L’histoire bégaye. L’industrie du film avait déjà connu une guerre similaire et aurait dû apprendre la leçon, mais non. A la fin des années 1970, la cassette VHS qui a bercé notre enfance s’était en effet déjà opposée dans un conflit fratricide au Betamax de Sony. Ce dernier avait finalement perdu après plusieurs années de paralysie du marché, malgré les qualités intrinsèques de son format par rapport au format VHS de JVC.
En ce début d’années 2000, rebelotte, mais c’est cette fois Sony qui gagne contre son vieil allié Toshiba. Donnant tort à toutes les railleries (y compris les nôtres), le Japonais a démontré que sa stratégie basée sur la pénétration de la Playstation 3 dans les foyers était pertinente. Prenant le risque de tout perdre, Sony avait osé implanter une lentille Blu-Ray à peine mûre et très chère dans ses consoles de jeux, en axant sa communication davantage sur les capacités de cinéma HD de la PS3 que sur les jeux vidéo. « Trop chère », « trop en avance », « trop déphasée par rapport à la demande »… nous avons tout lu et tout écrit sur la Playstation 3 avant que Sony ne confirme, en fin d’année, la justesse de sa stratégie.
Fin 2008, le constructeur a dans le même temps abaissé de 200 euros le prix de sa console pour en assurer le succès commercial auprès du grand public, et convaincu les studios Warner de faire définitivement pencher la balance en sa faveur en abandonnant le HD DVD. Les deux évènements combinés ont achevé un Toshiba déjà fragilisé. Depuis, seule la date de la mort du format concurrent du Blu-Ray est inconnue. Elle pourrait se précipiter. L’annonce officielle pourrait même, selon certaines sources, intervenir dès cette semaine. Après cinq années d’opposition, Toshiba attendrait en fait de signer l’accord de Sony pour fabriquer à son tour des lecteurs Blu-Ray, et abandonner totalement les lecteurs HD DVD qu’il solde actuellement au plus grand dam des acheteurs qui n’auront bientôt plus rien à leur faire avaler.
Le coup de grâce est venu vendredi de Wal-Mart, le géant de la grande distribution américain, qui a annoncé suspendre progressivement la commercialisation des appareils et disques HD DVD d’ici au mois de juin. Sans Wal-Mart, le HD DVD n’a aucune chance de s’imposer. Mais il n’en avait déjà plus aucune.
La bourse, en tout cas, malgré les coûts immédiats engendrés par l’arrêt du HD DVD (plusieurs centaines de milliers d’euros d’après la chaîne publique japonaise NHK), a salué la rumeur. Le titre s’apprécie lundi de 5,74 % au Tokyo Stock Exchange à l’heure où nous publions cet article, aidé par les prévisions du cabinet JP Morgan, qui estime que l’arrêt du HD DVD pourrait permettre à Toshiba d’économiser 280 millions de dollars en frais marketing. Dans son ensemble, le secteur high-tech devrait bénéficier de cette fin de guerre, qui va enfin permettre aux consommateurs de ne plus hésiter entre l’un et l’autre format, ce qui a jusque là fortemment gelé la progression de la haute définition. Mais c’est une mauvaise pour la concurrence, qui a tout de même fait chuter en un an le prix des lecteurs HD… mais pas des films, qui restent toujours aussi chers et souvent inabordables en cette période de crise du pouvoir d’achat. Pour lutter contre le piratage, il faudra sans doute que les studios révisent à la baisse leurs prétentions. Car après la guerre entre les formats, celle contre l’offre pirate restera comme de tradition la plus difficile à mener.
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