On pourrait imaginer que, dans des tunnels de lave et les cheminées géothermiques, les conditions ne sont pas propices à une abondance de vie. C’est également ce que postulent les biologistes. Et pourtant, une étude nouvellement publiée dans Frontiers in Microbiology démontre le contraire. Dans ces travaux, les chercheurs mettent en exergue toute une diversité microbienne qui était encore inconnue.
Les auteurs ont prélevé 70 échantillons au cœur de différents sites volcaniques d’Hawaï, là où les conditions sont les plus rudes pour le vivant. Ils ont alors séquencé l’ARN ribosomique pour identifier les bactéries présentes, leur diversité, leur abondance. Les résultats montrent des quantités élevées, tout comme une grande variété.
Les auteurs ont trouvé une catégorie en particulier : un groupe de bactéries appelées Chloroflexi. Elles semblent jouer un rôle central dans la formation de ce type d’écosystèmes. Comme une sorte de clé de voûte. Car si les Chloroflexi ne sont pas les bactéries les plus abondantes trouvées dans ces travaux, elles sont les seules à être systématiquement présentes dans chaque échantillon, pour tous les sites.
« Cette étude montre qu’il est possible que les lignées les plus anciennes de bactéries, comme l’embranchement des Chloroflexi, pourraient avoir un rôle écologique important », précise l’autrice principale des travaux, Rebecca D. Prescott, dans une publication le 21 juillet 2022.
Depuis des années, les biologistes découvrent plusieurs « jobs » déterminants tenus par des Chloroflexi au sein d’écosystèmes très différents. Mais ce groupe de bactéries est extrêmement varié et très peu étudié. Raison pour laquelle les Chloroflexi sont surnommés « matière noire microbienne ». La matière noire semble structurer le cosmos sans pour autant être observée ni bien comprise, et les biologistes perçoivent les Chloroflexi de la même façon : ils structurent nombre d’écosystèmes micro-organiques, tout en restant très énigmatiques à ce jour.
La vie en communauté en environnement extrême
La diversité des espèces microbiennes est plus importante que les auteurs ne l’anticipaient, certes, mais elle reste moins élevée que dans des environnements moins rudes. Sauf que l’histoire mise au jour par cette étude ne s’arrête pas là. Les interactions entre ces espèces apparaissent paradoxalement plus complexes dans ces conditions extrêmes. « Cela amène une question, et si les environnements extrêmes aidaient à créer des communautés microbiennes plus interactives, avec des micro-organismes plus dépendants les uns des autres ? Et si tel est le cas, en quoi les environnements extrêmes aident-ils à créer cela ? », s’interroge Rebecca D. Prescott.
En posant ces questions, l’étude vient secouer les puces de la recherche scientifique pour mieux s’immiscer dans les secrets du vivant : il est crucial d’étudier les bactéries dans de la « coculture », en les observant en train d’évoluer ensemble, non pas en les étudiant chacune de manière isolée.
« Dans le monde naturel, les microbes ne grandissent pas isolés. En lieu et place, ils grandissent, vivent et interagissent avec bien d’autres micro-organismes dans une mer de signaux chimiques provenant de tous ces autres microbes. Cela peut altérer l’expression de leurs gènes, affecter leurs rôles dans la communauté », insiste Rebecca D. Prescott.
Ce sont des réflexions d’autant plus pertinentes à l’aune de l’exobiologie, notamment martienne. Ces tubes de lave et cheminées thermales ressemblent à ce qui a pu exister sur Mars autrefois. Si l’on comprend comment ces microbes se comportent, on peut comprendre l’histoire de la planète. Mais cela dépasse évidemment le simple cadre martien, tant cela peut nous apprendre aussi sur l’histoire de la Terre… et apporter son grain de sel pour notre futur, les microbes jouant un rôle important dans certaines ressources naturelles renouvelables.
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