Une jeune femme court dans une forêt enneigée, apeurée, craignant manifestement pour sa vie. Et elle a bien raison, puisqu’elle tombe quelques minutes plus tard dans un piège fatal et sanglant. Bienvenue dans Yellowjackets, votre nouveau cauchemar, diffusé tous les jeudis sur Canal+ à partir de ce 3 mars 2022.
En 1996, un avion se crashe au milieu de nulle part. À son bord : une équipe de foot féminine censée disputer un championnat national dans quelques jours. Pour les survivantes de l’accident, commence alors une lutte pour leur survie, tandis que la forêt semble renfermer d’inquiétants cannibales… Puis, avance rapide pour échouer en 2021. Nous retrouvons plusieurs de ces adolescentes perdues, désormais adultes, après avoir passé 19 mois dans la nature. Ces rescapées semblent faire face à de sérieux troubles post-traumatiques, mais aussi à des tentatives de chantage pour dévoiler ce qui s’est réellement passé dans cette forêt, vingt-cinq ans plus tôt. Et ça ne semble pas être très joli.
Entre Twin Peaks, Lost et Dark
Ne vous méprenez pas en voyant les premières images de ce thriller, avec ces adolescentes joyeuses et sportives, arborant les couleurs de leur équipe : Yellowjackets ne ressemble pas aux teen series habituelles ni à aucune série tout court. Cette première saison puise dans l’Histoire du petit écran avec un appétit gourmand, mêlant les genres et les inspirations avec malice. Tour à tour chronique adolescente, récit paranormal, critique acerbe de la société et de son sexisme, survival horrifique ou drame psychologique oppressant, Yellowjackets multiplie les fausses pistes et étonne par son impossibilité à être mise dans une case.
Difficile donc de vous décrire son ambiance glauque et fascinante, tant elle est unique en son genre. On y retrouve évidemment une forte similitude avec le roman Sa majesté des mouches de William Golding, dans lequel de jeunes garçons anglais échouent sur une île déserte et cèdent à la sauvagerie. Mais les références sérielles de Yellowjackets sont, elles aussi, bien particulières : les personnages suivis sur plusieurs époques façon Dark, les visions surnaturelles à la Twin Peaks, le crash d’avion et ses mystères comme dans Lost, la description ironique de l’enfer adolescent à la manière de Veronica Mars… Ces clins d’œil prestigieux se mélangent à merveille pour créer une atmosphère très originale et déconcertante.
Si l’on frôle parfois l’overdose devant cet assemblage d’influences et de genres si différents, la série nous saisit par sa maîtrise et sa capacité à distiller l’horreur par petites touches. Outre-Atlantique, les spectateurs n’ont d’ailleurs pas manqué d’échafauder des théories farfelues, semaine après semaine, tant la résolution de certains éléments narratifs se fait désirer. Qui va mourir, qui va survivre ? La suite au prochain épisode.
Des personnages en dehors des cases
Mais ce qui captive le plus, dans Yellowjackets, c’est à n’en pas douter la qualité d’écriture de ses personnages. Comme dans de nombreuses teen series, chacune des lycéennes est aisément reconnaissable à première vue, grâce à une caractéristique principale. La timide Shauna vit ainsi dans l’ombre de sa meilleure amie, Jackie, la populaire et charismatique capitaine de l’équipe. On suit également la pragmatique Taissa, qui cache son homosexualité, l’intello Misty, rejetée par toutes ses coéquipières, ou la rebelle Natalie, adepte de sexe, drogue et rock’n’roll.
Mais on comprend très vite que ces adolescentes ne se laissent pas enfermer dans les cases qu’on leur a attribuées, tout comme la série en elle-même. Une mise en abyme magnétique, dans laquelle les protagonistes peuvent prendre toute leur ampleur. Chaque personnage possède ainsi une psychologie fouillée et multiple, loin des étiquettes que la société souhaiterait leur coller. La série aborde avec brio l’adolescence au féminin, le slut-shaming, la galère des premières fois ou le poids des injonctions. Le tout dans une ambiance vintage : les années 90 sont reconstituées avec une précision folle, nostalgique, presque chirurgicale.
Plus tard, dans leur vie adulte, ces quelques survivantes ont aussi dû se reconstruire comme elles le pouvaient, chacune à leur manière, après avoir vécu l’impensable. Yellowjackets raconte ainsi leurs failles, leur folie (auto)destructrice, leur difficulté à nouer des relations durables… La série dévoile de multiples façons de survivre à un trauma, sans jamais édulcorer la douleur ou la déception d’une vie adulte ennuyeuse. Toutes ces femmes restent coincées à vie, une part d’elle résidant dans cette forêt terrifiante, l’autre dans une vie familiale ou professionnelle devenue insupportable. Leurs états d’âme résonnent avec nos propres angoisses, renforçant la terreur ressentie devant la série.
Un travail d’orfèvre sur le casting
Pour incarner ces adolescentes et adultes, en proie à la folie et au doute, mais qui tentent de survivre malgré tout, Yellowjackets a misé sur l’un des meilleurs castings du petit écran. La ressemblance entre les jeunes actrices et leur version 2021 est simplement hallucinante. Les mimiques, les attitudes, les expressions, et même les voix : tout est si travaillé que le résultat est bluffant. Ce véritable travail d’orfèvre participe évidemment à notre attachement et notre identification à cette bande féminine.
Sophie Thatcher (Le livre de Boba Fett) et Juliette Lewis (Tueurs nés) partagent ainsi l’affiche pour incarner la tenace Natalie, Sophie Nélisse (La voleuse de livres) et Melanie Lynskey (Créatures célestes, Don’t Look Up) impressionnent par leur interprétation trouble de Shauna, tandis que Jasmin Savoy Brown (The Leftovers) et Tawny Cypress (Heroes), se complètent pour donner vie à Taissa, la terre-à-terre du groupe.
Mais il est impossible d’évoquer le casting sans donner une mention bien spéciale au duo Sammi Hanratty et Christina Ricci (Sleepy Hollow, Matrix Resurrections). Ensemble, elles composent le personnage de Misty, dont la dualité et la folie donnent des sueurs froides à elles seules.
Le crash d’une série ?
Bref, avec une interprétation de grande qualité, des personnages complexes, une musique flippante à souhait, et une ambiance unique teintée d’un humour satirique bienvenu, on dirait bien qu’on a tiré le gros lot, non ? Il est vrai que sous ses airs de teen serie, Yellowjackets a tout d’une grande et pourrait bien marquer le petit écran au fer rouge. Des scènes comme celle de l’accident d’avion, qui débute le second épisode, risquent de rester longtemps dans la mémoire des sériephiles.
Mais, il y a un mais. L’intrigue s’étire tellement en longueur que l’on manque parfois de croustillant à se mettre sous la dent. À la fin de cette première saison, de nombreuses questions restent sans réponse. Certes, c’est tout le principe d’une série et cela appelle évidemment à regarder la deuxième tournée, déjà annoncée par la chaîne Showtime. Mais on aurait aimé en voir davantage après ces dix épisodes d’une heure chacun, aux airs de longue saison d’introduction. Pour une série aux soupçons de cannibalisme, Yellowjackets nous laisse donc plutôt sur notre faim, pour le moment.
Yellowjackets est diffusée chaque jeudi, à 21h, sur Canal+. La première saison est déjà disponible en intégralité sur MyCanal.
Le verdict
Yellowjackets
Voir la ficheOn a aimé
- Le casting, impressionnant
- La scène du crash, inoubliable
- L’ambiance vintage des années 1990
- Les thématiques psychologiques
On a moins aimé
- L’épisode 9, un peu trop psychédélique
- La longueur des épisodes
- Trop de questions sans réponses
Après avoir fait sensation aux États-Unis, Yellowjackets était très attendue en France. C’est Canal+ qui a décidé de diffuser cet ovni, inclassable. Le pitch ressemble fort au roman Sa majesté des mouches, de William Golding, version girl power : l’avion d’une équipe de foot féminine s’écrase au milieu de nulle part, alors qu’elle devait participer à une compétition nationale. Perdues dans une nature sans merci en 1996, ces adolescentes vont devoir survivre, au risque de tomber dans la sauvagerie. Nous retrouvons quelques-unes de ces rescapées en 2021, alors qu’elles tentent toujours de se reconstruire après le drame. Yellowjackets fait bien honneur à sa réputation, avec un casting d’une grande qualité, des personnages attachants, et une atmosphère très originale. On est vite happés par ce récit adolescent, aussi horrifique que psychologique. Seuls la longueur des chapitres et un manque de résolution convaincante nous empêchent de mettre la note maximale à ces dix premiers épisodes. Mais nous pouvons parier que la seconde saison, déjà commandée, nous réservera bien des surprises.
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