Des films qui sortent beaucoup plus rapidement sur Netflix, Amazon Prime Video ou Disney+ après avoir été projetés dans les salles de cinéma ? C’est la perspective qui est en train de se dessiner en France. Dans son édition du 2 décembre, le journal Les Échos fait état de plusieurs avancées substantielles concernant la chronologie des médias. Les services de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) pourraient tirer leur épingle du jeu et être bien mieux lotis qu’aujourd’hui.
Pour qui n’est pas très au fait de la chronologie des médias, il s’agit d’un mécanisme qui structure la diffusion des films après leur exploitation en salle. L’un après l’autre, les modes d’exploitation se succèdent (sortie en DVD et en Blu-Ray, télévision payante, télévision gratuite, vidéo à la demande par abonnement, etc.) et cela sur plusieurs mois. Il peut y avoir des subtilités : par exemple, un film faisant peu d’entrées peut sortir plus vite. Une chaîne qui finance le cinéma peut avoir une meilleure place.
La dernière révision de la chronologie des médias est en vigueur depuis fin 2018 et sa durée de validité est de trois ans. Autrement dit, il est plus que temps d’y revenir, puisque 2022 arrive à grands pas. Le problème, c’est qu’il est très difficile de trouver un accord qui convienne à tout le monde, et cela alors que les usages du public changent, du fait notamment de la SVOD : tout le monde essaie d’avoir une bonne place, la plus exclusive possible, car il y a des enjeux financiers considérables.
Canal+ diffuserait 6 mois après la salle, la SVOD 15 mois après
Dans ce cadre, un accord semble émerger avec plusieurs fenêtres d’exploitation qui vont manifestement évoluer à partir de 2022. Canal+, qui peut aujourd’hui diffuser un film huit mois après son exploitation en salle (ou six mois s’il fait moins de 100 000 entrées), doit bénéficier d’un nouveau créneau, plus rapproché. La chronologie des médias actualisée prévoit, selon Les Échos, une fenêtre s’ouvrant dès six mois. À cela s’ajoute une période d’exclusivité de neuf mois.
Du côté des géants de la SVOD, la nouvelle fenêtre qui est avancée prévoit une diffusion possible à peine quinze mois après la sortie en salle (c’est-à-dire juste après la période d’exclusivité de Canal+). C’est nettement plus court que le régime actuel, qui prévoit trois types de fenêtres selon le degré d’investissement des plateformes de streaming payantes dans le financement du cinéma (17, 30 ou 36 mois). Dans les faits, les Netflix, Amazon Prime Video et Disney+ étaient placés assez loin.
Ce repositionnement très avantageux des géants du streaming dans la chronologie des médias n’est pas qu’une fleur accordée à des services dans l’air du temps. C’est aussi parce que la législation européenne s’est ajustée avec l’arrivée de la directive SMA (services de médias audiovisuels) qui prévoit que ces plateformes participent au financement de la création française et européenne. Le journal évoque un fléchage favorable au cinéma français de 50 à 80 millions d’euros par an.
Comme les services de vidéo à la demande par abonnement commencent à verser des euros au septième art, il n’est plus possible de les rejeter aussi loin dans la chronologie des médias. Pendant un temps, il a été envisagé de permettre aux sites de SVOD de diffuser les films à peine douze mois après leur sortie en salle, mais cette piste n’a pas été retenue. Ce scénario, raconte le quotidien, était avant tout un levier pour mettre la pression dans le cadre des négociations avec Canal+.
Alors qu’il ne reste que quelques semaines pour trouver un accord, une question demeure : quid des chaînes gratuites ? Les chaînes comme TF1, France Télévisions et M6 ont accès à une fenêtre qui est de 22 ou 30 mois, selon les cas de figure. Elles pourraient se retrouver après la diffusion SVOD ou, au mieux, à diffuser les films en même temps que Netflix, Disney+ ou Amazon Prime Video. Or, celles-ci contribuent aussi au financement du cinéma.
Pour surmonter le problème, et éviter une fronde des chaînes de télévision, peut-être sera-t-il mis dans la balance le dossier de fusion entre TF1 et M6. En clair, le processus pourrait « mieux se passer » si les deux chaînes privées mettent en sourdine leurs critiques ou acceptent une fenêtre de diffusion certes améliorée, mais pas forcément meilleure que celle des géants de la SVOD. Quant à France Télévisions, étant une émanation du service public, elle pourrait être accommodante.
Ces enjeux, cruciaux pour le financement du cinéma français, mais aussi pour le succès de certaines grandes chaînes de télévision (à commencer par Canal+, dont le volet cinéma est l’une des grandes forces, avec le sport), vont en tout cas faire les affaires du public. Pour lui, qu’importe les batailles qui se jouent entre acteurs français ou américains : il va pouvoir accéder à des films à la télévision et en SVOD a priori beaucoup plus vite. Plus besoin de devoir patienter trois ans. Ou de s’en remettre au piratage.
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