Les dinosaures carnivores font partie des plus massifs, pesant des milliers de kilos et mesurant une dizaine de mètres. Leur crâne, aussi, était imposant. Paradoxalement, ils avaient des bras minuscules. L’explication n’est pas forcément à trouver dans une inutilité de ces membres.

Ils étaient massifs. Leur démarche, puissante. Leurs dents, acérées. Leur courroux de prédateurs, souvent inévitable. Oui, les dinosaures carnivores étaient impressionnants. Mais ils avaient aussi des pattes avant minuscules, qui formaient leurs bras. Ce contraste était une tendance significative dans ce groupe, comme le démontre la découverte d’une nouvelle espèce, dont l’analyse a été relatée début juillet 2022 dans Current Biology.

Dans cette publication, les auteurs décrivent cette espèce en la baptisant Meraxes gigas. Il s’agit d’un carcharodontosaure — une famille de théropodes carnassiers. Alors qu’il parcourait encore les terres il y a presque 100 millions d’années, il mesurait pas moins de 11 mètres de long et pesait 4 000 kilos. Son gigantisme n’est pas le plus surprenant (il est même moins imposant que le giganotosaurus). Ce qui a marqué les scientifiques, ce sont ses similarités avec les tyrannosaures — tels que le célèbre T.Rex.

Représentation du dinosaure carnivore baptisé Meraxes gigas. // Source : Peter Makovicky
Représentation du dinosaure carnivore baptisé Meraxes gigas. // Source : Peter Makovicky

Les dinosaures carnivores avaient besoin d’un crâne massif, pas de bras

La structure du corps est singulièrement similaire entre le Meraxes et le T.Rex, ce qui ne se justifie pas forcément : ils n’appartiennent pas à la même famille de carnivores. Mais un point commun attire particulièrement l’attention : leurs petits bras. « De fait, cette nouvelle découverte nous permet de poser la question, ‘Pourquoi ces dinosaures carnassiers pourtant si gros ont ces petits bras minuscules ?’ », interroge Peter Makovicky, l’un des auteurs de l’étude, sur le site de l’université du Minnesota (États-Unis).

C’est un problème qui anime les paléontologues depuis bien longtemps. Mais grâce à cette étude, qui livre des données statistiques sur le Meraxes à partir d’un squelette très bien conservé, on sait que cette espèce a évolué de la même façon que les T.Rex. Et il est alors possible d’engager une étude comparative des théropodes carnivores de l’époque.

Ces nouvelles informations permettent aux auteurs de renverser le paradigme sur lequel s’interroger. Auparavant, de nombreux paléontologues supposaient que ces bras étaient devenus petits en raison d’une inutilité d’usage pour ces dinosaures. « Ce que nous suggérons, c’est qu’il y a une autre façon de voir les choses », oppose Peter Makovicky. « Nous ne devrions pas nous inquiéter autant de l’utilité des bras, parce qu’ils sont en fait réduits en raison de la massification du crâne. Quelle que soit l’utilité des bras, ils assument une fonction secondaire puisque le crâne est optimisé pour accueillir des proies plus grosses. »

Le crâne du Meraxes. // Source :  Lautaro Rodriguez Blanco et Javier Pazo
Le crâne du Meraxes. // Source : Lautaro Rodriguez Blanco et Javier Pazo

En clair, les bras ne seraient pas devenus petits en raison d’une quelconque inutilité, mais pour une cause morphologique plus complexe provoquée par la chasse. Il s’agirait d’un transfert des fonctions, des bras vers la boîte crânienne dans son ensemble (dont la mâchoire fait partie). Le crâne devenant plus gros pour mieux saisir les proies et les « accueillir », les bras ont été peu à peu réduits.

Une inutilité de ces petits bras semble d’autant plus à rejeter, selon les auteurs, que les données recueillies dans cette étude montrent que ce sont des membres particulièrement musclés. Bien qu’il soit à l’heure actuelle quasi impossible de connaître leur fonction exacte, ils en remplissaient forcément une. Certains scientifiques ayant participé à l’étude pensent qu’ils servaient surtout pour d’autres activités que la chasse ; par exemple pour la reproduction (afin de se maintenir lors de l’accouplement) et/ou pour se rattraper lors de chutes.

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