En datant plus précisément la formation du noyau interne de la Terre, des travaux parviennent à relier cet événement à la régénération du champ magnétique. Une information capitale pour comprendre l’histoire de notre habitat… et celle d’autres planètes, comme Mars.

Il ne vous aura pas échappé que la Terre ne ressemble pas à Mars. L’une des raisons probables est que le champ magnétique de notre voisine a disparu il y a bien longtemps, la laissant vulnérable. Celui de la Terre est toujours bien présent. Pourtant, il y a 565 millions d’années, ce champ a failli s’effondrer en chutant de 10 % au moins… avant de se renforcer, peu avant la soudaine explosion cambrienne — le moment où la vie multicellulaire a prospéré en préfigurant la plupart des animaux qui existent aujourd’hui.

La réponse à cette variation du champ magnétique se trouverait 1 220 kilomètres sous notre pied : le cœur de la Terre. Nous vivons sur la croûte. En dessous, se trouve le manteau et, si l’on s’enfonce encore davantage, on trouve le noyau, qui se divise en deux. Le noyau externe est composé de fer liquide, bouillant et tourbillonnant, provoquant l’effet dynamo à l’origine du champ magnétique. Si l’on plonge encore plus profondément, on trouve le noyau interne, solide quant à lui.

Ce dernier n’a pas toujours existé en cette forme. Des travaux publiés le 19 juillet 2022 dans Nature parviennent à dater plus précisément l’émergence du noyau interne solide, tout en démontrant alors qu’il y aurait un lien déterminant avec la reformation rapide du champ magnétique terrestre.

La graine, ou noyau interne solide, est la partie jaune vive au centre.  // Source : Wikimedia
La graine, ou noyau interne solide, est la partie jaune vive au centre. // Source : Wikimedia

Le champ magnétique de la Terre est lié au noyau

Les géologues ont pu dater le noyau terrestre grâce à de très anciens cristaux — du feldspath — qui, dans leur structure même, contiennent des sortes d’aiguilles magnétiques qui agissent comme des enregistreurs. Ainsi ces cristaux portent en eux une bonne part de l’histoire magnétique terrestre.

Deux dates clés en ressortent. Dans l’ordre chronologique :

  • Il y a 450 millions d’années, la structure du noyau interne de la Terre commence à changer, préfigurant peu à peu son émergence : quelques millions d’années après, il devient solide et marque une séparation avec le noyau externe liquide.
  • Il y a 550 millions d’années, le champ magnétique terrestre commence à se renouveler (rapidement à l’échelle géologique), alors qu’il était sur le point de s’effondrer il y a quelques millions d’années. Une dizaine de millions d’années après, la vie se démultiplie à profusion.

Les deux événements coïncident. « Le noyau interne est extrêmement important », affirme John Tarduno, professeur de géophysique et coauteur de l’étude, sur le site de l’université Rochester. « Juste avant que le noyau interne ne commence à croître, le champ magnétique était au point d’effondrement, mais dès que le noyau interne a commencé à croître, le champ a été régénéré. »

Première image : en l'absence du noyau interne, le champ est faible. Deuxième et troisième illustration : le champ se renforce avec la formation du noyau solide. // Source : University of Rochester illustration / Michael Osadciw
Première image : en l’absence du noyau interne, le champ est faible. Deuxième et troisième illustration : le champ se renforce avec la formation du noyau solide. // Source : University of Rochester illustration / Michael Osadciw

Concrètement, le plus probable est que la formation d’un noyau interne solide ait rechargé en fusion le noyau externe, lui-même responsable du champ magnétique. C’est ainsi que le noyau interne solide a joué un rôle indirect dans la prolifération de la vie, en provoquant le mécanisme à l’origine du maintien du champ magnétique.

Sans champ magnétique, y a-t-il la vie ?

Mais cette étude va plus loin, en permettant aux scientifiques de retracer plus largement l’histoire du noyau de notre planète. « Comme nous avons restreint l’âge du noyau interne avec plus de précision, nous avons pu explorer le fait que le noyau interne actuel est en fait lui-même composé de deux parties », illustre John Tarduno sur le site de l’université. Cette division en deux couches est une possibilité déjà posée dans de précédents travaux. Autre élément mieux compris : l’interaction entre la surface et l’intérieur de la Terre. Les mouvements tectoniques des plaques, à la surface, ont « indirectement affecté le noyau interne » et l’histoire de ces mouvements est « imprimée au plus profond de la Terre dans la structure même du noyau interne », explique le géologue.

« La planète serait beaucoup plus sèche et très différente de la planète actuelle »

John Tarduno, professeur en géophysique

Ce n’est pas tout. En plus de livrer des informations sur le passé de la Terre, ces travaux apportent aussi leur grain de sel sur l’histoire… des planètes, plus globalement. Un bouclier est nécessaire, comme un mécanisme pour le maintenir : « Cette recherche souligne vraiment la nécessité d’avoir quelque chose comme un noyau interne en croissance qui maintient un champ magnétique pendant toute la durée de vie — plusieurs milliards d’années — d’une planète », détaille John Tarduno.

La dissipation du champ magnétique de Mars l’a probablement laissée vulnérable aux vents solaires et empêché les océans de se maintenir sur le long terme, ce qui serait l’une des raisons de son aspect actuel. Si le champ de notre propre planète ne s’était pas régénéré, serions-nous là pour en parler ? En tout cas, la Terre aurait perdu énormément d’eau et il n’est pas dit que l’explosion cambrienne aurait pu advenir. « La planète serait beaucoup plus sèche et très différente de la planète actuelle », projette John Tarduno.

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