En juin 2022, un épisode caniculaire a mis la France à rude épreuve, avec des températures dépassant parfois les 40 °C. Cette vague de chaleur s’est caractérisée par son intensité, mais surtout sa précocité. Comme nous arrivons à une période de l’année où les journées sont les plus longues, la chaleur accumulée le jour a du mal à s’évacuer la nuit. En conséquence, les nuits sont lourdes, notamment dans les grandes agglomérations. Vous avez dû aussi remarquer que la chaleur sur le sol n’est pas toujours la même d’un endroit à l’autre. Comment cela est-il possible ? Quel est ce phénomène ?
Le changement de température entre les sols, « c’est normal »
« Concernant le mode d’occupation du sol, on ne peut pas avoir les mêmes températures et c’est normal. Le sol naturel (avec de la végétation) va être humide, avoir de l’eau, des plantes. Cette végétation va créer une sorte ‘d’évaporation’ » nous explique France Bakkar, responsable d’activité climat chez Egis, groupe français de conseil et d’ingénierie. « Il est aussi question de la propriété des matériaux que l’on utilise sur les espaces publics et les bâtiments. Quand on regarde ces matériaux, il y a deux choses. D’abord, l’albédo : la capacité à réfléchir le rayonnement solaire (des surfaces sombres, l’asphalte, le granit), ce qui va faire monter la température comme sur la carrosserie d’une voiture. Ensuite, il y a l’inertie thermique : le fait d’accumuler la chaleur et de la restituer la nuit, ce qui va contribuer au fait que, même s’il n’y a plus de soleil, la chaleur ne descendra pas. »
En ville, les températures de l’air, des surfaces et du sol sont presque toujours plus importantes que dans les zones rurales. Ce phénomène est connu sous le nom d’« îlot de chaleur urbain », nous explique France Bakkar. « L’écart de la température peut être important à cause du phénomène d’ilot de chaleur urbain, parfois même plus fort la nuit. » Mais, ce n’est pas la seule raison qui entraine le changement de température entre les sols. « Ce n’est pas tout, il existe une autre raison à cela : la morphologie du territoire où l’on se trouve. En fonction de la taille du bâtiment, du couloir et des vents, si la ville est construite de manière que les vents ne circulent pas du tout, où même si c’est orienté au sud avec un maximum de rayonnement de soleil, cela entrainera un ressenti de chaleur élevé. »
« À l’échelle urbaine, ce changement se traduit par des différences de températures nocturnes qui peuvent être de 3 degrés à Paris et Rambouillet en temps normal. Si l’on est dans un endroit où il y a beaucoup de soleil et peu de vent, la température peut monter jusqu’à 10 degrés, comme pour la canicule de 2003. » L’experte poursuit : « Mais à l’échelle locale, si l’on regarde une surface de pelouse et du béton, on peut avoir une différence allant jusqu’à 10 degrés. Si l’on a un espace avec de la pleine terre et de l’autre côté de l’asphalte avec des voitures noires, la différence peut monter jusqu’à 30 degrés. »
Que peut-on faire pour limiter ces écarts extrêmes ?
Quelles solutions sont envisageables ? « Il y a plusieurs axes à avoir en tête : le sujet de la végétalisation est très important, car les plantes rafraichissent l’air. Il faudrait également aménager des fontaines dans les villes pour que les gens puissent se rafraichir, cela va permettre via l’évaporation de diminuer la température des sols », souligne France Bakkar.
Les grandes villes, à l’image de Bordeaux ou Paris, ont déjà construit de larges campagnes de végétalisation visant à lutter contre les îlots de chaleur, et ainsi éviter qu’elles ne se transforment en de véritables fours : « il faut aussi proposer des ilots de fraicheurs, comme c’est le cas à Paris. Il est très important d’avoir des zones avec de l’ombrage, de la végétation et de l’eau. »
« Si l’on pense à l’architecture, on doit aussi penser à la conception des bâtiments différemment. Là encore, le sujet de ventilation est très important, car il faut une habitation thermique, un appartement traversant, se protéger du soleil extérieur (avec les volets). Quand on empêche la chaleur de rentrer, c’est déjà bien. »
Il faut faire attention à la climatisation
Les appareils de climatisation rejettent dans l’atmosphère des fluides frigorigènes chimiques nocifs pour la couche d’ozone, participant directement au réchauffement planétaire. France Bakkar souligne qu’il faut faire très attention à l’usage de la climatisation : « il faut éviter le risque de mal adaptation, notamment la climatisation ». Elle ajoute que « certes, la climatisation va apporter du frais dans l’espace en question où est installé le dispositif. En revanche, pour créer du frais l’intérieur, elle va renvoyer du chaud à l’extérieur. Si tout le monde choisit de mettre une clim chez soi, cela va fortement renforcer la température dans la rue. »
Nos choix de sols ont-ils un impact sur la pollution et le réchauffement planétaire ?
Aujourd’hui, un sol intact qui s’est développé naturellement et qui est en mesure de remplir ses fonctions écologiques essentielles est d’une valeur inestimable. Non seulement il peut fournir de l’eau potable, mais en plus, il sert d’habitat naturel à d’innombrables organismes et constitue la base de la production alimentaire. À ce sujet, France Bakkar souligne : « Aujourd’hui, nous avons fait beaucoup d’efforts sur le gaz d’échappement, toutefois nous n’avons jamais travaillé sur le sujet des voitures, alors que c’est ce qui représente la pollution du sol en l’Île-de-France. »
Les choix de sols ont donc un très fort impact sur la sensation de chaleur ressentie dans un endroit donné. « Si l’on parle de réchauffement climatique global, la question du sol va plutôt concerner les capacités de séquestrations. Nous savons aujourd’hui qu’un sol artificiel n’aura pas les mêmes capacités de séquestration qu’un sol naturel. Si l’on veut répondre au défi de la neutralité carbone mondiale, on sait qu’il faut travailler la neutralité carbone dans les sols. »
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