Le retour de la saga Life is Strange se fait de la plus belle des façons avec True Colors. Ce nouvel opus, sorti le 10 septembre 2021, est développé par Deck Nine — c’était déjà le cas pour le prequel du premier jeu, Before the Storm. Dans True Colors, vous incarnez Alex Chen, dont le pouvoir est, comme pour Max Caufield, une bénédiction autant qu’une malédiction. Elle est une « empathe ». Alex entend les pensées des personnes qui l’entoure, mais elle saisit par ailleurs leur aura émotionnelle, lorsqu’elles sont tristes, en colère, heureuses. Lorsqu’elles deviennent très prononcées, ces émotions peuvent la submerger frénétiquement.
Ces « crises » émotionnelles ont rythmé l’adolescence d’Alex, qui s’est en grande partie déroulée dans un orphelinat, après qu’elle ait été séparée de son frère. Mais celui-ci, qui a dorénavant refait sa vie à Haven Springs, vient de la retrouver. Alors qu’elle entre tout juste à l’âge adulte, elle le rejoint dans cette petite ville minière du Colorado.
True Colors saisit à merveille l’ADN de la saga Life is Strange. On y retrouve cette ambition quasi littéraire et théâtrale de sonder la comédie humaine à travers la quête initiatique adolescente. Celle-ci est, comme à chaque titre, nourrie par un pouvoir surnaturel venant aider les personnages à appréhender le réel pour qu’il ou elle trouve sa place. Mais le jeu opère aussi un changement de ton assez significatif.
Apaisement à Haven Springs
Si l’on retrouve toute la sensibilité et la narration incarnée faisant de Life is Strange une saga unique dans le jeu vidéo, ce nouvel opus se distingue avec une écriture faisant beaucoup moins dans l’élégie.
La mélancolie tragique des aventures de Max, Chloe et Rachel, l’urgence terrible du road trip de Sean et Daniel, nous avaient habitués à des montagnes russes. L’affrontement contre la cruauté du monde environnant exprimait une sombre souffrance, latente, difficilement surmontable, car avec laquelle on devait composer. Les lueurs d’espoir apparaissaient lors de moments hors du temps partagés entre les personnages, ou bien grâce à des bulles artistiques — la photo, le dessin, le théâtre, la musique.
Ce nouvel opus propose un équilibre tout autre. Car True Colors et la ville de Haven Springs trouvent bien leur nom : l’univers du jeu est coloré, les décors fourmillent de couleurs printanières. Nombreuses sont les scènes qui, par leur fantaisie ou leur tendresse, vous arracheront un sourire sincère. La dynamique du jeu est revitalisante. Cette fois, le drame est dépassable : il n’est plus question de composer avec, mais de l’affronter, de le régler, et d’aller de l’avant. Ainsi, True Colors est probablement l’un des jeux les plus apaisants auxquels il vous aura été donné de jouer.
Deck Nine a d’ailleurs choisi de puiser, plus que jamais, dans les moments de calme qui caractérisent parfois Life is Strange. Vous vous souvenez de ces instants où Max jouait de la guitare dans sa chambre ? De ce petit trajet en train où Rachel et Chloe partagent chacune un écouteur ? De cette soirée dans les bois où Sean écoutait Cassidy reprendre I Found A Way ? Ces opportunités d’opter pour un moment de douceur se présentent très régulièrement à vous dans True Colors, que ce soit de la contemplation, les échanges entre personnages, l’exploration de la petite ville. Bien que les non-dits et faux-semblants soient présents comme dans chaque Life is Strange, une véritable solidarité vient faire contrepoids.
L’atmosphère du jeu est propice à l’évasion a fortiori, car la musique est plus omniprésente que jamais dans cet opus. Le jeu tout entier est, en bien des aspects, une ode à la musique. Cette passion est tout particulièrement incarnée par le personnage charismatique de Steph, animatrice de la radio locale et love interest d’Alex. La playlist, majoritairement indé, est un bonheur à écouter et, clairement, l’on prend plaisir à aller l’écouter après avoir fini le jeu.
Il en résulte l’opus le plus positif et lumineux de toute la saga Life is Strange. Et ce n’est pas seulement grâce à l’atmosphère : l’histoire et son héroïne ont une puissance optimiste.
Alex Chen, lumineuse et inoubliable héroïne
Les précédents jeux de la saga parlaient des mécanismes de destruction et les personnages devaient constamment se battre pour habiter le monde. Devenir eux-mêmes était une lutte, celle de l’adolescence face aux contraintes sociales. Mais True Colors est une histoire de reconstruction. Si le passé des personnages est difficile, qu’ils font face à une terrible tragédie lors du premier épisode et qu’une enquête mouvementée s’ensuit, la résilience n’en demeure pas moins au cœur du récit et des dialogues.
Tel est donc le thème de True Colors : construire une nouvelle vie pour, enfin, habiter pleinement le monde. Quelle place pour les émotions dans cette (re)construction ? Sont-elles plus ou moins importantes que le lieu choisi ? Life is Strange : True Colors n’est paradoxalement pas tant que cela une exploration de l’empathie. Le jeu parle surtout de l’expression des émotions — Alex fait office de médiatrice pour les autres, ce qui lui apprend aussi beaucoup pour elle.
La positivité de True Colors émane majoritairement de ce personnage. Comme Max et Chloé ont su marquer durablement certaines mémoires, Alex Chen restera une héroïne marquante de Life is Strange, voire, au-delà de la franchise, l’une des héroïnes de jeu vidéo les plus attachantes. Car son humanité profonde et quasi solaire n’est pas que le simple fruit de son pouvoir d’empathe : brisée, mais courageuse, elle est émouvante grâce à une force de caractère qui défie sa propre timidité et une impressionnante abnégation envers les autres. Les nuances dans le comportement d’Alex, sa capacité à exprimer ce qu’elle ressent sans jamais totalement se livrer, sont le fruit d’une écriture sensible et d’une excellente interprétation par l’actrice (Erika Mori).
Le rythme va crescendo (mais le format court est frustrant)
En raison même de cette excellente écriture des personnages et de l’atmosphère, on regrettera donc le choix d’un format trop court qui ne laisse pas assez de place à un approfondissement de l’histoire. Le récit est souvent propulsé en avant par une ellipse, alors que l’on voudrait, par exemple, vivre davantage de moments avec Steph pour développer cette relation amoureuse possible. Pour comprendre l’impact d’être une empathe dans le quotidien d’Alex, on aimerait la voir davantage mobiliser son pouvoir, dès les débuts du jeu — là où l’introduction se fait, sur ce point, un peu lente. True Colors relève donc d’un excellent scénario et de personnages hautement caractérisés, mais condensés en un minimum de temps… et c’est frustrant.
Le rythme de True Colors va en fait crescendo, là où les autres titres de la saga avaient tendance à faire des montagnes russes. Les trois premiers épisodes manquent parfois d’intensité, puis cela change avec les épisodes 4 et 5, en particulier lors du dernier, lequel livre des scènes déchirantes qui vous tireront les larmes. Enfin, la « confrontation finale » de l’épisode 5 repose sur un monologue dont la qualité d’écriture en fait l’un des moments les plus bouleversants de toute la saga Life is Strange. Le système de choix et conséquences est, lui aussi, frustrant, alternant des choix aux effets peu visibles puis, brusquement, un énorme choix.
La frustration provoquée par le rythme du jeu ne prend toutefois pas de dessus sur les sensations et l’impression finale d’une œuvre réussie, aux contours humains tantôt attendrissants, tantôt bouleversants. On sort de ces cinq épisodes avec une seule idée en tête : jouer rapidement au DLC prequel dédié à Steph, ne serait-ce que pour retourner à Haven Springs.
Le verdict
Life is Strange: True Colors
Voir la ficheOn a aimé
- Une atmosphère apaisante, la plus positive de la saga
- Des personnages marquants, en particulier Alex et Steph
- Plusieurs scènes de l'épisode 5 sont bouleversantes
- Si vous aimez la saga Life is Strange, vous serez bien servi mais sans bis repetita
On a moins aimé
- Les épisodes sont trop courts, ce qui précipite excessivement la narration
- Le système de choix a des effets parfois peu visibles, ils servent surtout à « explorer » les émotions
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