On n’aurait jamais cru dire ça un jour mais il faut se rendre à l’évidence : David Simon, le créateur des cultissimes The Wire, Treme ou encore Show me a Hero, a perdu un brin de son panache d’antan. Il reste évidemment un excellent analyste de la société américaine et de ses travers, surtout lorsque la police est en jeu, mais son art de la narration semble être en perte de vitesse dans We Own this City, diffusée chaque mardi sur OCS.
Avec ces six épisodes, David Simon retrouve pourtant ses thématiques favorites : la drogue, les dérives du système politique et le racisme latent des États-Unis. Créée à quatre mains avec l’auteur George Pelecanos, qui officiait déjà sur The Wire, la mini-série se base sur des faits réels, racontés par le journaliste du Baltimore Sun, Justin Fenton, dans un livre coup de poing, La ville nous appartient. Le spectateur est ainsi plongé dans le quotidien de la Gun Trace Task Force, une unité d’élite de la police de Baltimore. À travers des flashbacks et des interrogatoires, la corruption de cette équipe semble devenir de plus en plus évidente, entre fabrications de preuves et vol de drogue ou d’argent.
Les bases sont toujours là
Rassurez-vous tout de même, les éléments qui ont fait le succès des précédentes séries de David Simon sont toujours là, à commencer par le casting cinq étoiles. Plusieurs acteurs de The Wire font ainsi leur grand retour : Jamie Hector (qui incarnait Marlo Stanfield), Jermaine Crawford (Dukie Weems), Chris Clanton (Savino Bratton), Domenico Lombardozzi (Herc), Delaney Williams (Jay Landsman)… Les visages connus s’enchaînent avec bonheur durant les six épisodes de We Own this City.
Wunmi Mosaku (Loki), Josh Charles (The Good Wife), Dagmara Domińczyk (Succession) et surtout Jon Bernthal (The Punisher, The Walking Dead) complètent cette distribution de haute volée. Chaque acteur incarne sa partition à la perfection, donnant davantage de force au propos de la série. Jon Bernthal excelle particulièrement dans le rôle du flic ripou Wayne Jenkins, aussi détestable que narcissique.
Soyons honnêtes, le comédien américain ne peut qu’être à l’aise puisqu’il joue ce qu’il sait jouer de mieux : un homme à la mine renfrognée, sourcils froncés, à l’air nonchalant et au chewing-gum mâché négligemment. Un petit bouc roux complète son look de véritable cowboy du 21e siècle. Même inculpé pour ses multiples délits dans la police, Wayne Jenkins parvient à clamer son innocence en déclarant avec confiance : « Do you guys know who I am?! ».
Un terrifiant écho à notre réalité
David Simon maîtrise toujours également son travail de reconstitution quasi documentaire, et parvient à montrer, comme avec The Wire il y a vingt ans, une réalité crue et entière dont on ne peut plus détourner les yeux. Située juste après la mort de Freddie Gray, tué par des policiers à Baltimore en 2015, et donc juste avant l’élection de Trump en 2017, We Own this City fait profondément écho aux violences policières actuelles. Il est saisissant d’entendre les slogans « No justice, no peace » ou « I can’t breathe », seulement deux ans après l’homicide de George Floyd.
Sur le fond, donc, David Simon reste irréprochable. La série mérite le coup d’œil, rien que pour ce propos important sur la corruption en bande organisée dans toutes les strates du pouvoir, de la politique à la police en passant par la justice, mais aussi sur le racisme systémique dévorant les États-Unis. Les conséquences psychologiques intimes de ces problématiques sociétales sont même abordées avec brio.
Une narration désordonnée
Le problème, c’est que le créateur de The Wire et Treme semble avoir oublié tout sens de la nuance avec We Own this City. Si la mini-série met à mal tous les préjugés raciaux ou sur la police, elle n’en reste pas moins régulièrement caricaturale : les gentils flics, les méchants corrompus, les scènes dans des boîtes de strip-tease… Il faut avouer que la subtilité du récit se rapproche davantage de celle d’un éléphant. C’est un reproche que l’on n’avait rarement fait à David Simon jusqu’ici, mais qui s’atténue heureusement au fil des épisodes.
La narration, en revanche, ne s’améliore jamais vraiment. L’introduction des personnages dans les deux premiers épisodes est ainsi très confuse et manque clairement de contexte. On est vite perdus devant cette série chorale, au propos politique déjà complexe, et à la galerie de personnages très fournie.
Trop de longueurs
Quant aux passages d’une époque à l’autre, qui permettent de mieux comprendre la trajectoire de ces flics délinquants, ils sont simplement dépassés. En guise de transition, on nous sert simplement des bruits de claviers frénétiques agaçants, devant un formulaire informatique digne du pire de Windows 98. L’un des génies du petit écran aurait tout de même pu trouver mieux que ces raccords vraiment pénibles, qui coupent notre implication dans le récit, déjà fréquemment nébuleux.
Difficile donc de s’y retrouver dans We Own this City, qui tergiverse beaucoup en longueurs et s’embarrasse de séquences parfois redondantes. Reste un récit hallucinant, qui met en lumière avec force les dysfonctionnements de nos sociétés dans l’une des villes les plus violentes des États-Unis.
L’abonnement OCS débute à 9,99 euros par mois, et il est aussi compris dans un pack OCS + Amazon Prime Video.
Le verdict
We Own this City
Voir la ficheOn a aimé
- Un casting cinq étoiles
- Un propos puissant et hallucinant
On a moins aimé
- Une narration confuse
- Un rythme très lent
- Des transitions franchement horripilantes entre les époques
- Un manque de subtilité flagrant
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