En nous emmenant jusqu’aux jardins de Babylone, Les Éternels nous fait voyager dans des paysages anciens et actuels à couper le souffle. Mais l’écriture banale et des enjeux modérément passionnants font perdre au trajet de sa saveur. Chloé Zhao livre un film super-héroïque esthétiquement réussi, mais qui décolle trop difficilement.
Ce nouveau film, l’un des premiers de la phase 4 Marvel (après Black Widow et Shang-Chi), sortira en salles le 5 novembre 2021.
Les Éternels est visuellement sublime
Chloé Zhao est la réalisatrice du poétique Nomadland et du poignant Les Chansons que mes frères m’ont apprises. Il ne fait aucun doute que son regard est venu sublimer l’esthétique de Marvel, nous offrant un film super-héroïque différent des autres dans son approche visuelle, ou même dans son rythme narratif.
Les Éternels n’hésite pas à miser sur une photographie contemplative, nous livrant des paysages à couper le souffle et des instants de calme. La sensation de grandeur est permanente — comme si le film se mettait à la hauteur de la temporalité de ses personnages. Chaque plan, même intimiste, laisse place à une certaine forme d’espace ouvert, étendu (une signature de Chloé Zhao). Dans les paysages du passé, tels que l’antique Babylone, la reconstitution est dépaysante et impressionnante de réalisme (bien que la caméra s’attarde assez peu dans l’exploration de ces lieux).
Il y a beaucoup de majesté dans Les Éternels. Esthétiquement, le film s’inscrit davantage dans la continuité historique de certains films de science-fiction (2001, Premier contact, Blade Runner, Insterstellar) que dans celle des comics. Les Éternels est très différent des autres œuvres Marvel — à aucun moment on ne se croirait devant les Avengers.
À cela, s’ajoute une bonne maîtrise du rythme de narration. L’arrivée d’une nouvelle équipe d’une petite dizaine de héros et d’héroïnes aurait pu être un maelström indigeste, ce n’est pas le cas : Les Éternels ne nous perd jamais vraiment et parvient à faire exister plutôt bien chaque personnage. Nous sommes bien loin de l’écriture introductive un peu paniquée de Justice League, par exemple. Lorsque le film manque de temps pour nous expliquer des éléments, des moments d’autodérision tirant parti de la complicité avec la salle permettent de faire passer quelques informations — par exemple lorsqu’un humain (Kit Harrington) prend étonnement bien le fait de sortir avec une femme de 7 000 ans et les éléments qu’elle lui fournit sur sa vie.
Le film est d’ailleurs porté par un casting qui semble avoir eu tout loisir de laisser parler son jeu d’acteur ou d’actrice. De Gemma Chan à Angelina Jolie, Kit Harrigton, Richard Madden et Salma Hayek, l’interprétation est à la hauteur.
Philosophie de comptoir
Hélas, la magnifique esthétique du film et son excellent casting tiennent le scénario à bout de bras. Ce n’est pas une mince affaire, car ce dernier ne vole pas haut. Les enjeux manquent tant d’originalité qu’ils en deviennent insipides. Cette faiblesse dans l’écriture est d’autant plus difficile à pardonner que le reste est réussi.
Bien évidemment, la fraîcheur super-héroïque nous maintient éveillés avec une énergie divertissante. Lorsqu’on aime l’univers Marvel, on prend plaisir, il n’y a pas de doute. Mais l’ensemble ne parvient jamais à passionner plus que cela. La vacuité de certains dialogues agace même parfois.
On décroche vraiment du film lorsque les dialogues tentent de devenir intelligents : la prétention du film à être grandiose ne colle pas avec son manque de profondeur. La morale de l’histoire tient en quelques mots : les humains sont méchants, mais ils peuvent aussi être gentils… alors la planète Terre ne mérite pas d’être détruite. À tout moment, on s’attend à ce qu’un personnage nous affirme — l’air grave, sourcils froncés, mains tremblantes — que la vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut la vie. À ce stade, on aurait presque préféré que les personnages se regardent sans rien se dire. Ou en faisant des blagues.
Car il faut concéder aux dialogues qu’ils excellent dans l’humour. Les Éternels ne s’annonçait absolument pas comme un film drôle, contrairement aux Gardiens de la galaxie qui se veut « bon délire ». Pourtant, l’œuvre de Chloé Zhao parvient à extorquer de nombreux rires à la salle avec un humour qui n’est pas lourdingue, mais simplement bien senti et qui mise, encore une fois, sur la forte complicité tissée avec l’auditoire. Peut-être que Les Éternels aurait dû davantage assumer ce second degré, cela aurait rendu son manque de profondeur plus facile à pardonner.
Les Éternels de Marvel est-il réussi ?
Les qualités du film super-héroïque de Chloe Zhao sont indéniables. Bien structuré, bien interprété, il trouve une place unique, esthétiquement, dans la filmographie Marvel. Mais l’on ne peut se départir d’un sentiment de déception en sortant de la salle : celui de ne pas avoir été marqué outre mesure par ce que nous raconte le film.
On aurait aimé que certaines scènes d’action trop typiques soient abandonnées pour accentuer l’esthétique épurée, et que l’approche scénaristique aboutisse à un propos un peu différent, plus profond, et pourquoi pas poétique. Le film reste réussi, et parvient à offrir une proposition super-héroïque originale. Les Éternels est peut-être même l’un des meilleurs Marvel. Mais cette démarche inaboutie nous empêche de l’affirmer. On a en effet du mal à évaluer vraiment place quelle place gardera finalement ce film, dans nos souvenirs cinématographiques.
Le verdict
The Eternals
On a aimé
- Chloe Zhao livre une esthétique à part entière pour un film Marvel
- L'humour fait mouche
- Malgré une grande équipe de personnages, la trame est maîtrisée
On a moins aimé
- Les dialogues profonds... ne sont vraiment pas profonds pour un sou...
- Les scènes d'action sont bien réalisées, mais restent très classiques
- L'écriture insuffisante
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