Kamala Khan a 16 ans. Adolescente « invisible » au lycée, mais entourée de deux précieux amis et d’une famille aimante, elle est une fan éperdue de Carol Danvers alias Captain Marvel. Elle définit la célèbre héroïne comme son modèle. Sauf qu’il est maintenant l’heure de Kamala : elle développe à son tour de puissants pouvoirs, qu’elle devra appréhender, utiliser à bon escient, tout en gérant en même temps sa vie quotidienne de lycéenne et de jeune fille musulmane. Ainsi démarre Miss Marvel, la nouvelle série diffusée depuis ce mercredi 8 juin 2022 sur Disney+.
Créé en 2014 chez Marvel, le premier comic avec Kamala Khan a été récompensé par des prix comme le prestigieux Hugo Award, ou même présenté à Barack Obama lors d’une réception à la Maison-Blanche. En quelques années, Kamala est devenue une figure majeure chez Marvel, ce que la série acte définitivement sous les traits de l’actrice Iman Vellani.
L’importance de cette adaptation en live-action n’est pas seulement la consécration d’un personnage attachant, à l’instar de Spider-Man : on accueille enfin une héroïne musulmane, racisée, dans l’univers cinématographique Marvel (où elle reviendra en 2023 dans le film The Marvels). Durant une ère où la diversité des personnages progresse certes, mais en restant soit limitée soit superficielle, la série de Disney+ est ce que l’on attendait — et un bon modèle à suivre.
Miss Marvel parle de l’« expérience de minorités »
« Je suis fière qu’elle existe dans cet univers de façon aussi significative », confie Sana Amanat auprès de Numerama. Éditrice et scénariste chez Marvel Comics, elle est la cocréatrice du personnage. Elle fait maintenant partie de l’équipe créative de la série Disney+. « C’est crucial parce que l’islamophobie est un vrai problème, et non seulement on n’en parle pas assez, mais on l’écarte même assez souvent. »
Sana Amanat se souvient d’un déclic, lors du brainstorming créatif de la série. « On a réalisé toute l’importance que ce soit elle, Miss Marvel », nous explique-t-elle. Dans les comics, le surnom « Miss Marvel » existait depuis 1977 pour divers personnages, alors le confier à Kamala fut un symbole fort, un passage de relai. De même à l’écran, Kamala « a toujours existé dans le MCU » sans que l’on connaisse en soi sa présence, donc comme nous, elle a assisté aux événements comme Endgame. « Il y avait quelque chose d’intéressant dans le fait qu’une jeune femme, et une jeune femme racisée, regarde tout ce beau monde sauver la planète, mais qu’aucun d’entre eux n’ait sa couleur de peau. » Maintenant, « c’est à son tour de raconter son histoire. »
Mais au départ, en idolâtrant Carol Danvers, Kamala Khan « intériorise cette belle grande femme blonde », estime Sana Amanat, pour qui cette situation est finalement très parlante quant à la domination de certaines représentations, intériorisées avec « des célébrités et des images », ce qui constitue aussi le sujet de Miss Marvel. « Qu’est-ce que ça veut dire sur l’identification ? Je pense que, lorsqu’on a compris ça lors du processus créatif, c’était un moment capital, parce que cela dit tout sur notre expérience de minorités. »
À ce titre, il faut se remémorer que si Kamala Khan est la première héroïne musulmane Marvel en live-action, cela signifie aussi qu’elle est la seule à ce jour — là où la chrétienté, par exemple, infuse constamment un très grand nombre d’arcs narratifs super-héroïques depuis bien longtemps. Les scènes d’Église, par exemple, s’avèrent communes, voire particulièrement mises en avant dans Daredevil et d’autres comics. De même avec les temples bouddhistes, notamment dans les arcs de Doctor Strange. De son côté, Miss Marvel installe de très nombreuses scènes dans une mosquée, et évoque l’Islam régulièrement, ce qui est bien plus rare. Or l’impact de la pop culture n’est pas des moindres pour les représentations.
La diversité est un « superpouvoir », pour la showrunneuse Bisha K. Ali
Pour Sana Amanat, l’enjeu dans l’écriture de Miss Marvel était de rendre « plus positif » le regard collectif sur les personnes musulmanes en montrant combien toute la normalité du quotidien se maintient au-delà des différences. « Devinez quoi ? Beaucoup de personnes musulmanes sont justes comme moi et ma famille, songeant simplement à la part de pizza qu’on mangera ce soir. » Une remarque qui n’est pas anodine : la majeure partie de l’équipe créative est constituée de personnes — et de femmes notamment — concernées, comme Sana Amanat.
C’est aussi le cas de Bisha K. Ali, la showrunneuse de la série, ancienne scénariste de Sex Education et de Loki. Elle considère cette diversité parmi les scénaristes, réalisatrices et productrices de Miss Marvel comme déterminante — « mais [la diversité] n’épouse pas le sens que l’on accole aujourd’hui derrière ce mot », tient-elle à préciser. « Nous venons de milieux musulmans divers, de milieux sud-asiatiques variés, de milieux pakistanais différents. Et je pense que ces différences parmi nous signifient que nous avions un superpouvoir tous et toutes ensemble, nous combinions nos pouvoirs », affirme-t-elle auprès de Numerama.
Chaque scénariste injectait sa propre expérience « authentique » de vie, sa propre vérité, « et transmettre cela dans la série a un impact sur le personnage de Kamala », estime Bisha K. Ali. C’est ce qui, finalement, donne « une représentation que l’on est fières d’avoir ». Porter à l’écran la première super-héroïne musulmane de Marvel n’était donc pas tant que cela un défi pour la showrunneuse, mais plutôt « le plus grand cadeau », souligne-t-elle.
L’optimisme de Kamala Khan comme modèle
Depuis la création du personnage en 2014, sa cocréatrice Sana Amanat explique régulièrement que le personnage incarne tout à la fois l’histoire de la minorité musulmane aux États-Unis et l’histoire plus large de la quête d’identité à toutes les échelles. En la matière, en quoi Kamala Khan se distingue-t-elle des autres super-héros et super-héroïnes de la galaxie Marvel ?
« Je pense que Kamala est très ‘réelle’, au sens où c’est une jeune femme qui va au lycée, qui gère des problèmes du quotidien… et puis il advient qu’elle a des superpouvoirs », répond Sana Amanat. Pour Bisha K. Ali, il s’agit plutôt de la positivité du personnage : « Ce qui est génial avec Kamala pour moi c’est son optimisme absolu, sa joie. (…). Je sais qu’on a déjà beaucoup de personnages joyeux et empathiques dans le MCU, sauf que c’est la pierre angulaire de Miss Marvel et de qui elle est. Dans chaque situation difficile, elle l’envisage à travers la compassion, d’une façon dont je ne pourrais peut-être pas moi-même. »
Et c’est effectivement ce qui transparaît des premiers épisodes de la série (comme dans les comics ou dans le jeu vidéo Avengers). Kamala Khan ne se définit pas seulement par son identité musulmane, il y a aussi sa façon lumineuse d’habiter l’univers Marvel et de bousculer les autres héros et héroïnes avec son approche. Derrière le divertissement, cela en fait un modèle de représentation d’autant plus fort : elle est quelqu’un à qui l’on voudrait ressembler de manière très universelle.
« Ce qui est embêtant avec les gens qu’on prend pour modèle, c’est qu’on devrait jamais mettre quiconque sur un piédestal. Mais parmi les personnages auxquels on voudrait ressembler, je pense qu’on peut tous et toutes aspirer à l’optimisme et la compassion de Kamala », conclut Bisha K. Ali.
Miss Marvel est sur Disney+ depuis le mercredi 8 juin 2022.
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