Dans le film Inception, le personnage de Leonardo DiCaprio et sa bande cherchent à implanter une idée dans la tête d’un héritier, en passant par son sommeil. Dans Psychonauts 2, le jeune héros Raz dispose d’un pouvoir très similaire : il peut facilement arpenter l’esprit des gens, jusqu’à modifier ce qu’ils ressentent. Mais là où le blockbuster malin de Christopher Nolan est d’une froideur presque brutale, le jeu vidéo disponible sur PC, Xbox et PS4 est pétillant (il est sur le Xbox Game Pass dès sa sortie prévue le 25 août). Il ressemblerait presque à un film réalisé par les designers — les plus loufoques — de Pixar.
Derrière Psychonauts 2, on retrouve le studio Double Fine Productions — désormais propriété de Microsoft — et, surtout, Tim Schafer. Passé par LucasArts à l’époque de l’âge d’or du studio (et des titres point’n’click), ce concepteur est connu pour avoir participé à la création de jeux cultes tels Maniac Mansion, The Secret of Monkey Island, Maniac Mansion: Day of the Tentacle ou encore Grim Fandango. Sorti en 2005, Psychonauts fut le tout premier jeu de Double Fine. Il a donc fallu attendre plus de 15 ans avant de voir une suite. Et quelle suite !
Artistiquement parlant, Psychonauts 2 est époustouflant
Psychonauts 2 fonctionne autour d’une bande de personnages dotés de pouvoirs psychiques très puissants, rassemblés dans une agence d’espionnage. Propulsé dans cet univers après en avoir tant rêvé, le jeune Raz n’a pas le temps de dire ouf : l’apprenti doit découvrir qui a cherché à nuire au grand chef après une tentative de kidnapping. Il n’y a pas meilleur point de départ pour mettre en scène une histoire de conspiration qui amènera Raz à se plonger dans le passé (il y aurait une taupe chez les gentils). Et c’est en passant de cerveau en cerveau qu’il pourra percer des secrets, loin d’être à sa portée quand il est devenu un Psychonaute.
Une écriture d’une intelligence rare
Très bavard, parfois même un peu trop quand l’action s’emballe (c’est dur à suivre, sans voix française), Psychonauts 2 cimente son intrigue avec une écriture d’une intelligence rare. On retrouve d’emblée la patte Schafer, tout à la fois capable de mélanger humour pince-sans-rire et thématiques plus sérieuses (les tourments de l’esprit, les maladies mentales). Il en résulte une belle et grande aventure qu’on a envie de suivre de bout en bout. En prime, la galerie de personnages imaginée par Double Fine Productions est parfaite. Ils sont pour la plupart des individus à la fois effrayants (leur design alambiqué) et attachants (leur petite histoire personnelle, les angoisses, leurs doutes, leurs peines).
Psychonauts 2 ressemblerait presque à un cirque immense que ne renierait pas Tim Burton. Aucun trait n’est vraiment tracé droit, toutes les formes semblent s’épanouir dans une géométrie sans aucune règle. Il y a un côté bizarre, qui confère à la direction artistique cet élan d’imaginaire comme on peut rarement en apprécier. Par conséquent, on se surprendra à trouver le résultat beau — sur Xbox Series X, c’est le cas — et étrange. Au moins ne pourra-t-on pas reprocher à Double Fine Productions sa prudence : les développeurs vont au bout des choses, et libre aux joueurs et aux joueuses d’adhérer à cette orientation loufoque. Pour couronner le tout, Psychonauts 2 évite le piège qui consisterait à partir dans tous les sens, sans aucune matière derrière. Là est la force d’une plume bien utilisée.
Des idées à la pelle
Avec Psychonauts 2, passé par un financement participatif, Double Fine Productions a pris son temps. Ce point se ressent dans la structure et l’approche résolument old-school. Si d’aucuns pourraient y voir un défaut rédhibitoire, on préfère apprécier le charme de ce gameplay qui honore les phases de plateforme, récompense cette maîtrise des sauts et glorifie cette gestion millimétrée de la caméra. De temps à autre, Psychonauts 2 vous demandera de prendre part à des combats simplistes, où les compétences spéciales — explosion, télékinésie, tirs psychiques… — seront vos meilleurs alliés. Psychonauts 2 donne beaucoup, mais ne demande rien en retour, sinon des sourires animant votre visage.
Derrière les jeux de mots bien sentis et les traits d’esprit incessants, Psychonauts 2 cache aussi une générosité inouïe et marquante. D’une séquence à l’autre, on peut aider un couple de squelettes riches à gagner un bébé au casino (l’argent ne fait pas le bonheur, paraît-il) puis cuisiner des plats savoureux pour un jury de marionnettes sévères au service d’un télé-crochet gourmand. Entre temps, on se sera peut-être battu face à un ennemi symbolisant la crise d’angoisse par une capacité à pouvoir apparaître n’importe quand (comme dans la vraie vie). Double Fine Productions étonne par cette aisance à transformer des concepts en mécaniques de gameplay bien pensées, où la surprise est permanente. Mieux, il parvient à le faire pendant 10 à 15 heures, ce qui prouve son immense talent et son envie de ne jamais installer une forme de routine. Après tout, son terrain du grand n’importe quoi n’y invite pas vraiment.
L’argument old-school cher à Double Fine Productions pose quand même quelques soucis en termes d’ergonomie. Il faut constamment jongler avec trop de pouvoirs pour si peu de raccourcis, ce qui n’est pas toujours très positif pour le rythme général. Cette prise en main d’un autre temps finit par se confronter à l’approche tous azimuts — comme si le rêve était toujours un peu rattrapé par la réalité. Malgré ces quelques défauts, on finit par s’accommoder et s’accrocher, acceptant de suivre Raz dans ses péripéties loufoques, motivé par cette envie répétée de découvrir l’idée fraîche d’après. D’autant que Psychonauts 2 offre plusieurs environnements à explorer, où des mini-histoires pullulent et comblent les rares trous d’un trip hallucinant et d’une variété folle. Bref, Leonardo DiCaprio n’a qu’à bien se tenir : il n’est plus seul à arpenter les méandres de l’esprit humain.
Le verdict
Psychonauts 2
Voir la ficheOn a aimé
- Artistiquement dingue
- L'écriture d'une finesse hallucinante
- Gameplay généreux...
On a moins aimé
- ... mais un peu trop old-school parfois
- Il manque une VF pour bien suivre pendant l'action
- La version PS4 prive Microsoft d'une belle exclusivité
Psychonauts 2 est un jeu zinzin à bien des égards. Mais c’est le zinzin qu’on adore, puisque l’argument artistique est porté par une écriture d’une finesse inouïe. Tout, ou presque, trouve une justification dans la narration. Imaginé par l’esprit loufoque de Tim Schafer, poète à l’humour légendaire, le titre de Double Fine Productions trouve sa voie dans un océan d’idées, sans jamais risquer la noyade.
Et la réussite est brillante : Psychonauts 2 s’inscrit dans une quête du renouvellement permanent. Il cherche toujours à bousculer la joueuse ou le joueur pour ne jamais qu’elle ou il soupire. Il baigne dans la générosité et n’est rattrapé, finalement, que par ce côté old-school pourvoyeur de sensations moins confortables. Ce qui n’empêche pas de l’aimer.
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