« Una mattina mi sono alzato. O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao. » Tandis que ce chant italien de révolte — remis au goût du jour grâce à la série La Casa de Papel — retentit, je brûle au lance-flamme un champ appartenant à la dictature en place. Finalement, tout est question de destruction à travers le prisme de la révolution dans Far Cry 6, nouveau blockbuster édité et développé par Ubisoft, à paraître le 7 octobre 2021.
« On se retrouve avec une énième expérience en monde ouvert, peuplée d’objectifs un peu mieux écrits à remplir, dans une ambiance qui sauve un peu les meubles et au gré d’une progression moins linéaire que d’habitude. Dès lors, on avance en s’en fichant de tout », ai-je écrit à propos de Far Cry 5 en mars 2018. Un peu plus de trois ans plus tard, je pourrais reprendre ces termes pour qualifier mes quelques heures en compagnie de Far Cry 6. La preuve que rien n’a vraiment changé, au fond.
Je n’arrive ni à aimer, ni à détester Far Cry 6
Far Cry 6 reprend donc les bases de ses prédécesseurs. Dans un environnement fictif, ici inspiré de Cuba, un grand méchant joue les tyrans. Charge alors aux joueuses et aux joueurs de le renverser en remplissant une palanquée de missions, allant du sabotage à la conquête de territoires, en passant par le recrutement d’autres opposants au régime en place ou l’assassinat de figures ennemies. L’argument principal de l’histoire tient assurément dans le charisme de ce super vilain, incarné à merveille par l’acteur Giancarlo Esposito (vu dans Breaking Bad ou, plus récemment, dans The Mandalorian).
La mise en scène ne fait passer aucune émotion forte
Homme d’une froideur extrême et nostalgique du passé, le dictateur Anton Castillo estime que l’île de Yara doit être un paradis coûte que coûte, soumettant les populations hostiles par un règne de la terreur (couvre-feu, présence militaire constante, oppression…). Ubisoft s’efforce tant bien que mal d’humaniser cette incarnation du Mal en lui créant un fils à élever au rang d’héritier, loin d’être coopératif (« J’en ai assez de cette vie, papa »). Malgré tout, si Anton Castillo prend de la place quand il apparaît à l’écran, il brille surtout par son absence. Far Cry 6 aurait mérité des confrontations plus poussées entre lui et Dani Rojas — le héros ou l’héroïne (au choix).
Pour Ubisoft, c’est encore l’occasion manquée de proposer, enfin, une narration à la hauteur de son casting haut en couleur. Comme dans les autres opus de la saga, la mise en scène ne fait passer aucune émotion forte. Tout est un peu plat malgré les enjeux élevés (faire front commun face à un régime autoritaire). Aucune séquence ne ressort vraiment. Et on ne se sent pas suffisamment impliqué dans cette guérilla qui tente d’exister au-delà de la violence, des punchlines et des gros mots (on a arrêté de compter le nombre de fois où les personnages prononcent « p***** » ou « m**** »). On soulignera quand même deux efforts pour accentuer l’immersion : Dani parle et on voit son visage pendant les cinématiques.
Far Cry 6 est une simulation de destruction
Son intrigue étant vite relayée au second plan (le syndrome des jeux en monde ouvert), Far Cry 6 doit pouvoir convaincre avec le gameplay. Sur ce point, tout porte à croire que les développeurs ont essayé de tout mettre, comme s’ils faisaient la synthèse de tous leurs précédents jeux. En termes de liberté, il y a du choix pour se déplacer — wingsuit, cheval, voiture, hélicoptère, bateau… — et, bien sûr, pour tuer. On pourra même faire appel à un animal puissant pour semer la zizanie dans les rangs adverses. On démarre l’aventure avec un crocodile fier de son croc en or. On peut ensuite choisir d’être accompagné d’un petit chien dont les pattes arrières sont remplacées par des roues.
On comprend vite que tout n’est que fun, au final, dans cette histoire avec un accent mis sur la politique — réfuté, puis assumé par Ubisoft. C’est un paradoxe qui banalise les thématiques abordées : on passe de scènes très cruelles à des séquences à la crédibilité douteuse. Ne reste alors que l’occasion de semer la destruction, à l’envi, dans des décors tropicaux naturellement remplis, mais humainement vides. En somme, aimeront Far Cry 6 celles et ceux qui cherchent à se défouler dans une expérience généreuse qui leur fournit des outils pour le faire dans de bonnes conditions. D’autant que rien n’est jamais insurmontable : non content de pouvoir composer avec un arsenal dévastateur (y compris des armes exotiques), Dani Rojas fait face à des soldats à l’intelligence risible. Entre quantité et qualité, Ubisoft a privilégié la première option — ce qui donne des situations pénibles sauvées par de bonnes sensations de tir.
Les développeurs ont essayé de tout mettre
Dans le but de bousculer un peu les habitudes, Far Cry 6 abandonne le système de progression classique, lequel consiste à accumuler des points d’expérience pour débloquer des compétences. Ici, la montée en niveau permet simplement d’augmenter la présence militaire et, par ricochet, d’accroître graduellement la difficulté. Pour personnaliser Dani, il faut passer par l’équipement : les armes peuvent être équipées de modificateurs à assembler soi-même (jusqu’à choisir ses balles), tandis que les tenues octroient des bonus passifs. De fait, on ressent beaucoup moins cette montée en puissance. Elle est moins naturelle et force l’exploration voire l’expérimentation.
On a testé Far Cry 6 sur PlayStation 5. Si on s’attendait à un rendu graphique bien plus attrayant sur une console récente et puissante, force est de reconnaître que le résultat est plus contrasté. C’est parfois très beau, parfois plus daté. On imagine qu’il paie son statut de jeu qui sort aussi sur la génération précédente (la PS4 et la Xbox One tirent les performances vers le bas). En revanche, la solidité technique est au rendez-vous : le jeu est globalement fluide (en 60 fps) et relativement exempté de bugs disgracieux (il en reste, mais les précédents Far Cry ont connu bien pire).
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