« Un, deux, trois, soleil ! ». C’est à ce type de jeux d’apparence innocente que les personnages de Squid Game sur Netflix doivent jouer, pour gagner une cagnotte mirobolante sans y perdre leur vie. Bien sûr, dans la série sud-coréenne, les épreuves sont un peu plus compliquées que les jeux d’enfants dont elles s’inspirent. Résultat : le sang coule à flots, à mesure que le mystère sur les organisateurs du jeu s’épaissit.
L’hémoglobine et le suspens ne sont cependant pas les seuls éléments marquants de cette série à l’esthétique léchée. L’oeuvre multiplie d’ailleurs les références culturelles. Voilà les clins d’œil que nous avons repérés.
Pour vous les détailler, nous n’avons d’autre choix que de spoiler en partie certains épisodes de Squid Game. Afin de ne pas vous gâcher la surprise, nous avons classé les spoils par ordre croissant et précisé au-dessus de chaque paragraphe le degré de « divulgâchage » qu’il comporte.
Et si vous l’avez finie, et cherchez d’autres programmes à regarder sur la plateforme au N rouge, allez faire un tour du côté de notre guide des films et des séries qui valent le détour sur Netflix.
1. Relativité d’Escher + La Muralla Roja de Ricardo Bofill, dans toute la série Squid Games
- Degré de spoil : zéro
« Relativité » est une lithographie réalisée par l’artiste néerlandais, M. C. Escher. Dans cette œuvre, les lois de la gravité ne s’appliquent pas. Les protagonistes présents sont impersonnels, car leur visage n’est pas représenté et ils possèdent tous la même carrure.
Ici, le lien avec Squid Game est facile à faire. Afin d’accéder aux terrains de jeu, les joueurs doivent passer dans ces escaliers, où il nous est impossible de les situer clairement. Aussi, les gardes ayant tous la même combinaison, avec uniquement une forme différente sur leur masque (pourquoi, d’ailleurs ?) sont très difficiles à différencier, tout comme les personnages de l’œuvre d’Escher.
Le décor de ces escaliers rappelle aussi La Muralla Roja de Ricardo Bofill, un complexe postmoderne d’appartements situé en Espagne au sommet d’une falaise surplombant la mer Méditerranée.
Bofill utilise la couleur comme quelque chose de « fonctionnel », selon ses propos rapportés que l’on peut lire sur le site carnets-traverse. Le rouge « accentue le contraste avec le paysage ». Le bleu, l’indigo et le violet produisent « un effet de fusion optique » avec le ciel et la mer.
Dans les décors de Squid Game, les couleurs qui se rapprochent de celle de Bofill procurent en effet une plus grande illusion de l’espace, rendant difficile de suivre les personnages lors des scènes dans les escaliers. Le design géométrique et épais rappelle autant l’architecture de Bofill que des meubles pour enfants.
De plus, de nombreux films y ont été tournés, par exemple The Hunger Games de Gary Ross… Il ne serait donc pas surprenant que ce lieu soit remonté aux oreilles de Hwang Dong-hyeok, le créateur de la série.
2. Le Cri de Munch, dans l’épisode 1
- Degré de spoil : zéro
Le Cri est une œuvre expressionniste de l’artiste norvégien Edvard Munch. Elle symbolise l’homme moderne emporté par une crise d’angoisse existentielle, inspirée d’une crise que l’artiste raconte dans son journal :
« Je me promenais sur un sentier avec deux amis — le soleil se couchait — tout d’un coup le ciel devint rouge sang. Je m’arrêtai, fatigué, et m’appuyai sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville — mes amis continuèrent, et j’y restai, tremblant d’anxiété — je sentais un cri infini qui passait à travers l’univers et qui déchirait la nature. »
Cette description correspond très bien à cette scène de l’épisode 1, où cette participante se prend un giclée de sang au visage et réalise que l’élimination d’un joueur annonce sa mort. S’ensuit un mouvement de panique (puis, un massacre), qui peut s’apparenter à la crise d’angoisse que représente le tableau de Munch.
De plus, dans la crise d’angoisse ayant donné naissance à cette peinture, Munch fait allusion au sang et au fond, qu’on peut retrouver dans cette manche de Squid Game par la mort et les coups de feu.
3. Le Bal surréaliste de Rothschild, dans l’épisode 7 de Squid Games
- Degré de spoil : léger
Le 12 décembre 1972, dans le château de Ferrières, les domestiques habillés en chat se démenaient pour accueillir et servir les hôtes de Marie-Hélène de Rothschild, eux aussi déguisés de manière surprenante. Sans pour autant tous les citer, on y retrouvait une grande partie du gratin riche du Paris de l’époque, comme Audrey Hepburn, Brigitte Bardot, Serge Gainsbourg, Yves Saint Laurent ou encore Dali.
Voici le Bal surréaliste de M.H. Rothshild, qui a inspiré le film Eyes Wide Shut. Comme vous pouvez le voir, l’hôte (à droite) était habillée de bleu, avec un long masque en forme de tête de cerf qui pleure des larmes de diamants.
Est-ce que ce bal et cette tenue auraient inspiré la création des masques d’animaux des VIP ? Car dans la série aussi, nous comprenons assez vite que les VIP font partie de la classe supérieure. Ils sont riches et ont besoin de s’amuser dans un cadre plutôt surprenant, comme les invités du bal de Rothschild. De plus, alors qu’ils observent le jeu du pont, ils sont aussi dans un décor surréaliste, représentant une jungle, avec des serveurs masqués et des femmes servant de meubles, rappelant l’ambiance du Bal surréaliste.
4. Dinner party de Judy Chicago, dans l’épisode 8
- Degré de spoil : élevé
The Dinner Party est considérée comme la première œuvre féministe « épique ». Elle se présente sous une installation triangulaire composée de 39 tables à manger dressées.
Chaque table est attribuée à des personnages mythologiques et des personnalités historiques de diverses époques et de divers domaines, toutes des femmes. Leur nom est brodé à chaque place et Judy leur a attribué des images ou des symboles qui les représentent, comme une serviette, des ustensiles de cuisine, un verre ou un gobelet et une assiette. Certains accessoires sont en forme de papillon ou de fleur, symboles vulvaires.
Judy Chicago a réalisé cette installation dans le but de « mettre fin au cycle continuel d’omissions par lequel les femmes sont absentes des archives de l’Histoire ». Il est donc cocasse de retrouver cette même table triangulaire dans cette scène de l’épisode 8 de la série. En effet, la joueuse 067 est assise avec les joueurs 456 et 218, mais elle est en position de faiblesse face à eux. Alors qu’elle se vide discrètement de son sang, les deux hommes dégustent leur repas ainsi que le vin offert par les organisateurs.
067 sera une de ces femmes absentes des archives de l’Histoire, remplacée par des hommes qui auront eu un avantage sur elle. De plus, comme on peut le voir dans la référence au Bal surréaliste, les femmes sont considérées comme des objets, alors que les hommes prennent toute la place. Bien souvent dans le jeu, les hommes se plaignent de ne pas vouloir de femmes dans leur équipe, car elles seraient plus faibles qu’eux et risqueraient donc de les faire perdre, réduisant ainsi la gente féminine à de fragiles petites choses incapables de se battre.
5. La Création d’Adam par Michel-Ange, dans l’épisode 9
- Degré de spoil : élevé
La Création d’Adam représente la naissance de l’Adam biblique, selon le passage correspondant dans le Livre de la Genèse : « Dieu créa l’homme à son image ».
Le bras droit de Dieu porte la vie et se dirige vers Adam, étendu dans une pose en miroir de Dieu, rappelant que l’homme est créé à l’image de Dieu. Le contact imminent de Dieu avec Adam lui insufflera la vie et donnera vie à toute l’humanité. C’est donc la naissance de la race humaine.
Dans cette scène du neuvième épisode de Squid Game, on peut imaginer que 456 est comme Dieu. Il tend sa main vers 218, lui offrant une chance de vivre. Sa main possède en quelque sorte cette étincelle de vie illustrée dans la fresque de Michel-Ange. En lui serrant la main, 218 aurait peut-être été doté du même altruisme que 456 et serait donc rené sous la forme d’un nouvel homme. Mais 218 choisit de se donner la mort, refusant la renaissance proposée par son adversaire.
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