Si les bandes d’adolescents peuplent nos écrans depuis des décennies, la série américaine Genera+ion, disponible sur MyCanal, parvient à renouveler le genre avec des personnages d’une diversité flamboyante. Notre critique.

Naomi, lycéenne girly qui semble sortie d’un épisode de Gossip Girl, attend son amie à la porte des toilettes, dans un centre commercial. Jusque-là, rien d’anormal : une scène classique de la plupart des amitiés entre filles. Jusqu’à ce que l’inconnue des toilettes hurle à Naomi de chercher un tuto « accouchement » sur YouTube.

La scène d’introduction de Genera+ion ne laisse pas indifférent et plonge immédiatement dans cette série adolescente étonnante. Ici, point de cheerleaders ou de quaterbacks sexys à l’horizon. Cet accouchement surprise ne vient ni d’une relation hétéro toxique, ni d’un oubli de pilule, comme les scénarios adolescents le dépeignent souvent, mais plutôt d’une génération libre, woke et 2.0.

Ce n’est pas pour rien si le nom de la série est stylisé par un + en guise de t : ce symbole renvoie clairement à celui de la communauté LGBTQIA+, fièrement représentée par les personnages de Genera+ion.

Concentré des années 2000

Il y a d’abord Chester, le drama queen du groupe, l’électron libre autour duquel la bande se cristallise. Magnifiquement incarné par Justice Smith (déjà excellent dans The Get Down sur Netflix), ce mélancolique déguise son spleen en revendiquant son homosexualité et son identité avec une autodérision constante. Timide, caché dans un coin de la cour, Nathan (Uly Schlesinger) l’observe avec amour et jalousie, lui qui redoute tant de révéler sa bisexualité à ses parents, des conservateurs au bord de la rupture.

Sa sœur jumelle, Naomi (Chloe East), est inséparable d’Arianna (Nathanya Alexander), qui justifie ses blagues douteuses par le fait qu’elle ait deux pères. Dissimulée derrière un appareil photo, capturant tous ces instants, se trouve Riley (Chase Sui Wonders), bisexuelle autodestructrice, au mal-être permanent. Elle-même est remarquée par Greta (Haley Sanchez), qui se questionne sur ses propres désirs et son orientation sexuelle, tandis que Delilah (Lukita Maxwell) débite un discours féministe et engagé.

La bande d'adolescents de Genera+ion // Source : Warrick Page/HBO)

La bande d’adolescents de Genera+ion // Source : Warrick Page/HBO

Alors qu’ils rejoignent le club LGBTQIA+ de leur lycée, ces sept personnages se croisent, s’admirent, se jalousent, s’aiment, s’entraident, et se délaissent dans une symphonie douce et amère. Diffusée par HBO Max, Genera+ion est plus pétillante et moins dépressive que son aînée, Euphoria, véritable claque télévisuelle sortie en 2019 sur HBO. Et elle a un avantage de taille : elle a été co-créée par Daniel Barnz (réalisateur du film Cake) et sa fille de 19 ans, Zelda, qui a récemment fait son coming-out queer. Un point de vue unique, qui se ressent dans tous les aspects de la série, des vidéos populaires sur TikTok aux influences des nouvelles sorcières 2.0 sur Instagram, en passant par l’envoi de gifs pour dévoiler ses émotions.

Si la plupart des comédiens sont en réalité bien plus âgés que leurs personnages, la série n’en garde pas moins une justesse et une authenticité dingue. Véritable concentré de références adolescentes diffusées sur petit et grand écran depuis le début des années 2000 (le film Elephant de Gus Van Sant ou les séries Degrassi et Skins), Genera+ion n’en garde que le meilleur.

Nathan (Uly Schlesinger), Chester (Justice Smith) et Riley (Chase Sui Wonders) forment un trio en quête d'identité. // Source : Jennifer Clasen / HBO Max

Nathan (Uly Schlesinger), Chester (Justice Smith) et Riley (Chase Sui Wonders) forment un trio en quête d’identité. // Source : Jennifer Clasen / HBO Max

Une ode aux fiertés

La série développe ainsi un magnifique récit sur la mélancolie, la solitude, les insécurités et l’envie de trouver sa place dans un monde cassé, politiquement et écologiquement (le cinquième épisode aborde d’ailleurs les incendies qui ont ravagé la côte ouest des États-Unis en 2020). Ces lycéens, souvent engagés, mais toujours perdus, pourraient ainsi être les cousins des trublions de Sex Education, avec une singularité bienvenue. « Tu es l’adolescent que j’aurais aimé être, sans en avoir le courage », déclarent plusieurs adultes de la série. Et en visionnant les seize épisodes, on ne peut que faire le même constat, tandis que la jeunesse se voit, elle, enfin représentée dans toute sa complexité. Genera+ion est ainsi avant tout une magnifique ode aux fiertés, aux identités plurielles, aux orientations sexuelles indéfinies et aux relations bienveillantes.

Avec la présence d’un personnage asexuel, toujours trop rares sur nos écrans, la série fait même figure de modèle. Et pour ne rien gâcher, le casting est lui aussi d’une grande diversité, avec la présence de Sydney Mae Diaz ou de Nava Mau, comédien et comédienne transgenres absolument parfaits dans leurs rôles de J et Ana. La série a l’intelligence de traiter ses personnages comme devraient le faire toutes les œuvres à la télévision : avec une grande humanité, sans effacer leur parcours, mais sans en faire un sujet à expliquer ou commenter. Par sa simple existence, Genera+ion rappelle avec force l’importance de la représentation à l’écran, avec naturel et simplicité.

Sam (Nathan Stewart Jarrett) tente de conseiller Chester (Justice Smith) sur son avenir // Source : Warrick Page / HBO Max

Sam (Nathan Stewart Jarrett) tente de conseiller Chester (Justice Smith) sur son avenir // Source : Warrick Page / HBO Max

Des personnages et une réalisation en quête d’identité

Et pour être honnête, ça fait un bien fou de s’attacher à ces adolescents joyeux, aux fêlures certaines, qui tentent de se débattre avec les adultes autour d’eux ou avec le regard des autres. Car dans cette série, tout passe par le regard : celui de la photographe Riley sur ces amitiés fondatrices, celui de Greta, folle d’amour pour elle, celui des parents, bien souvent dépassés par leur progéniture…

Cette multiplicité de points de vue est d’ailleurs le seul point négatif de la série. La forme des épisodes oscille entre flashbacks, séquences consacrées à certains protagonistes ou déroulés heure par heure d’une journée. Tout comme les personnages qu’elle dépeint, la réalisation est brouillonne et peine à trouver sa voie. C’est sur ce point que d’autres séries teen de HBO comme Euphoria ou We are who we are de Luca Guadagnino (Call me by your name) se démarquent clairement par leur esthétique très travaillée. Ci ou là, quelques épisodes parviennent à se détacher, comme le huitième épisode consacré à l’accouchement qui débute la série, déchirant, ou le final, récit d’une pénible soirée en plusieurs plans-séquences.

En terminant Genera+ion, on a le coeur brisé par cette jeunesse attachante, mais surtout par l’annonce de son annulation. La première saison, qui se termine par de nombreux questionnements, laisse une impression d’inachevé, pour cette série qui aurait pu devenir une fresque bouleversante aux multiples actes. Bref, HBO Max a clairement raté son coup, et nous, on peut juste appuyer sur « regarder de nouveau » pour combler notre manque.

La première et (malheureusement) unique saison de Genera+ion est disponible sur MyCanal.

Le verdict

Véritable reflet d’une époque, Genera+ion est une mini-série attachante et touchante, avec des personnages LGBTQIA+ fiers et pétillants. On s’attache facilement à cette bande d’adolescents au spleen évident, mais à l’optimisme souvent inspirant. Leurs questionnements touchent en plein cœur les enfants en nous, tandis qu’ils offrent à la génération Z une magnifique représentation de sa diversité. Si les vidéos Tiktok, les tutos YouTube et les envois de gifs ne vous font pas peur, vous aimerez à coup sûr cette petite pépite douce et mélancolique, à ne pas manquer.
Source : Montage Numerama

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