant se rate à force de vouloir trop en faire. C’est le piège dans lequel le jeu est hélas tombé.
Les studios sont parfois dépassés par les possibilités des jeux en monde ouvert : ils finissent par miser trop sur la quantité aux dépends de la qualité. Tout n’est pas raté dans Biomutant, loin de là, mais aucune des sensations qu’il procure ne donne envie d’en faire les éloges. Il arrive par ailleurs un peu trop tard : nous sommes — tant bien que mal — passés à la génération PS5/Xbox Series et cela donne envie d’autre chose qu’un énième monde ouvert scolaire.
Biomutant repose sur un univers foutraque
Biomutant est disponible à compter du 25 mai sur PS4, Xbox One et PC.
Biomutant a le mérite de nous plonger dans un univers atypique. Nous voilà dans la peau d’un rongeur humanoïde mutant, dans un monde apocalyptique articulé autour d’un Arbre-Vie à sauver. Au bord de l’implosion, les environnements sont peuplés de diverses tribus qui essaient de tirer leur épingle du jeu. Biomutant est à la fois un conte et une fable, nourri par une écriture foutraque qui ne lésine jamais sur les traits d’humour (spoiler : c’est très, très bavard). Si on met de côté ses travers creepy (certains personnages sont vraiment bizarres quand certains boss sont mignons), l’univers est très attachant. On sent que 101 Experiment a voulu aller au bout de son imaginaire, quitte à rogner sur la cohérence. Il entend aussi laisser les grandes lignes narratives aux joueuses et aux joueurs, lesquels pourront influencer le destin de l’univers, avec un manichéisme assumé.
Autant dans la forme que dans le fond, Biomutant est un immense fourre-tout. On nous demande quand même d’incarner un héros très habile au kung-fu et à l’aise avec des armes à feu. On peut l’équiper avec du butin ramassé çà et là, ou encore jouer sur son karma en prenant des décisions qui tendent vers le Bien ou le Mal. Des éléments qui alimentent un gameplay très voire trop copieux. Artisanat, montures, personnalisation des compétences, conquêtes de base, tâches annexes génériques, gain de niveaux, petits puzzles simples à résoudre… Biomutant a beaucoup de choses déconnectées à offrir. Le jeu part cependant dans tous les sens et n’est pas suffisamment peaufiné.
Le projet n’a pas les moyens de ses ambitions
La prise en main est loin d’être irréprochable. Notre rongeur dispose de tellement de mouvements et d’options pour se défendre (on vous a parlé de la magie ?) que le contrôler n’est pas toujours une sinécure. En résulte un gameplay maladroit, pas aidé par des errements techniques impardonnables. On maudit encore cette caméra qui a tendance à n’en faire qu’à sa tête dans les décors les plus étriqués, ou quand il faut affronter de gros monstres.
L’équilibre entre attaques au corps-à-corps et coups de feu reste approximatif. Les ennemis sont relativement peu dangereux mais leur durée de vie élevée les rend difficiles à vaincre. Là encore, 101 Experiment passe à côté du sujet. Le studio a cru que le challenge pouvait être indexé sur la durée des combats. Il a eu tort. La surcouche RPG — choix des attributs physiques et de la classe — n’a du reste que peu d’intérêt.
À défaut d’être un jeu d’action correct, Biomutant aurait pu offrir l’opportunité de vagabonder dans des décors très naturels — nimbés dans une patte artistique cartoon. On s’attendait, au regard des promesses du studio, à une liberté organique rappelant The Legend of Zelda: Breath of the Wild (où rien n’est indiqué). À l’arrivée, on est plus proche d’un vieil Assassin’s Creed, avec des points clés à capturer — en faisant pipi dessus (oui, oui !) — pour révéler la carte. De même, les objectifs, qu’ils soient primaires ou secondaires, sont clairement identifiés. Il est très compliqué de se perdre, même pour la bonne cause, tandis que les balades trahissent vite le manque de consistance des lieux traversés. On finit par retomber sur les mêmes bâtiments délabrés, n’ayant à offrir que quelques objets à récupérer.
En plus de ressembler un peu trop à un jeu d’avant dans la structure, Biomutant n’est pas très beau — surtout sur PlayStation 5. La version PS4, rétrocompatible, est limitée au 1080p upscalé en 4K, a annoncé THQ Nordic dans un tweet publié le 20 mai — après la découverte de soucis techniques. N’attendez donc rien de la partie visuelle de Biomutant, qui mise sur la variété des biomes et son festival de couleurs pour faire oublier qu’il n’a rien d’un foudre de guerre. Fauché, le projet n’a sans doute pas eu les moyens de ses ambitions, ce qui peut arriver quand les développeurs ont les yeux plus gros que le ventre. Il suffisait d’en mettre moins, en recentrant l’expérience sur des arguments mieux identifiés et mieux travaillés.
Le verdict
Biomutant
Voir la ficheOn a aimé
- Faire pipi sur des poteaux
- Décalé comme il faut
- Généreux
On a moins aimé
- Le jeu part dans tous les sens
- Gameplay approximatif
- Fauché
THQ Nordic nourrissait de grandes ambitions avec Biomutant, énième jeu en monde ouvert qui a finalement les yeux plus gros que le ventre. Si on apprécie son univers ouvertement décalé et très, très bavard, force est de reconnaître que la proposition globale manque cruellement de maîtrise. Biomutant part dans tous les sens, et on a souvent du mal à le suivre.
Le jeu vous arrachera autant de sourires face à l’absurdité de certaines situations, que de rires jaunes en raison de ses errements techniques. Daté avant même son lancement, Biomutant a au moins cinq ans de retard sur la concurrence. Bref, ce n’est pas l’avenir qui lui sourit.
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