L’écrivaine américaine Ursula K. Le Guin (1929-2018) est à l’origine de certains des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature de science-fiction et de fantasy. Son œuvre est imprégnée par les sciences sociales. Ses mondes futuristes ou imaginaires sont des laboratoires propices à l’exploration anthropologique, et elle y développe des réflexions féministes et sociales. Ce n’est pas pour autant que l’on sombre dans un intellectualisme abscons : au contraire, Ursula Le Guin est aussi une formidable conteuse, et chez elle, une profonde réflexion passe par une histoire et des personnages forts.
Dans une monographie publiée en octobre 2021, De l’autre côté des mots, les éditions ActuSF consacrent plus de 400 pages à l’œuvre de l’autrice. Dirigé par David Meulemans (éditeur aux Forges de Vulcain), cet ouvrage représente une somme conséquente, qui ne fait pas que rendre hommage à Ursula Le Guin. Il se destine aussi à décrypter en profondeur son travail et sa vie, bien au-delà de ce qu’on lit dans la plupart des articles qui lui sont habituellement consacrés. Une démarche essentielle, dans un écrin cartonné de toute beauté.
La beauté, l’intelligence et la sagesse
La couverture, signée Zariel, donne déjà le ton de cette exploration : une multitude de couleurs. Or, s’il y a bien une autrice qui se passionnait pour la multitude des altérités dans l’Univers, c’est bien Ursula Le Guin. Dans une optique très anthropologique, les voyages spatiaux sont prétextes à partir découvrir des sociétés qui ont évolué très différemment de la nôtre, par exemple.
C’est ce qu’elle fait avec La Main gauche de la nuit, roman le plus célèbre de l’autrice, dans lequel on découvre une planète sur laquelle le genre n’existe pas — ou plutôt, il n’est qu’accessoire. Dans Les Dépossédés, autre roman majeur d’Ursula Le Guin, l’autrice nous fait visiter une utopie anarchiste sur une planète baptisée Anarres. Ce qui transparaît, in fine, c’est un humanisme. Un regard bienveillant, mais sévère, sur nous, dans une forme de sagesse.
Si l’on en croit David Meulemans dans la préface, De l’autre côté des mots vient « promettre, à celle ou celui qui veut découvrir ou redécouvrir Le Guin, d’être une sorte de carte ». Et la promesse est tenue : cette « carte » donne des repères fort utiles pour mieux comprendre des cycles connus de l’autrice, comme Terremer — sa grande œuvre de fantasy –, mais nous entraîne aussi sur des terrains que l’on connaît peu (voire pas du tout) concernant l’autrice — Le Guin poétesse, traductrice, musicienne. En passant de l’autre côté des mots de l’autrice, l’ouvrage plonge à corps perdu dans ses rêves, ses espoirs, ses critiques.
David Meulemans ne pouvait mieux trouver comme analogie qu’une carte. Car en lisant De l’autre côté des mots, l’œuvre d’Ursula Le Guin nous apparaît comme un territoire à part entière. Une planète peut-être, avec ses monts et merveilles, ses abysses, ses saisons, ses époques, sa diversité, son histoire. Et ses mystères qui resteront sans réponse, ou ceux qui, après ou pendant la lecture de ce beau livre, demeurent à découvrir par soi-même en lisant l’autrice.
« Nous espérons que la lecture de ce recueil, dans l’ordre ou le désordre, intégrale ou partielle, sera l’occasion pour vous de cueillir les fruits de l’œuvre de Le Guin : la beauté, l’intelligence et la sagesse », invite David Meulemans. N’y a-t-il pas là de meilleure cueillette ? Ces fruits d’humanité offerts par Ursula Le Guin, qui reposeront dans votre bibliothèque pour être redécouverts ou partagés, revêtent une forme d’éternité. Le travail d’anthologie pour les rassembler un seul ouvrage cohérent, profond, mais accessible, est admirable.
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