L’espace, un environnement de coopération internationale et d’expression des intentions pacifiques des nations ? Pas toujours : c’est aussi le lieu où peuvent se manifester nationalisme, rivalité stratégique et communication politique. La preuve : dernièrement, c’est la Russie qui a été accusée de se servir de la Station spatiale internationale (ISS) pour de la propagande.
À l’origine du problème, la publication sur le compte Telegram de Roscosmos — l’agence spatiale russe — de deux photographies montrant les cosmonautes Denis Matveïev, Oleg Artemiev et Sergueï Korsakov tenant des drapeaux ressemblant au drapeau russe. Sauf qu’il s’agit des couleurs des deux régions séparatistes d’Ukraine, Lougansk et Donetsk.
Les Républiques populaires de Lougansk et Donetsk ont annoncé faire sécession de l’Ukraine en 2014. Sur le plan international, pratiquement aucun pays ne reconnaît leur souveraineté, hormis la Russie, qui est en guerre ouverte contre l’Ukraine, et la Syrie, dont la survie du régime dépend du bon vouloir de Moscou. Ce soutien du Kremlin est perçu comme un prélude à une annexion.
Les photos sont accompagnées d’un texte en russe dont la teneur générale est une célébration de la « libération » de l’ensemble du territoire de Lougansk, avec le retrait des forces ukrainiennes de la ville clé de Lyssytchansk. Les trois cosmonautes et Roscomos disent adresser leurs félicitations aux sécessionnistes, en rupture avec Kiev depuis huit ans maintenant.
Face à cette communication au sein de la Station spatiale internationale, la Nasa n’avait initialement pas commenté cette publication, survenue le 4 juillet, le jour de la fête nationale américaine. L’agence spatiale américaine était d’ailleurs prise par ses propres festivités. L’astronaute américaine Robert Hines célébrait ainsi son pays dans un tweet.
La célébration d’un pays par tel ou tel astronaute, en fonction de sa nationalité, est une pratique couramment admise, car elle observe généralement une certaine retenue et est empreinte d’une certaine diplomatie. Dans le cas de Lougansk et de Donetsk, c’est tout autre chose, car la Russie célèbre des territoires séparatistes d’un autre État souverain, l’Ukraine.
La Nasa condamne la propagande de son homologue russe
En creux, c’est une propagande hostile à l’Ukraine, puisque les frontières du pays, pourtant reconnues internationalement, et pour lesquelles la Russie s’était même engagée à défendre à travers des mémorandums, sont aujourd’hui modifiées par la force. Cette communication, la Nasa a fini par la dénoncer, dans un mail adressé aux médias :
« La Nasa condamne fermement l’utilisation par la Russie de l’ISS à des fins politiques pour soutenir sa guerre contre l’Ukraine, ce qui est fondamentalement incompatible avec la fonction première de la station, qui consiste, pour les 15 pays participants, à faire progresser la science et à développer la technologie à des fins pacifiques », a déclaré une porte-parole.
Jusqu’à présent, la Russie et les États-Unis ont maintenu leur coopération dans l’ISS malgré l’invasion de l’Ukraine et l’engagement financier et militaire de Washington au profit de Kiev, assorti de sanctions économiques contre Moscou. Mais à plusieurs reprises depuis le 24 février, date à laquelle l’attaque militaire a débuté, l’idée d’une rupture entre les deux partenaires a été formulée.
La coopération sur l’ISS est donc toujours d’actualité, même si elle a été réduite aux opérations courantes permettant d’assurer le bon fonctionnement de la station. La Russie s’est pour l’instant contentée de cesser de faire décoller des fusées Soyouz en Guyane, de suspendre certains partenariats et de faire quelques commentaires menaçants, voire déplacés, mais sans les concrétiser.
Sur certaines missions fondamentales, la Russie a respecté ses obligations : elle a ainsi rapatrié correctement un astronaute américain sur Terre. Elle assure aussi des opérations de ravitaillement. Elle poursuit ses sorties extra-véhiculaires à des fins de maintenance et d’entretien au profit de l’ISS. Bref, se servir de l’ISS comme d’un levier de pression ne semble pas d’actualité.
Autrement dit, tout le monde a intérêt de rester professionnel pour le bien de la station, dont l’activité profite à tout le monde. La Nasa avait reconnu ce printemps que les échanges avec Roscosmos demeuraient solides et de qualité. Et cela, malgré les conséquences militaires, diplomatiques, économiques, stratégiques causées par le conflit.
Il paraît peu probable que les remontrances américaines contre le comportement russe changent quoi que ce soit dans la dynamique générale des relations entre les deux pays, qui sont déjà dégradées. Ce qu’il pourrait advenir, par contre, c’est une future expression de solidarité des Occidentaux à l’égard de l’Ukraine dans l’ISS, maintenant que le premier coup de feu a été tiré.
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