C’est un autre front dans le paysage audiovisuel et cinématographique, moins visible que le très médiatique sujet de la chronologie des médias. Il concerne le financement de la création en France par les grandes plateformes de vidéos étrangères. Et justement, les lignes viennent de bouger, avec de nouvelles règles du jeu pour les géants de la SVOD.
De façon très concrète, les services de vidéo à la demande par abonnement vont désormais réserver 20 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France à la production audiovisuelle et cinématographique, au niveau hexagonal et au niveau européen. Sur ce volume, 80 % ira à l’audiovisuel, tandis que les 20 % restants seront fléchés en direction du septième art.
Netflix, Amazon, Disney, Apple… et bientôt HBO Max ?
Quatre poids lourds de la SVOD sont concernés par ce dispositif : Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ et Apple TV+. Mais selon le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui deviendra au 1er janvier 2022 l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) une fois achevée la fusion avec la Hadopi, cinq autres seront concernés.
Toutes ces plateformes ont pour particularité d’avoir un établissement au sein d’un État membre de l’Union européenne et de proposer un catalogue pour le marché français. Cette situation a de fait posé la question de leur contribution à la création, compte tenu de la nature de leur activité, du public auquel elles s’adressent et de l’exploitation d’œuvres françaises et européennes.
« Jusqu’à présent, seuls les éditeurs nationaux étaient tenus de contribuer au système de financement de la création », note le CSA. C’est toujours le cas. Les chaînes de télévision que sont TF1, M6, France Télévisions et Canal+ dégagent chaque année près de 1,1 milliard d’euros pour l’industrie. Un chiffre qui, selon Le Monde, n’a pas significativement bougé depuis dix ans.
« Dans un contexte de mutation profonde de l’offre audiovisuelle, […] ces conventions et notifications confirment l’inscription concrète de grands acteurs internationaux dans l’industrie audiovisuelle et cinématographique. Cette étape constitue une avancée remarquable pour le modèle culturel français et européen. »
Selon les calculs du CSA, partagés le 9 décembre 2021, la contribution de ces neuf plateformes permettra d’orienter entre 250 et 300 millions d’euros chaque année vers la production française. Ce montant est susceptible d’évoluer à la hausse avec l’entrée en lice d’autres plateformes. On pense évidemment à HBO Max, qui est plus une question de « quand » que de « si ».
Ces nouvelles règles du jeu ne sont pas si récentes, mais leur application, elle, l’est. En fait, tout découle de l’évolution de la législation européenne, avec la directive SMA (services de médias audiovisuels) qui exige de ces services qu’ils participent au financement de la création. En juillet 2021, le décret SMAD (services de médias audiovisuels à la demande) a fini de transposer la directive européenne dans le droit français.
La participation des plateformes de SVOD au financement de la création témoigne de façon éclatante du poids considérable que ce mode d’accès aux œuvres a pris en une dizaine d’années. Ce sont aujourd’hui des millions de Françaises et de Français qui fréquentent ces plateformes, parfois en cumulant les abonnements (et en se passant les mots de passe en toute discrétion).
Une nouvelle chronologie des médias pour la SVOD… mais laquelle ?
Le bon respect de ces nouvelles règles reste toutefois indirectement lié à la question de la chronologie des médias. On sait qu’une révision de ce dispositif est en cours et qu’elle doit être achevée pour février 2022. Or, des lignes de fracture sont déjà en train de se créer dans le futur édifice : ce qui est en jeu, c’est la place de Netflix, Disney+ et Amazon Prime Video dans la nouvelle chronologie.
Canal+, qui reste un rouage majeur du financement du cinéma, ne veut pas que ces plateformes bénéficient d’une fenêtre trop avantageuse et donc trop proche de la sienne. Canal+ souhaite diffuser des films six mois après leur sortie en salles et se garder une période de neuf mois d’exclusivité. Ce faisant, la SVOD se retrouverait sur une fenêtre de quinze mois après la projection au cinéma.
C’est certes beaucoup mieux que la situation actuelle (trente-six mois !), mais les sites de vidéo à la demande par abonnement, et en particulier Netflix, voudraient plutôt avoir une fenêtre de douze mois, en arguant du fait qu’ils vont maintenant déverser beaucoup d’argent dans la production française — même si le cinéma aura la part minoritaire.
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