C’est devenu un rituel pour des dizaines de milliers d’internautes : on prend une petite pause pour « faire son Wordle du jour », puis on retourne à ses occupations. Le jeu en ligne est pourtant plus critiqué depuis qu’il a été acquis par le New York Times pour un montant à 7 chiffres.
Au départ, certains s’inquiétaient de la difficulté des puzzles lettrés, supposément croissante depuis le rachat du jeu par le grand quotidien américain. C’est aujourd’hui une autre décision du New York Times qui pose question. Comme l’ont remarqué plusieurs joueuses et joueurs assidus ainsi que quelques médias anglophones, le média a fait fermer Wordle Archive début mars 2022, un jeu en ligne gratuit qui permettait de rattraper son retard sur les mots des jours précédents.
Wordle est un jeu à la temporalité rationalisée : chaque jour, vous devez deviner un seul mot. Il faut ensuite attendre 24 heures pour pouvoir en deviner un nouveau. Cela signifie qu’une partie dure entre deux et dix minutes, au maximum. Or, pour les accros du jeu, il est plus que frustrant de devoir patienter avant de pouvoir tenter à nouveau leur chance.
Les propriétaires du site Wordle Archive avaient donc décidé de sauvegarder tous les « mots du jour » de Wordle afin de permettre aux internautes de jouer aux précédentes énigmes. Problème : le New York Times, désormais propriétaire du jeu, n’a pas vu d’un bon œil le fait qu’un autre site utilise ses mots pour gagner du trafic.
Le 9 mars 2022, la page d’accueil de Wordle Archive affichait : « Malheureusement, le New York Times a demandé à ce que Wordle Archive soit mis hors ligne. Cependant, vous pouvez encore jouer à Wordle sur leur site officiel », peut-on lire sur la page d’accueil du site.
La décision du média américain a forcément été critiquée par des fans du jeu : « Wordle Archive ne vous faisait pas de mal, vous faites juste ça pour montrer votre puissance », notait un internaute. « Le site ne faisait pas de mal au New York Times, vu qu’ils reprenaient les mots du jour avec 48h de délai », jugeait un autre.
D’autres sites d’archives de Wordle ont également cessé d’agréger les précédentes grilles lettrées, comme cet autre Wordle Archive, bloqué au numéro 228 (soit il y a plus de 40 jours).
Le New York Times essuie plusieurs critiques
D’un point de vue de rentabilité pure et simple, il semble compréhensible que le New York Times soit motivé par une ambition capitaliste, après avoir déboursé à minima un million de dollars pour racheter Wordle à son créateur, Josh Wardle. Vu que Wordle est gratuit, le quotidien américain en tire surtout deux avantages : la notoriété et les audiences. Imaginez que des millions de personnes se connectent tous les jours à votre site internet, même l’espace de quelques minutes seulement : cela gonfle les statistiques mensuelles sans avoir à faire grand-chose. Or, si les internautes peuvent aller jouer ailleurs, le New York Times perd cet avantage.
Les critiques, au fond, font écho à un sentiment plus large, celui d’un « c’était mieux avant », qui regrette l’appropriation d’un petit projet à taille humaine par un grand groupe, qui risquerait d’en ruiner l’essence. Quand Josh Wardle a créé Wordle fin 2021, c’était d’abord pour divertir sa compagne, amoureuse des jeux de lettres. Puis le petit jeu est devenu phénomène, et le New York Times a été le premier à le repérer : d’abord dans un premier article, puis un second dédié à cette success-story.
La réussite de Wordle tenait aussi dans son aspect amateur : le jeu est facile à coder, les règles sont faciles à comprendre, le site est simple et épuré. L’arrivée du mastodonte New York Times, bien que le média ait gardé l’esthétique simpliste du Wordle original et son fonctionnement 100 % gratuit, a donc naturellement soulevé inquiétudes et interrogations.
D’autant plus lorsque certains ont commencé à se demander si le média américain n’avait pas augmenté la difficulté du jeu depuis son rachat. L’impression a finalement été démentie par Jordan Cohen, directeur de la communication du NYT, assurant que le jeu fonctionnait toujours sur la base de mots de Josh Wardle. Ce qui n’est pas tout à fait vrai : le New York Times a bien censuré certains mots, jugés trop vulgaires pour apparaitre sur son site.
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