Même si le roi-sorcier a été vaincu, l’empire sort en ruine de cette guerre sans merci. Il existe cependant une poignée d’hommes et de femmes, les patrouilleurs, qui continue, malgré tout, à remplir leur mission : protéger les habitants, explorer les zones sauvages, combattre les monstres. Et ces patrouilleurs, c’est vous !
Oltréé est un jeu coopératif, dans lequel deux à quatre joueurs incarnent chacun un patrouilleur ou une patrouilleuse, qui tentent, tant bien que mal, d’accomplir leur devoir. Avant de commencer à jouer, il faut choisir une des six chroniques proposées dans la boîte. Elles rythment les parties, proposent un fil conducteur, une histoire, qui aboutira en fin de compte à une victoire ou une défaite.
Le plateau de jeu représente un fortin en son centre, le quartier général des patrouilleurs. Et, tout autour, huit régions, dont les habitants peuvent vous venir en aide, mais qu’il faut surtout protéger.
Un tour de jeu est très simple. On commence par lancer un dé qui détermine quelle tuile nous tombe dessus à ce tour, représentée par des cartes de différents types, toutes pourvues d’un petit texte narratif de mise en situation. Il peut s’agir d’un événement, dont l’effet perdure jusqu’au prochain (une canicule par exemple). Ou d’un problème que rencontre un village alentour (il se fait attaquer par un géant). Ou d’une péripétie, que les patrouilleurs vont devoir affronter. Ou tout simplement de l’histoire de la chronique qui avance, en retournant une carte telle une page d’un livre.
Puis le joueur dont c’est le tour dispose deux actions différentes. Il peut se déplacer vers une zone adjacente. Solliciter les habitants de la région où il se trouve, pour recevoir des ressources par exemple, à condition qu’ils ne soient pas confrontés à un problème. Tenter de gérer ce problème. Construire un bâtiment en utilisant ces ressources, pour améliorer le fortin. Vivre une péripétie, sans savoir au préalable à quoi s’attendre. Construire une tour, pour sécuriser une région. Se reposer, pour récupérer des points de vie et des provisions. Etc.
Les différents tests se résolvent aux dés, selon l’une des quatre compétences : combat, artisanat, érudition et exploration. Le fortin octroie un dé à chaque patrouilleur pour chacune d’elles. Certains bâtiments en ajoutent aussi. Chaque patrouilleur est également spécialisé dans l’une d’entre elles. La réussite ou l’échec d’un test est déterminé par le nombre de réussites obtenu. Enfin, chaque patrouilleur dispose d’une capacité propre, qu’il peut utiliser à condition de n’avoir pas subi trop de blessures.
Deux autres éléments importants sont à prendre en compte. Le prestige de votre compagnie de patrouilleurs, et la défense du fortin. Tous deux commencent à trois en début de partie, et peuvent augmenter ou diminuer en fonction de vos actions et des différents événements qui surviennent. Mais si l’un d’eux tombe à zéro, c’est une défaite immédiate.
La partie s’arrête également quand on arrive à la dernière page de la chronique, soit par une victoire, si les joueurs parviennent à vaincre la dernière épreuve ou remplissent toutes les conditions nécessaires, soit par une défaite dans le cas contraire.
Pourquoi jouer à Oltréé ?
Ce qui étonne en premier lieu à l’ouverture de la boîte d’Oltréé est la qualité de son matériel et de ses illustrations. Un beau plateau, de belles figurines en bois, des pions de ressources aux formes correspondantes, des tuiles épaisses, beaucoup de cartes joliment illustrées, etc. Soit, le jeu est beau, mais est-il bon également ?
Oui, un grand oui.
À condition d’aimer les jeux coopératifs, évidemment. Point de confrontation ici, mais de l’entraide au sein du corps des patrouilleurs, pour venir à bout des différentes aventures. Car si les règles sont simples, le jeu, lui, n’est pas forcément évident. D’autant qu’une part importante est laissée au hasard, ne serait-ce que par les nombreux tests résolus aux dés. Mais pas en excès, juste ce qu’il faut pour ne pas générer de la frustration qui viendrait gâcher le plaisir de jeu, même dans la défaite. Oltréé rappelle de fait deux autres titres du même auteur, un peu plus anciens, plus compliqués, et l’aspect narratif en moins (Ghost Stories, et sa réédition Last Bastion).
La rejouabilité est d’ailleurs au rendez-vous, et vous pouvez retenter une partie perdue, d’une part en modulant la difficulté des missions (facile, modérée ou difficile), et d’autre part sans revivre exactement la même aventure. Évidemment, l’histoire globale de la chronique est alors déjà connue, et l’effet de surprise n’a plus lieu. Mais le hasard de la pioche des différents événements, problèmes et péripéties, fait que chaque partie est différente. Ne nous voilons pas la face pour autant, on préfère tout de même gagner pour passer à la chronique suivante.
Même si les règles sont simples, le livret compte tout de même une quinzaine de pages, une place importante étant laissée à la description détaillée du matériel. Il n’empêche que vous risquez d’être un peu perdus dans les premiers tours de votre première partie, et de confondre certains termes. Mais très vite, tout devient fluide et limpide. Et les tours s’enchaînent : on lance un dé pour savoir ce qui nous tombe dessus, on réalise deux actions, et c’est au joueur suivant. Simple.
Le jeu n’est pas pas exempt de tout défaut. En premier lieu, on se dit que les patrouilleurs ont quand même signé pour un boulot bien pourri. Entre les sautes d’humeur de la météo (on passe de la canicule au froid glacial d’un tour sur l’autre), et les habitants qui accumulent les problèmes, les instants de répit n’existent pas dans le monde d’Oltréé. Et ça se ressent en jouant : à peine a-t-on réglé un souci (ou pas d’ailleurs), qu’un autre, voire plusieurs, est déjà là. Si vous n’aimez pas jouer sous la pression, passez votre chemin.
Mais le plus agaçant reste le manque total de suivi entre les différentes parties. On repart à zéro à chacune d’elle. Oubliés les bâtiments construits. Oubliées les aides apportées au villageois. Oubliés les monstres tués. Oubliées les ressources récoltées. Étant donné le fort aspect narratif du jeu, on aurait pu s’attendre à ce que nos actes et décisions aient un impact sur la suite. Mais il n’en est rien. Les parties n’en sont pas moins agréables, mais ce petit manquement est un peu frustrant.
Oltréé est un excellent jeu coopératif. Il combine un matériel sans faute, des règles simples, des tours fluides et un aspect narratif poussé. On vit une véritable aventure à chaque partie, et on image sans peine la richesse du monde du jeu de rôle éponyme dont il s’inspire. Même si on regrette le manque d’impact de nos actions entre les chroniques, on est impatient de découvrir les nouvelles péripéties qui attendent nos patrouilleurs à la partie suivante. Et si vous êtes arrivés au bout, une extension est d’ores et déjà prévue, Morts & Vivants… on n’a pas fini d’en baver !
- Oltréé est un jeu d’Antoine Bauza et John Grümph
- Illustré par Vicent Dutrait
- Édité par Studio H
- Pour 2 à 4 joueurs à partir de 10 ans
- Pour des parties d’environ 60 minutes
- Au prix de 59,90 € chez Philibert
Le verdict
On a aimé
- On vit une aventure à chaque partie
- Règles très simples
- Superbe matériel
- Très jolies illustrations
On a moins aimé
- Aucun lien entre les chroniques
- L’effet de surprise est passé quand on recommence une chronique
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