Les Éternels, au cinéma depuis le 5 novembre 2021, introduit une nouvelle équipe de personnages. Arrivés très tôt sur Terre pour protéger l’humanité en secret d’une menace, ils vont devoir à nouveau s’assembler à notre époque pour nous protéger de ce danger. Mis à part cette base, ce nouveau film Marvel ne ressemble pas tant que cela à un film Marvel — on ne se croirait à aucun moment devant les Avengers. Malgré cette originalité, la presse (américaine notamment) n’a pas été tendre avec Les Éternels : les notes ne volent pas toujours haut, beaucoup de critiques reprochent une œuvre trop creuse.
Notre critique Numerama du film se veut plus nuancée. S’il est vrai que le scénario sonne parfois creux, l’approche esthétique est sublime : Les Éternels est empreint d’une vraie majesté et la sensation de grandeur est permanente. Certains partis pris sont originaux, et il en résulte une œuvre tout à fait intéressante dans ses écarts avec le format super-héroïque habituel.
On doit ce travail visuel à la réalisatrice, Chloé Zhao. Celle-ci vient tout juste d’être oscarisée pour son film majeur, Nomadland, construit comme un récit de voyage. Pour comprendre son approche avec sa première réalisation chez Marvel, nous l’avons rencontrée.
« Raconter des histoires d’une manière allégorique »
Passer derrière la caméra d’un film comme Les Éternels n’a rien d’un hasard pour Chloé Zhao. « J’aime le manga, donc j’aime raconter des histoires dans le fantastique et la science-fiction. J’aime raconter des histoires d’une manière allégorique », nous explique la réalisatrice. Pour réaliser ce nouveau film, ses sources d’inspiration sont 2001 L’Odyssée de l’Espace, Interstellar, ou encore les films de Denis Villeneuve : Blade Runner 2049, Premier Contact, Dune. Elle cite également Akira avec insistance : « Je me rappelle, quand je l’ai regardé pour la première fois, cela m’a donné envie de raconter des histoires de science-fiction. »
De prime abord, on pourrait penser que les précédents films de Chloé Zhao n’ont rien à voir avec la SF — ils s’inscrivent plutôt dans les récits de voyage type western. Mais ce serait avoir un a priori un peu rapide. Car il y a un point commun majeur entre les récits de voyage (comme Nomadland) et la SF. Un voyage permet de quitter notre lieu d’origine pour nous trouver, comprendre qui l’on est. Dans la SF, un monde du futur ou un monde parallèle permet de parler de notre société, ici et maintenant. Dans les deux genres, la démarche est de quitter un lieu ou une époque pour mieux en parler.
C’est aussi l’avis de Chloé Zhao : « Je pense que les genres western et SF ont beaucoup de points communs », nous confie-t-elle. « Le genre western parle d’explorer ce qu’il y a au-delà de l’horizon, l’inconnu. La science-fiction est axée sur l’inconnu dans le ciel, sur le désir de l’humanité de s’étendre. C’est presque comme une destinée manifeste : on se sent destinés à aller à tel endroit. Et une fois arrivés sur place, vous pouvez mieux comprendre qui vous êtes. C’est la même chose avec la genre SF. »
« Tout cela questionne où va l’humanité »
Puisque la démarche de la réalisatrice est similaire, que ce soit avec Nomadland ou Les Éternels, qu’il y ait des superpouvoirs ou non, que ce soit un voyage ou de la SF, le sujet de la réalisatrice demeure-t-il aussi le même ? Parvient-elle toujours autant à parler de ce qui lui tient tant à coeur : l’humain ? « Peut-être même encore davantage ! », répond Chloé Zhao auprès de Numerama.
Ce n’est pas un hasard. Les plus grandes œuvres de SF, du cinéma à la littérature, ont souvent ce côté anthropologique. Mais au lieu d’explorer qui nous sommes grâce à des fouilles archéologiques, historiques, ou avec des études scientifiques, cela se passe par des terres imaginaires.
Chloé Zhao nous affirme d’ailleurs que cette exploration humaine explique la dimension que prend aujourd’hui le cinéma SF. « Je pense que la montée de la science-fiction récemment provient de notre anxiété collective sur ce qu’il y a dans l’espace, notre relation avec les technologies, avec la mortalité, les robots et les IA. Tout cela questionne où va l’humanité. Je pense que c’est pour cela qu’on aime les films de SF. Cela nous aide à explorer cela. »
La réalisatrice ajoute : « Si vous pensez aux technologies, et combien elles nous ont changés ces vingt dernières années, avec Internet. Si vous pensez à l’anxiété envers la possibilité d’une Singularité [ dépassement des humains par les IA]… ce qu’on explore dans la SF, c’est ce que nous sommes aujourd’hui, en tant que peuple humain ».
L’impact d’Arthur C. Clarke sur Chloé Zhao
Si Chloé Zhao mentionne généralement ses références cinématographiques, elle confie également à Numerama que l’une de sa plus grande source d’inspiration pour Les Éternels est à trouver dans la littérature SF. « Quand je faisais Les Éternels, je lisais ‘3001 L’Odyssée finale’. Je ne sais pas si vous l’avez lu, mais c’est génial ! », nous dit-elle. Ce roman, écrit par Arthur C. Clarke, est le quatrième et dernier tome de la saga qui a commencé avec 2001 L’Odyssée de l’espace. Mais contrairement au premier tome, 2001, celui-ci n’a pas été adapté au cinéma.
« Ce livre est très axé sur l’espèce qui a fabriqué les monolithes dans ‘2001’. Et cela suggère que les êtres les plus technologiquement avancés dans l’Univers ont existé dans une forme minérale, dans l’espace. C’était une inspiration pour moi dans la conception d’Arishem [l’être céleste dans Les Éternels] dans une forme minérale », nous explique la réalisatrice. « Si l’on prend le Domo, le vaisseau des Éternels, nous n’y avons pas mis des laboratoires, des câbles, ou des ordinateurs, parce que c’est bien plus avancé que la technologie que nous connaissons. »
Pour Chloé Zhao, « cela suggère que la technologie la plus avancée est ce qui se rapproche le plus à la nature. Les deux deviennent semblables. C’est pourquoi je pense que la SF qui m’attire explore cela. »
Le film va-t-il au bout de la démarche science-fictive ?
À entendre parler Chloé Zhao de sa démarche, on comprend mieux les points forts du film et ses aspects moins aboutis. Les Éternels n’a pas été au bout de sa démarche science-fictive, raison pour laquelle le propos semble un peu creux par moments.
Cela étant, l’esthétique sublime et certaines idées originales en font un beau film. Et une œuvre qui a, par ailleurs, le mérite d’essayer de proposer une approche super-héroïque différente des autres.
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