L’apparition d’une maladie jusqu’alors inconnue. Sa diffusion rapide sur toute la surface du globe. L’absence de médicaments pour la soigner. Le besoin de trouver rapidement un vaccin. Les gens qui se confinent chez eux pour se protéger et protéger leurs proches. Les réunions qui se font à distance via internet. Celles et ceux qui perdent leurs proches. Un « monde d’avant » et un « monde d’après ».
Cette description semble en tout point tirée de ce que nous avons collectivement vécu début 2020, lorsque la pandémie liée au covid s’est déclarée. Et pourtant, elle correspond également à La fin des hommes, le roman de Christina Sweeney-Baird, écrit avant la pandémie, et publié en France chez Gallmeister dans une traduction de Juliane Nivelt.
Ce n’est pas le covid qui menace, dans cet ouvrage, mais une maladie foudroyante qui touche exclusivement les personnes de sexe masculin. Le taux de mortalité du Fléau est extrêmement élevé — à part quelques immunisés, aucun homme ne survit à la contamination, laquelle est quasi impossible à éviter puisque les femmes sont porteuses asymptomatiques. Très vite, les hôpitaux sont saturés et toute la société vacille.
La fin du monde en toute intimité
Le roman de Christina Sweeney-Baird est tout à la fois pré-apocalyptique, apocalyptique, et post-apocalyptique, puisqu’elle décrit toutes les étapes, de la normalité bouleversée au désespoir jusqu’à la résilience. Malgré des différences forcément significatives dans la maladie et le déroulement des événements, La fin des hommes donne l’impression de revivre cette sensation d’irréalité chaotique.
Mais loin de nous peser sur le mental ou de raviver des angoisses, ces réminiscences sont positives : sous la plume de Christina Sweeney-Baird, la littérature se fait révélatrice de notre propre vécu. Là où il était parfois si dur de nommer nos émotions durant cette période si particulière, La fin des hommes illustre ces émotions au travers d’une galerie de personnages. À chaque chapitre, un point de vue, alors que le décompte des jours de cette pandémie fictive continue d’avancer.
C’est là toute la beauté de ce roman : Christina Sweeney-Baird raconte une pandémie entièrement par l’intime. Point de grande aventure démesurée, de course contre la montre portée par un élu, de guerre entre gangs post-apocalyptiques. La fin des hommes parle tout simplement de quotidiens violemment chamboulés. La fin des hommes parle d’une fin du monde et de la naissance nécessaire d’un autre. Ce roman est aussi celui de la continuité, celui d’une société en renaissance constante. Narrer l’apocalypse par le quotidien nous aide à surpasser le trouble, à éclaircir le brouillard, par les mots si profondément humains de Christina Sweeney-Baird. Elle nous livre d’ailleurs une magnifique préface sur son rapport à la « vraie » pandémie.
Bien évidemment, impossible de ne pas percevoir la dimension sociale d’une œuvre dont le Fléau décime spécifiquement les hommes. Le propos de l’autrice a ceci de politique qu’elle rebat les cartes, et ainsi permet de mieux percevoir à quel point le conditionnement patriarcal peut imprégner tous les recoins de la société. C’est aussi une façon pour Christina Sweeney-Baird de livrer d’intenses portraits de femmes.
La fin des hommes, Christina Sweeney-Baird, Gallmeister, 3 mars 2022.
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