Une polémique après l’autre. En 2018, Blizzard se prenait une soufflante des joueurs et des joueurs. L’objet de leur courroux ? Que le studio ose se lancer dans les jeux mobiles, alors qu’il vient historiquement de l’univers PC. Surtout, Blizzard avait eu l’outrecuidance de présenter Diablo Immortal à la BlizzCon, évènement qui rassemble ses fans les plus exigeants.
Quatre ans plus tard, c’est une autre controverse qui émerge. Une de plus. Celle-ci porte cette fois sur la stratégie du studio américain pour monétiser son titre. En effet, Diablo Immortal est de la catégorie free-to-play (F2P). L’accès au jeu est gratuit, mais il contient diverses microtransactions, de quelques euros en général, pour gagner du temps ou se faciliter l’existence.
Les micropaiements de la discorde sur Diablo Immortal
Si ce modèle économique est courant dans le monde du jeu vidéo sur mobile, Blizzard semble avoir poussé très loin le levier de l’incitation à lâcher un peu d’argent pour améliorer rapidement son personnage — notamment en ajustant le design du jeu pour qu’il rende l’évolution du personnage sans micropaiement moins aisé.
Les reproches en la matière ont émergé à la fois sur Reddit et sur YouTube. Dès le 9 mai, soit un peu plus de trois semaines avant la sortie officielle de Diablo Immortal, daymeeuhn publiait une analyse critique dans lequel il relevait « qu’il y a une seule statistique dans ce jeu qui coûte actuellement environ 50 000 dollars » (environ 50 000 euros).
« Il faut compter entre 40 et 45 000 dollars pour passer six gemmes 5 étoiles au rang 10. Il y a un taux d’obtention de 5 % [par gemme 5 étoiles], vous avez besoin de 100 de chaque, plus la puissance de la gemme correspondante ». Et s’il y a 8 ou 10 gemmes, alors il doit en récupérer 800 ou 1 000, en supposant que l’on récupère en moyenne 100 de chaque.
Les gemmes sont des pierres précieuses qui ont des statistiques particulières et permettent d’améliorer les caractéristiques du personnage. Elles s’insèrent dans des châsses sur les vêtements (casque, tunique, épaulières, jambières, arme main gauche, arme main droite) et peuvent bénéficier d’évolutions, si les prérequis (c’est-à-dire des items d’artisanat, en gros) sont satisfaits.
L’amélioration des gemmes est l’un des moyens à disposition des joueuses et des joueurs pour augmenter la puissance d’un personnage, avec l’équipement lui-même (qui peut être banal, rare, légendaire, avec des statistiques variées et dont on peut aussi augmenter le rang) et l’expérience (qui permet de monter en niveau, jusqu’à 60, avant de passer au système de Parangon).
Le niveau s’obtient en jouant, tout comme l’équipement — en ayant de la chance au tirage aussi, quand on tue un monstre ou on ouvre un coffre. Ici, les mécaniques sont classiques. On les retrouve dans Diablo 3, avec des tables de butin (c’est-à-dire les items liés à un boss, par exemple) dont les règles dépendent entre autres de la difficulté de la partie.
Or, les estimations de daymeeuhn indiquaient alors qu’il faudrait, dans un scénario à 10 gemmes, un total de 1 000 gemmes similaires pour les faire évoluer, nécessitant de consommer 20 000 emblèmes. Ses calculs l’amenaient à l’époque à une évaluation de 45 000 $. Cette évaluation n’est plus vraiment d’actualité, car selon daymeeuhn, le taux d’obtention a chuté, pour se fixer à 4,5 %. Ce serait donc pire encore.
Son analyse a toutefois inspiré un travail complémentaire, partagé le 2 juin sur la chaîne YouTube de Bellular News. Il a estimé qu’il faudrait pas moins de 110 000 $ (environ 100 000 €) pour amener un personnage de Diablo Immortal à son niveau d’optimisation maximal. Ce qui représenterait donc plusieurs années de salaire à injecter dans le jeu.
Le montant apparait hors-norme et complètement hors-sol. On peut se demander qui injectera autant d’argent dans ce jeu mobile, quand bien même d’aucuns s’accordent à dire qu’il est plutôt fidèle à l’esprit de Diablo et à son gameplay. Même une « baleine », surnom donné à un joueur qui dépense des sommes folles sur un jeu mobile, y réfléchirait à deux fois.
Il est à noter qu’il s’agit dans les deux cas d’une estimation basée sur des données qui peuvent être obsolètes avec le temps. Le jeu va en effet recevoir des mises à jour au fil du temps et, dans ce cadre, Blizzard pourrait ajuster le taux d’obtention ou d’autres paramètres qui influent sur les chances d’avoir des gemmes au niveau et de qualité maximum.
Il n’en demeure pas moins que même en remettant en cause le mode de calcul et en l’atténuant beaucoup, le fait est que l’on parle plus d’une fourchette de prix qui se chiffre en dizaines de milliers de dollars qu’en centaines ou milliers. Et cette impression est partagée par un nombre croissant de joueurs et de joueuses, notamment sur Reddit.
Ainsi, des joueurs s’amusent en publiant des visuels humoristiques, comme celui qui montre différents modes de paiement pour tenter d’avoir une gemme 4 ou 5 étoiles : payer avec Visa, payer avec Mastercard, ou vendre un poumon. Un autre internaute, qui a réussi à obtenir une gemme 5 étoiles, a évidemment publié une capture de son coup de chance.
D’autres dénoncent l’absence de gemme 5 étoiles malgré l’utilisation de plus de 60 emblèmes légendaires, alors que le jeu suggère qu’au moins une doit apparaître tous les 50 emblèmes légendaires. Dans cet autre fil de discussion, un internaute dit qu’un joueur a dépensé près de 3 000 $ et n’a pas obtenu une gemme de ce type (une seule de rang 4).
Autre critique qui circule également : il serait impossible d’obtenir le même niveau d’optimisation qu’une personne ayant dépensé de l’argent en microtransactions, en refusant soi-même de dépenser de l’argent réel. Cette assertion est discutée. Cela dit, Blizzard est accusé de ne pas mettre en avant des informations qui permettent d’obtenir des gemmes légendaires sans payer.
Les microtransactions chez Blizzard ne sont pas nouvelles, pas plus que les boites de butin (« loot boxes »). On en trouve sur Overwatch par exemple. Mais ce sont d’ordinaire des achats cosmétiques, qui n’influent pas sur le gameplay lui-même : on achète une nouvelle tenue, une danse, une pose ou une célébration. Rien qui ne sert à prendre le dessus.
Dans le cas de Diablo Immortal, cela influe sur le jeu et la compétition, entre ceux qui sont disposés à dépenser de l’argent et les autres. Il reste à voir de quelle manière Blizzard compte ajuster les points sur lesquels les critiques les plus vives émergent concernant les achats in-game. Mais les joueurs ne doivent pas s’attendre à un coup de barre plus radical : les microtransactions perdureront.
L’affaire, en tout cas, laissera sans doute des traces. Et des mèmes, comme on peut le voir avec cette photo datant de 2018 : il s’agissait de Wyatt Cheng, le designer principal chargé de Diablo Immortal. Il avait passé un moment difficile lors de la présentation du jeu, en rétorquant, face aux huées : « les gars, vous n’avez pas de smartphone ? », pour justifier l’arrivée du jeu mobile.
Avec l’affaire des microtransactions, le mème sur Wyatt Cheng a évolué.
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