Alors qu’un premier cas de variole du singe a été signalé en Corse le 26 juin 2022, le nombre total de cas en France est actuellement porté à 330, selon Santé publique France. On compte plus de 3 500 infections dans 48 pays. L’Organisation mondiale de la Santé a lancé l’alerte depuis le mois de mai face à l’accélération de cette maladie.
Ce virus est pourtant connu depuis plus de 50 ans et il existe un vaccin, tant et si bien qu’on a déjà tout un faisceau de solutions pour freiner sa propagation et protéger les malades. Mais, l’épidémie reste « la plus importante et la plus étendue géographiquement » en dehors des zones endémiques d’Afrique occidentale et centrale. Comment expliquer cette accélération soudaine du nombre de contaminations en dehors des zones habituelles ?
Cette nouvelle épidémie étant récente, on ne trouve qu’un faible nombre d’études livrant des conclusions solides sur cette évolution de la maladie. Néanmoins, des travaux publiés le 24 juin 2022 dans Nature (texte complet accessible sur ResearchSquare) se penchent sur l’historique génétique de la souche épidémique actuelle.
La trace d’une enzyme humaine : source de la mutation clé ?
La variole du singe n’est pas un genre de virus (orthopoxvirus) propice aux mutations fréquentes, du fait même de sa nature. Un virus à ADN double brin est plus apte à corriger les erreurs lors de sa réplication — or, ce sont ces erreurs de réplications qui génèrent les variations. Cela signifie que la souche actuelle de la variole du singe ne devrait porter que quelques mutations depuis qu’elle a commencé à circuler en 2018. Pourtant, il n’en est rien.
Dans ces travaux publiés dans Nature, les auteurs relèvent que le taux actuel de mutation de la variole du singe est beaucoup plus élevé « que prévu » pour un orthopoxvirus. Puisque la variole du singe a soudainement changé de comportement — accélérant sa transmission –, cela signifie que l’une de ces mutations a facilité sa capacité à infecter des hôtes humaines.
D’où viendrait cette mutation spécifique ? En étudiant plusieurs échantillons de la souche actuelle de la variole du singe, à l’origine de l’épidémie, les auteurs ont découvert une trace de l’enzyme APOBEC3. Celle-ci est d’origine humaine : lorsqu’un virus nous infecte, elle force le virus à faire des erreurs, afin qu’il se désintègre. La plupart du temps, cela fonctionne. Mais pas toujours : « Dans certaines circonstances (par exemple, des niveaux de désamination plus faibles), les mutations médiées par l’APOBEC pourraient ne pas perturber complètement le virus, augmentant ainsi la probabilité de produire des variantes hypermutées (mais viables) aux caractéristiques modifiées », écrivent les auteurs. En clair, le virus introduit des mutations en s’adaptant.
L’épidémie de variole du singe provoquée par plusieurs sources
Les auteurs ont plusieurs pistes pour expliquer l’apparition de cette mutation clé :
- Comme la souche épidémique est génétiquement liée au pic ayant eu lieu au Nigeria en 2017-2018, cette phase de forte contamination dans les pays endémiques a pu être à l’origine d’une hausse des mutations potentielles, jusqu’à l’importation de la souche dans les pays non endémiques.
- « On ne peut pas exclure l’hypothèse d’une période prolongée de dissémination cachée chez les animaux ou les humains dans un pays non endémique », précisent les auteurs. La mutation clé aurait été acquise durant cette circulation silencieuse — pourtant étonnante puisque les symptômes sont visibles.
Sur l’ensemble des hypothèses, les auteurs suggèrent que « l’on ne peut pas disqualifier l’existence d’une introduction provenant de plus d’une seule origine, avec un ou plusieurs événements de forte diffusion déclenchant la propagation mondiale rapide ».
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