La trilogie Matrix pourrait se résumer ainsi : un immense chef-d’œuvre qui a contaminé le genre action pendant des années, une suite passable qui a dilapidé tout ou partie de son budget dans une course-poursuite (il est vrai, dantesque) et une conclusion moins ratée qu’on ne pourrait le croire (revoyez Matrix Revolutions, vous verrez que c’est mieux que dans vos souvenirs).
On croyait l’histoire de Neo terminée une bonne fois pour toutes — poussant les observateurs à se demander ce qui a poussé Warner Bros. à relancer la machine avec Matrix Resurrections, 18 ans après.
Hélas, à la question du pourquoi, la réalisatrice Lana Wachowski peine vraiment à apporter une réponse concrète. Elle pourrait même se transformer en à quoi bon, face au spectacle tiède proposé par Matrix Resurrections, qui ne cesse de tenter de se justifier, sans vraiment y parvenir. Et peine ainsi à aller au-delà de la remise en question — indispensable au regard des nombreuses années qui se sont écoulées depuis la sortie du premier film. Notre critique sans spoiler.
L’absence d’un vrai enjeu pénalise Matrix 4
Matrix Resurrections démarre par une mise en abîme presque hilarante. On y voit un moyen malin de s’interroger sur son intérêt et la place que peut occuper la saga dans le paysage cinématographique d’aujourd’hui, qui a tant changé depuis le Matrix de 1999. « Matrix, c’est de la philo en latex moulant », lâchera même un personnage, qui brise le quatrième mur dans un cynisme encourageant. On est d’abord intrigué et enthousiasmé par cette propension à jouer la carte de l’autodérision, avant de vite tomber dans le découragement une fois que le sérieux reprend ses droits.
« Matrix, c’est de la philo en latex moulant »
Un perso de Matrix Resurrections
Le principal problème de Matrix Resurrections tient dans la fin — ouverte mais pas trop — de Matrix Revolutions. Petit rappel des faits : Trinity meurt, Neo se sacrifie pour détruire l’Agent Smith et obtenir la paix entre les Machines et les habitants de Zion (dernier bastion de l’Humanité dans le monde réel). De là, les humains se retrouvent devant un choix : rester dans la Matrice ou en sortir. Et Lana Wachowski n’a pas vraiment su trouver une piste intelligente pour rebondir, si ce n’est se rattacher, avec une facilité trop assumée, à ses figures christiques et indestructibles (Neo et Trinity).
Par conséquent, Matrix Resurrections noie l’absence d’un vrai enjeu dans des scènes flashbacks qui font écho à un glorieux passé, comme autant de ficelles auxquelles maladroitement se rattacher.
Pire, le manque de tissu narratif force ce nouvel opus à tomber dans le recyclage (les flashbacks, mais pas que) et les explications tarabiscotées, jusqu’à s’asseoir sur la cohérence des événements passés. Matrix Resurrections veut parfois se réinventer, mais n’y va pas suffisamment franco pour qu’on y croit vraiment. Il cherche un élan nouveau, mais se repose un peu trop sur ses vieilles branches — fragiles.
Il mise alors sur l’alchimie naturelle entre Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss, duo en apparence fatigué (mais juste en apparence) qui éclipse totalement la nouvelle génération (Jessica Henwick, alias Bugs, mériterait bien plus de considération). La réunion, si touchante soit-elle par moment, ne fait pas un film. D’autant qu’on ne peut pas exiger de Keanu Reeves d’aller trop loin dans l’émotion (la vraie faille de la Matrice).
Matrix 4 est un héritier bancal
Il faut par ailleurs se souvenir de la claque qu’avait été le premier Matrix à l’époque de sa sortie — du jamais vu. Avec les moyens technologiques d’aujourd’hui, Matrix Resurrections aurait pu être un digne héritier, l’opportunité pour Lana Wachowski de se remettre elle-aussi en question pour rappeler aux yeux de tous sa science de la réalisation. Là encore, on ne retrouve jamais la maestria d’antan. Vous vous souvenez du combat dans la demeure du Mérovingien (Matrix Reloaded) ? Il était lisible et parfaitement chorégraphié. Aucun affrontement de Matrix Resurrections ne se hisse à son niveau.
L’impression que le film renie ses origines
En termes de mise en scène et de cadrage, hormis quelques effets Bullet Time retravaillés, on a presque l’impression que le film est proche de renier ses origines. L’action finit par tomber dans le tape-à-l’œil brouillon, sans l’élégance qui faisait l’essence des Matrix, voire le mauvais goût (la course-poursuite façon apocalypse de zombies). Matrix Resurrections a privilégié les mots-clés à la forme, oubliant que ses prédécesseurs se sont davantage épanouis dans l’action, entre deux punchlines bien senties. Ici, elle est beaucoup trop étriquée.
C’est finalement à se demander qui est vraiment le public de Matrix Resurrections ? Les fans de la première heure regretteront l’outrage, quand les autres ne comprendront pas grand-chose au voyage. Entre les deux, il y en aura certains pour crier au génie, se cachant derrière les envolées méta et les quelques élans de romantisme. « Matrix, c’est de la philo en latex moulant », qu’ils disaient, ou de la masturbation intellectuelle en plus familier.
Le verdict
Matrix Resurrections
Voir la ficheOn a aimé
- Le duo formé par Trinity et Neo
- Jessica Henwick
- L’autodérision de la première demi-heure
On a moins aimé
- Aucun vrai enjeu
- On attendait un miracle de la réalisation
- Raccords scénaristiques tarabiscotés
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