Depuis son entrée en fonction en 2008, à la frontière franco-suisse, au CERN, le grand collisionneur de hadrons (LHC) est un haut lieu scientifique dans le monde. C’est un accélérateur de particules : dans un tunnel de 27 km de circonférence, des particules chargées électriquement sont propulsées par faisceaux à des vitesses extrêmement élevées. L’objectif : les collisions entre elles, qui génèrent des conditions exceptionnelles propices à de nouvelles découvertes autant qu’à préciser nos connaissances sur l’Univers.
Parmi ces découvertes, la dernière en date n’est pas des moindres : le boson de Higgs, une particule élémentaire qui était postulée depuis 1964. Elle a été confirmée au LHC le 4 juillet 2012. Exactement 10 ans après, l’accélérateur entre aujourd’hui dans une nouvelle ère. Après une petite pause de 3 ans pour des travaux d’amélioration, il entre dans sa troisième période d’exploitation, paré à explorer l’inconnu.
Une puissance inégalée par rapport au boson de Higgs
Dès le mardi 5 juillet 2022 et pour 4 ans, en continu, le LHC fonctionnera à une énergie de collision record : 13,6 milliers de milliards d’électronvolts (abrégé TeV).
En plus d’une énergie plus élevée lors des collisions, le volume de données sera également démultiplié. Pour comprendre l’échelle de cette amélioration, il faut se référer au terrible terme de « femtobarn inverse », une mesure en physique des particules qui correspond au nombre cumulé de collisions possibles. Un femtobarn inverse correspond à environ 100 millions de millions de collisions potentielles.
Le boson de Higgs a été découvert à 12 femtobarns inverses. Lors de cette troisième période d’exploitation, on atteindra 280 femtobarns inverses. « C’est là un accroissement significatif, qui ouvre la voie à de nouvelles découvertes », souligne le directeur Mike Lamont, sur le site du LHC.
Étudier les microsecondes après le Big Bang
De nouvelles expériences vont pouvoir avoir lieu. En provoquant la collision d’ions lourds, les physiciens vont être en mesure d’étudier le plasma de quarks-gluons, qui n’est autre que l’état de la matière exotique qui constituait l’Univers 20 à 30 premières microsecondes après le Big Bang. Cette « soupe » cosmique n’existe qu’à des températures et densités extrêmement élevées, introuvables de nos jours (mis à part, en théorie, au cœur des étoiles les plus denses de l’Univers). Pour l’étudier, il faut donc la recréer.
« Nous allons passer à une nouvelle phase : précédemment, nous avions observé de nombreuses propriétés intéressantes du plasma de quarks et de gluons ; maintenant, nous allons quantifier précisément ces propriétés et les relier à la dynamique des éléments constitutifs de cet état », explique Luciano Musa, porte-parole de la collaboration ALICE (le nom de l’expérimentation dédiée au plasma quarks-gluons).
Avec un accélérateur de particules plus performant, certains mystères mis au jour lors de la précédente période d’exploitation pourraient aussi être élucidés. À commencer par le boson de Higgs lui-même. Il s’agira pour les physiciens de mesurer l’intensité des interactions de ce boson ou encore sa désintégration. Obtenir de telles mesures « serait là un résultat entièrement nouveau dans la saga du boson de Higgs ».
Parmi les anciens résultats à explorer plus précisément, il se trouve que des résultats avaient montré une cassure dans l’universalité des saveurs leptoniques (un type particulier de particule élémentaire). Cette trouvaille a le potentiel pour bousculer quelque peu le modèle standard de la physique, ce qui nécessite soit infirmation, soit confirmation (qu’il faudra alors expliquer). « Les données acquises pendant la troisième période d’exploitation avec notre détecteur tout neuf nous permettront d’améliorer la précision d’un facteur deux et de confirmer ou d’exclure d’éventuels écarts par rapport à l’universalité de la saveur leptonique », détaille le porte-parole de cette expérience, Chris Parkes.
Mais ce n’est là qu’une partie de ce qui sera étudié au Grand collisionneur de hadrons ces 4 prochaines années. Monopôles magnétiques, neutrinos et rayons cosmiques font partie du programme — décrit par le CERN comme « d’envergure et très prometteur ». Allons-nous vers une nouvelle découverte aussi déterminante que le boson de Higgs ?
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