Nous sommes dans une période charnière. L’industrie du disque mute mais n’a pas encore trouvé ses marques. En attendant, le nombre d’artistes et de labels à tomber au combat ne cesse de croître. Bien sûr, il ne faut pas voir l’affaiblissement de l’industrie du disque comme un danger à la création – des artistes, il y en aura toujours – mais on ne peut non plus nier qu’elle ne soit pas sans conséquence dessus.
Entre-t-on dans une ère d’appauvrissement musical ? En tout cas, les artistes sont aujourd’hui plus que jamais confrontés à un choix : celui d’arrêter ou de ne plus compter de leur création qu’elle leur rapporte de l’argent, voire même qu’elle soit rentabilisée. Et si nous osons parler d’appauvrissement musical, c’est parce ce choix concerne avant tout les franges les plus fragiles et novatrices du monde de la musique.
L’article sur Flashbulb nous avait déjà donné un aperçu du problème. Si la création est là, il devient pour ceux qui la produisent presque impossible de la rentabiliser. Le problème est loin d’être nouveau, et a toujours existé pour les niches les plus expérimentales. Mais aujourd’hui il semble trouver un écho sans pareil.
Cette fois-ci, c’est de Volker Kahl que l’on parle. Cet artiste allemand est l’auteur d’une musique électronique très orchestrale, largement influencée par la musique cinématographique. Il s’est produit à la fois en solo sous le nom de Kattoo, sur le label Hymen, et avec Gabor Schablitzki pour le projet Beefcake. Il y a quatre mois de cela, il annonçait sur son site sa démission du monde de la musique.
« Depuis que j’ai commencé à faire de la musique au début des années 90 jusqu’à aujourd’hui, beaucoup de choses ont changé » explique-t-il. « Mes visions musicales et le business autour de la musique ne sont plus les mêmes. Mes visions sont toujours vivantes, mais le business est presque mort et avec lui le temps de réaliser ces visions. C’est triste à dire, mais le marché de l’édition de CD n’a pas de vrai futur car le groupe de gens qui achète des CDs décroît d’année en année. »
« Cela n’a plus aucun sens d’investir de l’argent et de l’énergie dans la production de musique si vous pouvez seulement vendre 500 copies en trois – quatre ans. C’est ridicule et ça n’a aucune perspective d’avenir. Inverstir du temps et de l’argent dans la production de musique est une entreprise kamikaze ces jours-ci. Le temps et l’argent que cela me prend ne vont pas avec les quelques ventes. Je ne peux plus continuer comme je l’aurais voulu et en suis arrivé à la conclusion qu’il n’y a plus de raison de rester plus longtemps dans ce « business » comme dans le passé. »
En conséquence, Volker Kahl a lâché sur un serveur FTP tous les morceaux qu’il a produit en solo. Il a décidé d’arrêter la musique, de se consacrer à un « vrai travail plutôt que de créer de l’art sans valeur ». « Quand et comment je continuerai la production musicale ? Je ne sais pas vraiment » annonce-t-il. « Nous verrons ce que le futur m’offrira. Donc, téléchargez ce que vous voulez et si vous souhaitez me soutenir, faites une donation du montant de votre choix. Regardez les statistiques journalières et demandez vous si il y a une réponse pour financer la production de musique à l’avenir. Je suis sûr que vous le ferez……. ;) »
Mois | Trafic | MP3 téléchargés | Donations reçues | Argent versé |
Avril | 15768 Mo | 2167 | 5 | 103,74 € |
Mars | 15970 Mo | 2195 | 8 | 149,62 € |
Février | 6735 Mo | 926 | 5 | 105,41 € |
Evidemment, on ne va pas s’en priver. Si on calcule la moyenne, on trouve que Volker Kahl a reçu 0,06 € par morceau téléchargé. Sachant qu’une maison de disque reçoit généralement 0,70 € d’un morceau téléchargé, et que l’artiste perçoit autour de 8 % de cette somme dans les circuits traditionnels, on est finalement pas loin de compte. 0,068 € chez Kahl, 0,056 € pour un artiste dans le circuit traditionnel.
Peut être Volker Kahl aurait perçu plus dans un schéma de distribution classique ; il n’empêche que son initiative montre que le système de donation sans intermédiaire n’est pas si absurde que ça. Vu le nombre de MP3 téléchargés et le nombre de donneurs, on peut tout de même se demander si il est vraiment juste qu’un petit nombre d’acheteurs paient pour tous les autres. Mais, dans le fond, le Peer-to-Peer n’induit-il pas déjà cela ?
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