À nouveau produite par les créateurs de Black Mirror, la suite du faux-documentaire Mort à 2020 est aussi ennuyeuse que fatigante. Où quelques réflexions cinglantes se retrouvent noyées dans un tsunami de blagues potaches, critiques bas du front de la vie politique américaine et obsessions pour les séries Netflix. Se regarder le nombril n’a jamais été aussi pénible. Et pourtant, on a vécu 2021.

D’habitude, une impression de déjà-vu peut provoquer un vertige légèrement grisant, un certain plaisir à froncer les sourcils en s’interrogeant sur cette sensation de familière étrangeté. Lorsque le carton de fin s’abat sur Mort à 2021, une seule émotion nous envahit pourtant : le dégoût. Saupoudré d’une pointe de colère.

Le faux documentaire mis en ligne par Netflix le 29 décembre se paie le luxe d’incarner à la fois tout ce qui va mal à l’ère covidienne avec un quasi-premier degré repoussant, mais aussi dans une industrie culturelle hollywodienne qui compte plus sur ses reboots et sequels que sur ses idées originales.

Mort à 2021 est une suite, donc, celle de Mort à 2020 (logique arithmétique imparable), le film satirique qui avait su nous surprendre à la fin de l’année précédente avec une représentation clairvoyante des quelques mois qui avaient fait basculer la planète, restée hagarde dans un tourbillon de panique sanitaire.

À l’époque, on jugeait que son sous-titre officieux aurait pu être : « C’est drôle, parce que c’est vrai ». Pour ce nouveau volet, on pourrait sans mal renverser l’affirmation : ce n’est pas drôle, parce que c’est vrai. Mais aussi : ce n’est pas drôle, parce que l’écriture a été bâclée. Ou encore : ce n’est pas drôle, car c’est exactement la même chose, en moins bien.

Les personnages de Mort à 2021 sont des caricatures de caricatures

Où l’on retrouve quasiment les mêmes protagonistes, déchus de leurs nuances, devenus de vulgaires caricatures de caricatures. La mère au foyer raciste est désormais bien sûr antivax (et a participé à l’invasion du Capitole), le professeur anglais acerbe n’est plus qu’un vieil idiot dont le journaliste se moque à répétition. L’influenceur ? Un petit con qui teste un vaccin « fait maison » en direct sur YouTube.

Seul William Jackson Harper se démarque, en patron de réseau social illuminé, défendant la « liberté » des utilisateurs de préférer les fausses informations aux faits, même si ça les pousse vers la mort. « Vérité et mensonges ne sont que des flux de données contraires », rationalise-t-il, avant d’enchaîner : « Nous avons réalisé que maintenir les utilisateurs dans un état constant de rage sans limite permet de les garder engagés, et s’ils sont engagés, c’est sûrement qu’ils s’amusent, même s’ils sont désespérément malheureux ! »

William Jackson Harper dans Mort à 2021  // Source : Netflix
William Jackson Harper dans Mort à 2021 // Source : Netflix

Quand Netflix se regarde le nombril

Cette propension à l’exagération incisive comme outil satirique se fait malheureusement bien trop rare dans le nouveau mockumentaire. Mort à 2021 n’est en fait obsédé que par deux choses : la politique américaine et Netflix.

Joe Biden, qui a pris les pouvoirs en début d’année, y est dépeint comme un politique fantôme : le narrateur multiplie les boutades sur son âge avancé et son manque de charisme, comme si les quatre dernières années passées à commenter la moindre respiration d’un leader gesticulant ne nous avaient rien appris.

Puis vient l’année 2021 vue par le prisme culturel, ou plutôt, comment Netflix place Netflix au centre du monde. En dehors de quelques minutes dédiées à l’événement James Bond, Mort à 2021 ne parle que des shows de la plateforme de SVOD… qui le produit en exclusivité. Ça alors. « Le premier succès de l’année est Bridgerton », assène la voix-off, et si vous n’êtes pas d’accord, c’est pareil. « J’ai bingé la série d’une seule traite », nous dit un autre personnage, omettant de préciser que le seul mérite de cette production avilissante fut de nous faire oublier une année 2020 cruelle et éreintante.

Une des vignettes de "Mort à 2021" qui fait référence à Squid Game // Source : Netflix
Une des vignettes de « Mort à 2021 » sur la plateforme Netflix, qui fait référence à « Squid Game », de Netflix // Source : Netflix

Mais comme le dit le faux-documentaire lui-même, « 2021 est l’année qui ferait passer 2020 pour un simple prologue », sans réaliser qu’il en est lui-même le pire exemple. Surtout lorsqu’il s’épanche ensuite sur le succès de Squid Game, autre série Netflix ultra-populaire (et pourtant malaisante à souhait) dépeinte comme une critique acerbe du capitalisme qui aurait engendré des partages de « mèmes hilarants » sur les réseaux sociaux.

Nous laisserons les lecteurs et lectrices juges du degré d’hilarité provoqué par des situations comme : «Quand tu veux quitter ton job mais que tu veux quand même ton bonus ». Ah, oui, beaucoup d’argent. D’accord.

job quit netflix

On ressort de ces 59 minutes essorés par tant de répétitions, de longueurs et de blagues potaches étirées (on ne s’est toujours par remis de l’Anglaise un peu simple d’esprit qui assure que sa mère n’a jamais fait l’amour de sa vie) (ah, l’humour, c’est drôle). Mais on finit surtout accablés par tant d’amertume.

Il était déjà difficile, l’an dernier, de réussir à rire d’une parodie si proche de notre monde. Mort à 2021 pousse le cynisme à son paroxysme et asphyxie ses spectateurs déjà au bord du gouffre, dopés depuis deux ans aux notifications push, stimulés par des courbes-qui-repartent-à-la-hausse et noyés sous les acronymes PCRSARSCOVFFP2.

Quitte à se faire du mal en contemplant les malheurs du monde, autant regarder quotidiennement la sélection de VU de France TV, au moins, c’est intelligent.

Et pour la catharsis, on repassera.

Le verdict

Capture d'écran de Mort à 2021  // Source : Netflix
3/10

Mort à 2021

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Rarement un film aura aussi bien incarné ce qu’il cherche à dénoncer : une fatigue monumentale face à un objet aussi décevant qu’ennuyeux. La suite du faux-documentaire Mort à 2020 sur Netflix réchauffe ses gimmicks avec beaucoup moins de malice, et beaucoup plus de lourdeur. C’est à se demander si les scénaristes ne mériteraient pas, eux aussi, de se reposer un peu. Comme nous.
Source : Montage Numerama

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