Face aux lobbys qui pressent toujours davantage en faveur d’un droit d’auteur de plus en plus contraignant, la société civile s’organise pour lutter avec ses propres armes en faveur d’un domaine public élargi. Un site Internet propose ainsi aux amateurs de musique classique d’aider au financement d’enregistrements d’oeuvres tombées dans le domaine public, qui seront ensuite proposées gratuitement en téléchargement.

En théorie, les œuvres musicales passent dans le domaine public 70 ans après la mort de leur auteur. En pratique, les choses sont bien différentes. Même si Mozart est mort en 1791, et donc même si ses œuvres devraient être librement utilisables par quiconque depuis 1861, la plupart des enregistrements sonores des œuvres de Mozart que l’on trouve dans le commerce sont protégés par les droits voisins des droits d’auteur : le droit des producteurs des disques, et les droits des artistes interprètes. Cet empilement des droits qui trahit l’esprit originel du droit d’auteur rend le domaine public musical beaucoup plus théorique que pratique.

En réaction, le site Musopen.com propose aux internautes de faire dons de quelques dollars pour financer la production d’enregistrements d’œuvres dont les partitions sont passées dans le domaine public, mais dont on ne dispose pas d’enregistrement de qualité qui remonte à plus de cinquante ans, durée de protection des droits voisins. Le site propose ainsi toute une bibliothèque de partitions libres de droits, et des MP3 libres de droits, que l’on peut télécharger et partager gratuitement. Mais il propose aussi et surtout de faire des dons sur une sélection d’œuvres qui ne disposent pas encore d’enregistrement. Dès que le seuil fixé est atteint (par exemple 2.000 $ pour l’ensemble des sonates pour piano de Mozart), la somme est utilisée pour payer un interprète professionnel qui accepte de renoncer en échange à ses droits sur les enregistrements réalisés.

L’ensemble des sonates pour piano de Beethoven viennent ainsi d’être publiées par Musopen, grâce aux dons de sa communauté d’amateurs. Un beau succès qui rappelle l’initiative de l’association Loin de l’Oeil, qui a prévu de libérer progressivement les droits sur ses documentaires vidéo à mesure que les dons affluent (malheureusement, celle-ci semble être un fiasco à en juger par la maigreur des dons). Plutôt que de payer chacun pour soi, l’idée de ces initiatives est de faire payer collectivement un droit d’accès qui sera élargi à tous. Voici qui, encore une fois, n’est pas si éloignée de l’idée de néo-communisme que nous analysions récemment…

Notez par ailleurs qu’il existe d’autres initiatives qui permettent de trouver des œuvres musicales qui sont réellement, en pratique, dans le domaine public. Le site PDInfo.com liste ainsi, selon le droit américain, des enregistrements et partitions tombées dans le domaine public. OpenMusicArchive propose aussi des enregistrements numérisés de chansons tombées dans le domaine public en droit britannique. Mutopia se concentre quant à lui sur les partitions libres de droits. En France, à notre connaissance, aucune base de donnée centralisée n’a été créée pour tenter de rassembler des œuvres ou partitions tombées dans le domaine public. Il y a en revanche un fort mouvement en faveur de la musique sous licences libre, avec notamment les sites Dogmazic, Jamendo (qui est, en réalité, au Luxembourg), Auboutdufil, Boxson, ou Bnflower.

Enfin pour finir sur une note politique, rappelons qu’il traîne dans les couloirs des institutions françaises l’idée de taxer la diffusion d’œuvres du domaine public pour financer la création d’œuvres protégées par le droit d’auteur. Une idée absurde qu’il faudra repousser avec véhémence.

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