Apple TV+ est le service de vidéo à la demande d’Apple : il coûte 4,99 euros par mois. Il y a une semaine d’essai gratuit
Foundation (ou Fondation), la nouvelle série d’Apple TV+, n’est pas seulement une superbe adaptation de l’œuvre culte d’Isaac Asimov. Il s’agit également de la meilleure série télévisée de science-fiction depuis Battlestar Galactica. Cette position la place aux côtés de l’excellente The Expanse, mais celle-ci avait mis plus de temps à décoller, là où Foundation réussit son coup dès le début.
En préambule, revenons aux origines, c’est-à-dire en 1942 : c’est à cette date que l’écrivain Isaac Asimov publie la toute première nouvelle du cycle de Fondation. S’ensuivront d’autres nouvelles, rassemblées sous forme de recueils, puis des romans, formant finalement une œuvre massive, achevant sa publication en 1992 à la mort de l’auteur, et marquant de son seau toute la littérature SF.
Résumer en un synopsis « l’histoire » de Fondation n’aurait pas de sens : tout le jus de l’œuvre est de constituer une sorte de grand roman futur, couvrant non pas quelques dizaines d’années, mais des dizaines de milliers d’années. Alors nous pouvons évoquer, plutôt, la prémisse du récit. L’humanité a conquis l’espace et règne un Empire galactique (oui, bien avant Star Wars et bien avant Dune). Alors que celui-ci est à son âge d’or, un mathématicien du nom de Hari Seldon prédit, par les probabilités statistiques, un effondrement. Cette chute donnera lieu à des dizaines de milliers d’années d’âges sombres, faits de violence, de barbarie.
Mais Hari Seldon a aussi une solution : s’il n’est pas possible d’éviter la chute de l’Empire, il est possible de réduire considérablement le temps des âges sombres. Pour ce faire, il veut créer une fondation, installée sur la planète Terminus, en périphéries des mondes. Cette fondation sera chargée de préserver le savoir de l’humanité pour permettre une renaissance. La fondation va toutefois devoir affronter des « crises ».
L’émerveillement mathématique : le miracle s’est produit
L’œuvre d’Isaac Asimov est très cérébrale, et l’on relève assez peu d’action propice à du grand spectacle : l’un des personnages, se faisant voix de l’auteur sur ce point, déclame que la violence est le dernier refuge de l’incompétence. Dans une ère où la SF portée à l’écran se veut spectaculaire, le défi est lourd, puisqu’il ne faut pas sacrifier l’essence de l’œuvre, mais sombrer dans une adaptation purement intellectuelle poserait trop de barrières.
C’est donc la première réussite de cette adaptation pilotée par David S. Goyer : l’équilibre est, dans l’ensemble, parfaitement bien trouvé. Loin d’être ennuyante, la série Foundation a un rythme prenant, des rebondissements qui prennent au vif, des enjeux politiques et humains dont on souhaite ardemment connaître les méandres et les débouchés. C’est le cas même lors de scènes « calmes », à l’image de celle du procès, qui ressemble à une séquence de théâtre. Le spectacle est par ailleurs au rendez-vous : l’esthétique est sublime, d’autant plus que les tableaux sont d’une grande diversité. Le voyage spatial dans cet empire galactique du futur est total et grandiose.
La psychohistoire repose sur la capacité à prédire l’avenir grâce aux probabilités, mais ce n’est pas qu’un outil narratif. La vision d’Asimov dans Fondation est celle d’un amour immodéré envers la science et en particulier les mathématiques. Une rationalité salvatrice, mais qui n’est pas dénuée de spiritualité ou de poésie. Et c’est là que l’adaptation parvient au petit miracle : l’émerveillement mathématique est là. Des dialogues, monologues et soliloques constituent de véritables envolées lyriques sur la beauté des mathématiques, sur la grandeur de l’Univers, le destin de l’humanité. Et ces moments de poésie sont tout aussi captivants que l’action.
Nous émerveiller grâce à la science et les maths n’a pas surpassé la dimension humaine, car toute grande œuvre de SF parle toujours, finalement, de notre humanité profonde. Foundation est aussi fort de personnages nuancés, intéressants et parfois touchants. Ce qui, là encore, n’était pas si gagné d’avance, étant donné la temporalité de l’œuvre qui nécessite de faire disparaître parfois rapidement certains personnages, avant que l’on puisse pleinement s’y attacher. Mais la série joue avec le temps afin de garder un « fil rouge » humanisé.
Deux personnages en particulier sortent du lot : l’empereur (sous sa forme « Brother Day ») et Gaal Dornick, respectivement incarnés avec brio par Lee Pace et Lou Llobell.
Chroniques du changement et vent de fraîcheur
Dans une interview récente, le showrunner David S. Goyer confie son ambition de lire et relire l’œuvre qu’il cherche à adapter, jusqu’à ce qu’il en ait saisi les ingrédients essentiels. Mais il ajoute qu’il était nécessaire, à ses yeux, de parler pleinement au public de 2021, tout en conservant l’essence de Fondation. Il fallait donc s’éloigner énormément des livres, sans trahir le propos fondamental.
Cette démarche a largement payé : cet équilibre est exactement ce qui ressort de l’adaptation. De très nombreux changements ont été effectués. Mais, d’une certaine façon, cela rend l’œuvre d’Asimov encore plus intéressante : sa modernisation apporte un vent de fraîcheur tout en mettant en valeur ce qui faisait de Fondation une histoire SF si brillante. Et n’y a-t-il une forme de logique à faire évoluer le récit d’un écrivain qui se voulait le chantre du changement et de l’impermanence dans ses propres histoires ?
L’adaptation donne (heureusement) plus la parole aux femmes
Avant tout, la misogynie latente d’Asimov est balayée d’un revers de la main. Dans le premier tome de Fondation, aucune femme (humaine) n’intervient. Comment a-t-il pu parvenir à imaginer un futur si lointain et si complexe, mais sans imaginer une seconde y inclure des femmes, a de quoi estomaquer (bien que ce soit cohérent avec ce que l’on sait du comportement sexiste d’Asimov en conventions). Fort heureusement, l’adaptation s’émancipe, et de nombreux personnages importants sont des héroïnes — tout comme d’autres femmes, pas forcément au premier plan, ont leur place.
D’autres modifications importantes ont été opérées, concernant cette fois-ci le récit et son découpage temporel. L’aspect que l’on peut aborder le plus facilement sans spoiler est la « lignée génétique ». Dans la série, l’Empire est dirigé par Brother Dawn, Brother Day et Brother Dusk. Ce sont des clones d’un seul et même homme, mais à différents stades de leur âge — une version jeune, une version adulte et une version âgée. Cet ingrédient n’était pas présent dans le texte d’Asimov. Mais, paradoxalement, cela vient mettre en exergue tout le propos de Fondation, car le cœur de cette œuvre aborde la stagnation politique, se faisant alors chronique du changement, et même de la nécessité de ce changement afin d’éviter la sclérose d’une société devenant son propre fantôme.
L’Empire s’effondre, car il n’évolue pas, car les traditions demeurent plus importantes que la nouveauté. Pour ce faire, les personnages adoptent, pour la plupart, une démarche scientifique pacifique qui consiste tant à préserver le savoir qu’à le faire constamment évoluer, dressant la curiosité et donc le renouveau comme moteurs de la société.
C’est également le cas des personnages retranscrits dans la série télévisée. À ceci près que le pacifisme des livres est moins mis en avant — la résolution des problèmes passe plus souvent par la violence et des combats que dans l’œuvre d’origine. Mais on appréciera la modération de cette mise en scène : la réalisation ne tombe pas dans l’injonction actuelle du déchaînement de violence, préservant un minimum l’état d’esprit de Fondation. En revanche, l’insertion de scènes amoureuses et de scènes de sexe est un peu moins réussie : elles ont un caractère très artificiel et s’inscrivent assez mal dans la narration, ce qui les rend assez kitsch.
Quoi qu’il en soit, Fondation parvient à proposer une adaptation qui fait à la fois honneur à l’œuvre d’origine, mais qui s’en émancipe pour proposer un vent de fraîcheur. Cet équilibre fonctionne à merveille, en produisant une série philosophique mais humaine, et aussi captivante que facile à suivre. La musique de Bear McCreary, certes moins marquante que sa composition pour Battlestar Galactica, contribue à une œuvre complète, parfaitement maîtrisée, et faisant honneur à la science-fiction.
Foundation, est sur Apple TV+, un nouvel épisode tous les vendredis
Le verdict
Foundation, saison 1
On a aimé
- Une série de SF qui parvient à émerveiller avec la science et les maths
- Une esthétique à couper le souffle
- Philosophique, mais humain et captivant
- La musique de Bear McCreary, évidemment
On a moins aimé
- Les séquences amoureuses font très artificielles
- La violence, même modérée, s'éloigne du pacifisme de Foundation
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous gratuitement à Artificielles, notre newsletter sur l’IA, conçue par des IA, vérifiée par Numerama !