« Les émissions liées au transport des aliments représentent près de la moitié des émissions directes provenant des véhicules routiers », déplore Mengyu Li. Avec son équipe, ils sont à l’origine de travaux de recherche visant à quantifier l’impact carbone de la production et du transport de nourriture à travers le monde. Les résultats, publiés le 20 juin 2022 dans Nature Food, apportent des chiffres frappants.
À l’échelle de toutes les émissions produites par l’humanité, les aliments représentent presque un tiers. La simple phase du transport pèse 3 gigatonnes d’émissions de dioxyde de carbone chaque année. Le principe des imports est également en question : les pays à haut revenu représentent 12,5 % de la population mondiale, mais 46 % des émissions liées à la nourriture.
« Notre étude estime que les systèmes alimentaires mondiaux, en raison du transport, de la production et du changement d’affectation des terres, contribuent à environ 30 % du total des émissions de gaz à effet de serre produites par l’être humain. Ainsi, le transport des aliments, qui représente environ 6 %, constitue une proportion non négligeable des émissions globales. »
Au-delà de ces chiffres qui dépeignent un paysage écologique peu encourageant, l’étude apporte aussi des éléments d’action en essayant de répondre à la question : que se passerait-il si l’on mangeait localement et de saison ?
Que changerait l’alimentation locale ?
D’après les calculs des chercheurs, une alimentation locale réduirait de 0,27 gigatonne (0,24 rien que pour les pays riches) l’empreinte du transport, et de 0,11 gigatonne l’empreinte de la production. Soit 0,38 gigatonne en tout.
Il y a cependant des régions où une alimentation locale est difficile à mettre en place. Dans ces cas-là, les auteurs évoquent la possibilité de mécanismes nouveaux : « il existe un potentiel considérable pour l’agriculture périurbaine afin de nourrir les résidents des villes », par exemple. Sans compter les solutions d’atténuation : investir dans des sources d’énergie plus propres pour les véhicules de transport ; inciter les entreprises alimentaires à utiliser « des méthodes de production et de distribution moins émettrices, telles que les réfrigérants naturels ».
La solution, c’est nous
Bien que les mécanismes évoqués par les auteurs de ces travaux soient principalement à l’échelle macro, car ils doivent être mis en place par des gouvernements et des entreprises, une part importante de leur conclusion concerne la population elle-même. Au sens où l’offre évolue à partir de la demande. Comme pour la nourriture ultra-transformée qu’il s’agit d’éviter au maximum, les modes de production et de transport de la nourriture interviennent aussi dans les choix du quotidien.
« Le changement d’attitude et de comportement des consommateurs en faveur d’une alimentation durable peut avoir des effets bénéfiques sur l’environnement à très grande échelle », écrit l’un des auteurs, David Raubenheimer. On a l’habitude de chercher les mêmes aliments frais toute l’année, alors que la plupart d’entre eux ont une saisonnalité, et c’est une erreur. « Un exemple est l’habitude qu’ont les consommateurs des pays riches d’exiger toute l’année des aliments non saisonniers, qui doivent être transportés. » Il vaut mieux opter pour « alternatives saisonnières locales, comme nous l’avons fait pendant la majeure partie de l’histoire de notre espèce ».
Toutes ces adaptations visent après tout à « offrir une planète plus saine » aux générations futures, rappellent les auteurs (et il s’agit aussi de freiner la sixième extinction).
Et l’alimentation sans viande ?
Quid des modes de production de la nourriture ? « Avant notre étude, la plupart de l’attention dans la recherche sur l’alimentation durable a porté sur les émissions élevées associées aux aliments d’origine animale, par rapport aux plantes », précisent les auteurs. Et en effet, la production industrielle de viande est l’une des plus fortes sources actuelles d’émissions de gaz à effet de serre (14,5 % du total).
Il est dorénavant scientifiquement prouvé que l’alimentation à base de végétaux, sans viande donc, est 10 à 50 fois moins émettrice et qu’elle constitue donc une clé dans la lutte contre le changement climatique. Sans compter le problème de l’utilisation des sols. Le 5e rapport du GIEC (2018) évoquait ainsi l’importance de transiter vers des régimes où la viande aurait une part bien plus faible qu’à l’heure actuelle.
Les auteurs de cette nouvelle étude dédiée à l’alimentation durable estiment qu’il s’agirait finalement de combiner les approches : « Notre étude montre qu’en plus de s’orienter vers un régime à base de plantes, manger localement est idéal, surtout dans les pays riches. »
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