Une sorte de cousin du boson de Higgs a été observé pour la première fois, mais ce n’était pas dans les gigantesques installations habituelles. Les auteurs ont « simplement » utilisé un matériau quantique et deux lasers.

Pour découvrir de nouvelles particules, on mobilise de gigantesques machines comme le Grand collisionneur de hadrons (LHC) et d’autres accélérateurs de particules qui s’étendent sur plusieurs kilomètres et produisent des collisions produisant une énergie folle, jusqu’à 7 TeV (des dizaines de milliers de joules). C’est justement au LHC que le boson de Higgs a été détecté en 2013, alors qu’il avait été prédit en 1973. La découverte fut révolutionnaire, cette particule élémentaire étant une composante essentielle dans la masse de tout ce qui nous entoure — d’où son surnom de « particule de Dieu ».

Mais parfois, l’ampleur de l’expérience peut tenir sur une simple table à manger, comme l’observation relayée dans Nature début juin 2022. « Ce n’est pas tous les jours qu’on trouve une nouvelle particule en restant assis à table », s’en est amusé Kenneth Burch, l’un des auteurs, dans un commentaire de l’étude. La découverte est celle du « mode axial de Higgs ». Elle a eu lieu, chose extrêmement rare, à température ambiante, au sein d’un morceau de RTe3 — ou tritelluride, un matériau quantique sous forme de cristal.

État d'excitation quantique de type Axial Higgs Mode. // Source : Nature
État d’excitation quantique de type Axial Higgs Mode. // Source : Nature

Techniquement parlant, il s’agit davantage d’un « état d’excitation quantique », plus qu’une nouvelle particule fondamentale. Ce « mode » est une sorte de cousin magnétique du boson de Higgs. La difficulté principale, pour le détecter, est qu’il n’apparaît qu’en cas d’excitation collective — et plus précisément une rupture dans le comportement collectif d’une vague d’électrons (c’est-à-dire une onde de densité de charge).

Tout le défi pour un tel mode est donc de détecter la signature du mode recherché, en plein milieu d’un chaos collectif. Une aiguille dans une botte de foin, en somme.

Une découverte liée à la matière noire ?

Mais comment le matériau utilisé a-t-il pu produire un état quantique qui, habituellement, se produit dans des collisionneurs dans des conditions extrêmes ? Il se trouve que le RTe3 « imite » les conditions au sein desquelles la production de cet état était prédite par les physiciens.

Ainsi, afin de produire et détecter le mode, les auteurs expliquent avoir utilisé les propriétés de diffusion de la lumière, en dirigeant deux faisceaux laser parfaitement alignés sur le matériau. Dans cette situation, la lumière change de couleur et de polarisation au sein de celui-ci. « Ainsi, nous avons pu révéler la composante magnétique cachée et prouver la découverte du premier mode axial de Higgs », explique Kenneth Burch. En clair, les changements de couleur et de polarité créés par les faisceaux laser dans ce matériau ont permis de repérer la signature du mode axial de Higgs, dans le chaos.

« La détection du Higgs axial a été prédite en physique des particules à haute énergie pour expliquer la matière noire », précise Kenneth Burch. Car la masse joue un rôle déterminant dans la présence de la matière noire et sur son impact sur ce qui nous entoure. De fait, découvrir de nouveaux phénomènes quantiques cachés liés à la masse semble déterminant. Cette détection montre donc que les voies de recherche, pour la matière noire, n’ont pas lieu que dans les accélérateurs de particule : étudier les matériaux quantiques pourrait aussi être pertinent.

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