8 ou 9 ? Cette hésitation m’a parcouru pendant la petite trentaine d’heures m’ayant permis de voir le bout d’Horizon Forbidden West. Et je ne sais toujours pas si l’aventure, souvent époustouflante, mérite un 9 sur 10, ou si les quelques défauts qui l’inhibent font descendre la note à 8 sur 10. Une chose est sûre : Guerrilla Games a abattu un travail de titan pour offrir à Aloy une suite à la hauteur de l’héroïne qu’elle est devenue. Le studio livre un contrepied assez intéressant sur la manière de construire une expérience en monde ouvert, en privilégiant les à-côtés pour parfaire un univers assommant — dans le bon sens du terme.
Disponible sur PlayStation 5 et PlayStation 4 à compter du 18 février 2022, Forbidden Forbidden West reprend là où Horizon Zero Dawn s’est arrêté. Dans un futur devenu une préhistoire technologique, la terre est en train de mourir, et Aloy doit trouver un moyen de la sauver en retrouvant une copie de Gaïa — une super intelligence artificielle dont il faudra restaurer les fonctionnalités principales. Pour cela, elle sera dans l’obligation de se rendre à l’Ouest, en traversant une frontière basée sur un accord fragile. Voilà pour le socle.
Horizon mériterait un meilleur gameplay
Commençons par les points qui fâchent. Comme on pouvait le craindre en raison de son statut d’exclusivité à cheval sur deux générations, le gameplay, d’une richesse incroyable, évolue peu et reste paralysé par quelques défauts — qu’on trouvait déjà dans Horizon Zero Dawn. La majorité du temps, Horizon Forbidden West est un rêve éveillé, un appel vers une folle épopée portée par une direction artistique à tomber et des envolées musicales envoutantes. Puis, il arrive que la réalité nous rattrape, avec une prise en main qu’on qualifiera au mieux de version 1.5 (la faute au statut cross-gen ?). On retient deux rappels à l’ordre : les combats contre les humains et les phases de plateforme (grimper, sauter…).
La majorité du temps, Horizon Forbidden West est un rêve éveillé
On n’a jamais envie de se battre contre des humains dans Horizon Forbidden West. Jamais. Ces affrontements, parfois indispensables, tranchent avec la chasse qui s’installe quand on croise un robot mécanique. D’un côté, c’est d’un basique pénible, de l’autre, d’une intelligence et d’une profondeur enrichissantes. Malheureusement, Guerrilla Games n’a pas pu peaufiner toutes les facettes du gameplay et l’action en pâtit. La faute est partagée entre un manque cruel d’options pour se défendre au corps-à-corps (exemple : aucune parade) et les approximations qui font apparaître des limites dès lors qu’on sort la loupe. Horizon Forbidden West n’est pas fait pour les affrontements de proximité.
A contrario, terrasser un dinosaure est encore plus grisant. Il y a ce côté David contre Goliath qui apporte un vrai sentiment d’accomplissement, basé sur l’obligation d’analyser la situation puis de s’adapter en temps réel à ce qui se passe. En prime, Horizon Forbidden West s’appuie sur un bestiaire encore plus varié : serpents géants, crocodiles, kangourous, taureaux, mammouths… Chacun de ces ennemis, souvent effrayants, a ses forces et faiblesses qu’il faut exploiter pour ne pas passer de vie à trépas. Afin de symboliser la montée en puissance d’Aloy, Guerrilla Games intègre des nouvelles aptitudes qui permettent de personnaliser un peu plus son approche, qu’elle soit furtive ou plus frontale. En parallèle, on peut toujours choisir avec soin l’équipement d’Aloy.
L’autre sujet qui fâche concerne ces moments où Aloy doit se hisser vers des hauteurs. Si Guerrilla Games s’est efforcé de rendre les sessions d’escalade les plus naturelles possibles, force est de constater qu’elles se heurtent à un moteur physique trop approximatif. Il arrive que les mouvements d’Aloy soient comme saccadés, sinon hésitants. Et les conséquences n’en deviennent que plus agaçantes : parfois, l’héroïne loupe un saut, fait du surplace ou se bloque dans un décor, comme si elle n’était pas tout à fait maîtresse de son corps. Ces quelques errements paralysent — un peu — l’immersion, pourtant irréprochable sur tous les autres éléments qui la composent. Pour autant, n’allez pas croire qu’Horizon Forbidden West est injouable. Son gameplay est simplement loin d’être irréprochable : il amène du brouillon dans un écrin d’or.
Un travail incroyable sur la narration
Du début à la fin, on sent que Horizon Forbidden West est parcouru par l’envie d’exploiter sa puissance narrative. Ainsi, tout est prétexte pour raconter une histoire et étendre un univers exotique. Mais, là encore, il y une scission entre l’arc principal et tout ce qui est annexe. D’un côté, on a une histoire finalement assez quelconque. Elle souffre, comme tant d’autres avant elles, de la structure ouverte. Cette construction empêche malheureusement de tenir en haleine pendant de nombreuses heures, sans tomber dans certains raccourcis ou rebondissements sortis d’un peu nulle part. Horizon Forbidden West ne pêche pas dans le rythme, plutôt dans cette propension à s’éparpiller, multipliant les sous-intrigues qui se diluent et s’oublient.
Encyclopédie en monde ouvert
De l’autre, il est impératif de souligner l’incroyable travail d’écriture appliqué aux quêtes secondaires, voire aux tâches plus mineures. C’est vraiment dans tout ce qui est périphérique que Horizon Forbidden West s’épanouit le plus. Le jeu sait délaisser l’épique, mais nécessaire quête d’Aloy pour aller un peu plus loin dans l’intime et, surtout, explorer son lore d’une richesse insoupçonnée. Vous n’imaginez pas la manière avec laquelle Guerrilla Games fait honneur aux différentes tribus qui peuplent Horizon. Le studio offre l’opportunité de découvrir un ensemble de sous-cultures qui se tolèrent dans une cohérence effarante. Les dialogues sont tout à la fois longs et conséquents, mais participent à enrichir notre connaissance d’un monde inconnu.
Dans cette encyclopédie en monde ouvert, Aloy parvient à trouver sa place. Elle assume pleinement son statut d’héroïne, avec tout ce que cela implique en termes de conséquences pour sa vie personnelle. Il y a notamment la notion de solitude, aussi bien de son fait (elle pense être en mesure de tout gérer seule) que par la force des choses. « Je me retrouve toujours seule », admet-elle. Les scénaristes multiplient quand même les moments où elle ne l’est pas, toujours dans cette optique de pousser la narration dans ses retranchements grâce à des échanges verbaux. Finalement, pour atteindre la quasi-perfection, les développeurs n’ont plus qu’à supprimer les quelques relents poussiéreux, matérialisés par des points d’intérêt qui apparaissent sur la carte (ce qui rend l’exploration moins organique).
Visuellement, c’est sublime
Horizon Zero Dawn avait pour lui ses graphismes vertigineux, au service d’une des meilleures directions artistiques vues ces dernières années. Horizon Forbidden West reprend le flambeau sans jamais rechigner. C’est bien entendu sur PlayStation 5 qu’il vous décrochera littéralement la mâchoire, une fois le mode d’affichage dédié à la fidélité visuelle enclenché (l’option Performance, axée sur la fluidité, accouche d’un rendu un peu trop grossier).
À l’écran, c’est la densité de détails qui impressionne le plus. Au premier plan, la végétation est touffue et parcourue de multiples effets (particules, éclairages, climatiques). Malgré tout, la profondeur de champ s’étend à perte de vue. C’est tout simplement sublime et ce constat permet à Horizon Forbidden West de faire partie des plus beaux jeux disponibles sur la console, avec des arguments différents des autres vitrines (Demon’s Souls, Ratchet & Clank: Rift Apart).
Il y aussi la variété des biomes traversés qui subjugue. On sent que Guerrilla Games a voulu multiplier les ambiances, qu’elles soient colorées, désertiques, sombres voire sous-marines. En 30 heures (et plus si affinité), vous aurez l’occasion d’admirer des environnements diamétralement opposés, sans qu’aucun d’eux ne paraisse hors sujet. En outre, Horizon Forbidden West profite de l’architecture de la PlayStation 5 pour quasiment supprimer les temps de chargement. Ce faisant, non content d’être mirifique, le voyage est confortable avec une DualSense entre les mains (spoiler : la manette n’est pas beaucoup exploitée, hélas).
Enfin, vous risquez de tomber béat d’admiration devant les costumes des différents personnages croisés, qui participent à un véritable défilé de mode. Leur beauté sans pareil revêt deux intérêts : souligner le travail d’orfèvre des designers (la partie visuelle) et symboliser l’appropriation de codes liés à une tribu (la partie narrative). Voilà une autre preuve de la réussite créative d’un studio qui a passé du temps à façonner les différentes pierres d’un édifice, qui s’apparente à une véritable merveille du monde.
Le verdict
Horizon Forbidden West
Voir la ficheOn a aimé
- Oui, c’est beau
- Les combats contre les robots, toujours grisants
- On a envie de tout explorer
On a moins aimé
- Des couacs de gameplay fâcheux
- Intrigue principale qui souffre de la structure ouverte
- Le mode Performance décevant
Il y aurait tant à écrire sur Horizon Forbidden West, nouvelle épopée exclusive aux consoles de Sony qui permet à l’héroïne Aloy de parfaire son statut et à Guerrilla Games d’explorer toujours plus son univers incroyable. Solide grâce à ses acquis visuels d’une beauté difficile à contester, Horizon Forbidden West livre une vision intéressante de ce que peut être une expérience en monde ouvert.
Le studio a effectivement concentré ses efforts sur la partie annexe, afin de récompenser la curiosité de celles et ceux qui prendront le temps d’explorer dans un but quasi encyclopédique. C’est bluffant. Il est simplement dommage que ce travail titanesque de bâtisseur révèle des failles dans d’autres points essentiels, quelque peu bâclés, comme le gameplay et l’intrigue principale.
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