À gauche, nous avons une représentation des aurores de Jupiter, et à droite, une représentation des aurores terrestres. Et bien entendu, la terre a été agrandie près de 10 fois, sinon, elle nous paraitrait bien insignifiante face à sa grande sœur.
Il s’agit de représentations en 3D, mais basées sur de vraies données satellitaires. En plus de la surface visible et familière, ont été ajoutées les aurores polaires, représentées en bleu. Ces aurores ont été observées dans les longueurs d’onde ultraviolettes par la sonde Juno pour Jupiter et par le satellite IMAGE pour la Terre.
Il est important d’expliquer comment nous créons nos images de communication scientifique et d’expliquer que non, vous ne verriez pas ça si vous pouviez observer ces astres à l’œil nu, histoire d’éviter les malentendus. Il ne s’agit bien entendu pas de tricher, mais au contraire de montrer ce qui existe, mais que nos sens nous dissimulent.
Comment les aurores polaires émergent-elles ?
Les aurores sont la conséquence de l’impact de particules chargées (en général, des électrons) sur le sommet de l’atmosphère d’une planète. Suite à cet impact, les atomes et molécules de l’atmosphère émettent de la lumière dans une série de longueurs d’onde (de couleurs, si vous préférez) qui leur sont propres. Ces aurores sont qualifiées de « polaires » car le champ magnétique de la planète guide ces particules chargées provenant de la magnétosphère vers les régions polaires. Au nord, nous avons les aurores boréales et au sud, les aurores australes.
La magnétosphère d’une planète est une « bulle » dans l’espace, où le mouvement des particules chargées est contrôlé par le champ magnétique de la planète, plutôt que par celui du soleil. La plupart des particules d’une magnétosphère se contentent de tourner autour des lignes de champ magnétique et d’osciller le long de celles-ci. Mais toute une série de phénomènes, tels que l’excitation par diverses ondes, la présence de courants électriques ou encore la « reconnexion magnétique », peut précipiter les particules dans l’atmosphère polaire et créer des aurores. Les aurores constituent donc une image du mouvement des particules dans cette magnétosphère.
Des magnétosphères radicalement différentes entre la Terre et Jupiter
Celle de la Terre est très sensible aux variations du vent solaire. En particulier, lorsque le champ magnétique du vent solaire et celui de la Terre sont alignés, mais de sens opposé, sur l’avant de la magnétosphère, se produit un phénomène, appelé reconnexion magnétique, qui permet aux particules solaires de s’engouffrer dans la magnétosphère terrestre.
La magnétosphère de Jupiter est, elle, essentiellement peuplée de particules provenant des volcans de sa lune Io. Ces électrons et ces ions de soufre et d’oxygène sont ensuite emportés par le champ magnétique de la planète et commencent à tourner à la même vitesse que Jupiter tourne sur elle-même, s’accumulant le long de l’orbite d’Io et formant ce que l’on appelle le « tore d’Io ». Ces particules vont ensuite s’échapper lentement, entraînant un cortège d’ondes, de courants électriques et de reconnexions magnétiques.
On perçoit donc bien que les magnétosphères de la Terre et de Jupiter ne fonctionnent pas du tout de la même manière. Par conséquent, les aurores de Jupiter présentent de nombreuses différences par rapport aux aurores terrestres.
Comprendre les planètes par l’étude de leurs aurores
Prenons par exemple la tache allongée située le plus à gauche dans les aurores de Jupiter. Elle s’appelle l’empreinte aurorale d’Io. Elle est provoquée par les remous qu’Io génère dans le tore qu’elle a elle-même créé.
Il y a par contre une structure qui est quasiment identique dans les deux images : c’est cette forme étrange en forme d’œil, en bas à droite sur Jupiter et en bas pour la Terre. On les appelle « tempête de l’aube » sur Jupiter et « sous-tempête aurorale » sur Terre. Toutes deux sont causées par reconfiguration soudaine la partie arrière de la magnétosphère (la magnétoqueue). En effet, bien que ce soit pour des raisons totalement différentes, l’une à cause de la matière éjectée d’Io et l’autre à cause du vent solaire, les deux magnétosphères peuvent accumuler de la masse et de l’énergie dans cette magnétoqueue, jusqu’à ce que celle-ci craque et libère de la même façon de grandes quantités de particules dans les zones aurorales.
Cet exercice s’appelle la planétologie comparée, et il permet, comme on vient de le voir, d’isoler les phénomènes universels des particularités propres à chaque planète. En observant ces planètes lointaines, on en apprend ainsi presque autant sur ces mondes exotiques que sur notre propre planète.
Bertrand Bonfond, Chercheur Qualifié FNRS, Université de Liège
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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