Une histoire de tradition chamanique kazakhe et d’instrument explique pourquoi le service de streaming français Qobuz s’appelle ainsi.

Vous l’ignorez peut-être, mais la galaxie du streaming musical comporte des myriades d’étoiles. Certaines brillent fortement, comme Spotify, Apple Music ou Deezer, grâce à leurs millions de clients, d’autres ont un éclat modeste. C’est le cas de Qobuz. Et pour exister face à ces mastodontes, la plateforme française s’efforce d’incarner une autre approche de la musique en ligne.

Avec succès ? C’est tout relatif : en 2019, l’entreprise revendiquait 100 000 abonnés, avec un objectif d’un million, selon Les Échos. L’an dernier, Challenges déclarait dans son édition du 24 novembre 2020 que ce cap ne sera pas franchi avant 2023, au mieux, alors que plus de 60 millions d’euros ont été investis dans le projet. Le coût de la formule de base (12,50 ou 14,99 euros par mois) pèse certainement dans la balance.

Il s’avère que le nombre d’abonnés n’est pas le seul critère sur lequel on peut comparer les services de streaming audio. Il y en a un d’ailleurs qui est, nous en convenons, très atypique : l’origine de leur identité de marque. Il s’avère que pour Spotify, personne n’en sait rien, y compris les fondateurs. Pour Deezer, c’est le pragmatisme et le hasard qui l’ont emporté. Et pour Qobuz, alors ?

Plongée dans les traditions kazakhes

kobyz qobuz instrument

Une musicienne jouant du qobuz. // Source : Jean-Pierre Dalbéra

En la matière, la question est vite répondue. Qobuz a en effet publié en 2009 un article sur son blog qui revient sur son nom. Il s’avère qu’il fait référence à un instrument de musique traditionnelle provenant de l’Asie centrale, le qobuz (qui s’écrit aussi kobyz ou kyl-kobyz). Il s’agit d’une sorte de viole à deux cordes en crin de cheval (kyl pouvant être traduit par « crin de cheval »), sur lesquelles on frotte un archet.

L’instrument mesure entre 70 et 80 centimètres et comporte une caisse de résonance ouverte, qui fait office de tableau d’harmonie, en partie recouverte de peau de chameau. Le bois vient la plupart du temps du noyer ou du bouleau et été taillé d’une seule pièce. Quant aux cordes, chacune est constituée de cinquante crins de cheval tressés, raconte le site de streaming.

L’ensemble « offre une très large palette sonore ». Il « produit un timbre grave au spectre large, très riche en harmoniques. C’est ce son, presque surnaturel, d’une étrange beauté qui, dit-on, pénètre les âmes des vivants et appelle celle des morts », développe le site. Il est expliqué que les Kazakhs considèrent le qobuz comme le tout premier instrument, celui qui a précédé tous les autres.

Le caractère presque fantastique qui est prêté au qobuz est lié à l’histoire de l’instrument et aux mythes et légendes qui y sont associés. L’instrument sert aux rituels chamaniques et permet, dit-on, d’accéder à une sorte de monde des esprits, que l’on peut toucher grâce à la musique. Les traditions racontent que c’est Korkyt-Ata, le premier chaman, qui a créé le qobuz, pour dépasser la mort.

Pour l’équipe derrière Qobuz, les vertus prêtées à l’instrument — éloigner les mauvais esprits et la maladie, par exemple — et son rôle dans la mythologie — atteindre une sorte d’au-delà, d’état second, grâce à une sorte de transe musicale — font que ce nom collait bien avec leur projet : « la volonté de transmettre, de relier, de faire rêver ». En somme, de s’évader avec la musique.

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